A quelque chose, malheur est bon, dit l’adage populaire. Il a fallu que les jeunes marchands ambulants chauffent la rue dans la journée d’avant-hier pour que l’Etat fasse une pirouette dont il a, seul, le secret. En effet, selon Moustapha Mbaye, porte-parole des commerçants, ‘le maire de Dakar nous a ordonné de regagner nos places initiales et d'exercer nos activités sans pour autant étaler nos bagages sur la voie publique c'est-à-dire sur les routes’. M. Mbaye a fait cette déclaration à l’issue d’une rencontre avec, entre autres, Pape Diop, sénateur-maire de Dakar. Les ambulants sont, ainsi, autorisés à reprendre leurs activités sur les espaces qui leur avaient été interdits suite à une fatwa du président de la République contre l’occupation anarchique des rues et avenues de la capitale. Cette interdiction avait été à l’origine des échauffourées qui ont opposé, mercredi, forces de l’ordre et marchands ambulants.
Toutefois la mesure n’est pas définitive. Elle est, en effet, assortie de quelques restrictions. Ainsi, si les commerçants sont, désormais, autorisés à exercer dans les principales artères de Dakar, les étals sont toujours interdits sur les mêmes lieux. Autrement dit, les ambulants devront se contenter de porter leurs marchandises. Par ailleurs, la mesure est limitée dans le temps en ce qu’elle devrait être levée après les fêtes de Tabaski et de fin d’année en attendant que l’Etat trouve des solutions pérennes pour le racasement des commerçants déguerpis. ‘Après la Tabaski et les fêtes de fin d'année, on va continuer les négociations’, précise le porte-parole des commerçants.
Pour rappel, quelques heures après le début des manifestations, le Premier ministre avait convié les responsables des commerçants ambulants à une séance de discussions. A l’issue de celle-ci, une série de mesures avaient été préconisées pour dissiper la colère. Au chapitre desquelles l’ouverture aux activités commerçantes de la rue Emile Badiane pendant les week-end de même que, pour une partie de la journée, l’avenue Lamine Guèye. Il avait été, par ailleurs, convenu d’accord-parties l’aménagement du garage Pétersen. Les parties étaient, enfin, tombées d’accord sur la nécessité d’aménager le terrain du Cerf volant (derrière la maison du Parti socialiste) afin d’y recaser les propriétaires de tables.
Reflet : La faillite de la Ville de Dakar
Avec ce qu’il est convenu d’appeler le ‘mercredi noir’ de l’alternance, il n’est pas prétentieux de dire que la Ville de Dakar devrait revoir sa copie en matière d’aménagement de l’espace public mais, également, de communication. Dit simplement, c’est bien à une faillite des services communaux que l’on a assisté avant-hier. Primo, si toutes les mesures qui ont été prises pour parer au plus pressé l’avaient été avant toute entreprise de déguerpissement par la force, Dakar aurait pu faire l’économie d’un affrontement stérile. Pascal disait que ‘la force sans la loi est aveugle ; la loi sans la force est faible’. Et les autorités ont eu, à leur corps défendant, à vérifier cette vérité. Parce que, malgré l’escouade de policiers et de gendarmes mobilisés pour ‘nettoyer’ la capitale, l’Etat a été obligé de reconnaître ses propres limites pour faire machine arrière afin de ne pas en rajouter à la colère ambiante.
Secundo, une bonne politique de communication associant les véritables concernés aurait eu le mérite d’ouvrir les canaux de discussion afin de prévenir, pour ne pas être là à guérir des plaies qui sont déjà suffisamment ouvertes. A la place, on a assisté à une politique de pilotage à vue avec prise unilatérale de décisions sans se soucier, le moins du monde, de la réaction des concernés qui se comptent par milliers.
C’est peut-être consciente, sur le tard, de sa faillite dans cette affaire que la Ville de Dakar, à travers ses responsables, a cru bon jouer aux sapeurs-pompiers pour éteindre ce qui pouvait l’être. Mais, l’incendie est d’une telle incandescence que ce n’est pas avec des solutions de saupoudrage que l’on peut le circonscrire.
Il est, par ailleurs, à noter cette dysharmonie dans le discours entre la mairie de Dakar et le gouvernement. Quand les autorités de la Ville de Dakar déclarent que les commerçants sont autorisés à regagner le trottoir, c’est pour se voir, dans la minute, servir un cinglant démenti du ministère du Cadre de vie qui persiste et signe dans sa volonté d’assainissement. Mettez de l’ordre dans tout ça !
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