Les nouveaux voleurs chic du Sénégal

Feuilletez n’importe quel guide de voyage sur le Sénégal et vous trouverez les mêmes avertissements : méfiez vous des brigands, faites attention aux voleurs et prenez garde aux pickpockets lorsque vous êtes dans un endroit peuplé.

Par Sheriff Bojang Jr., Dakar

Voleurs en costume-cravate
La capitale du Sénégal est réputée pour son temps magnifique, ses plages de sable fin, sa belle architecture et la grande hospitalité de ses habitants, mais Dakar est aussi notoire pour son taux élevé de vols à la tire. Les touristes et les expatriés en sont les principales victimes : les voleurs dérobent les sacs à main, les téléphones portables et autres possessions de gens dans la rue, sur les marchés, dans les boites de nuit et autres endroits publics.

Les voleurs sont généralement des jeunes aux apparences soupçonneuses, salement habillés, qui volent un objet et s’enfuient en courant. Mais un nouveau profil est en train de naître : les voleurs ne sont plus des types véreux qui éveillent les soupçons, que ce soit par leur accoutrement ou leur manière d’approcher leurs victimes.

Approche professionnelle
Lee Evans est un menuisier anglais originaire de Brighton, qui s’est rendu à Dakar avec un ami pour y faire du bénévolat. Un dimanche matin, ils sont allés au centre-ville pour acheter des billets d'autocar pour le Mali. En cours de route, un gentleman en costume gris portant un dossier sous le bras les a approchés. "Il nous a dit que sa famille avait une agence de voyage et qu’il pouvait nous y conduire pour acheter des billets pour le Mali", raconte-t-il. Les deux Anglais lui ont fait confiance car "il avait l’air sérieux et son approche était professionnelle".

En route vers la supposée agence de voyage, Lee et son ami ont voulu changer de l’argent et le gentleman leur a proposé son aide, affirmant que sa famille avait un bureau de change. Ils lui ont donné des billets d’une valeur de 100 livres sterling (114 euro). Arrivés à un coin de rue, il leur a dit de l’attendre pendant qu’il allait changer l’argent dans le ‘bureau’. Après une attente de 10 minutes sans le voir revenir, Lee et Evans ont regardé à l’intérieur du ‘bureau’. A leur surprise, il s’agissait d’une rue qui donnait sur un boulevard animé de la ville. L’homme s’était enfui avec leur argent.

Superbe voiture
Madame Kane et son mari étaient en plein travail lorsqu’un homme chiquement habillé a garé sa superbe voiture devant leur maison, dans un quartier bourgeois de Dakar. L’homme s’est présenté à la bonne du couple comme quelqu’un ayant travaillé avec Madame Kane et qu’il venait chercher quelques affaires dans sa chambre à coucher.

L’homme mystérieux faisait comme s’il parlait à Madame Kane au téléphone et la bonne croyait à l’histoire. L’homme s’est rendu dans la chambre à coucher et a emporté les bijoux de la dame, ainsi que des affaires personnelles, avant de repartir dans sa voiture. Il s’agissait d’un voleur.

Dieu sait si je revolerais
Hassane (qui n’est pas son vrai nom, ndlr) purge une peine de six mois de prison, pour avoir volé un couple belge en mars. Il s’est présenté comme le propriétaire d’un bar et leur a demandé de l’accompagner. Après les avoir conduit vers un endroit isolé, il s’est enfuit avec leur sac contenant de l’argent, des cartes bancaires et leurs passeports, alors qu’ils prenaient des photos.

Il a reçu une peine allégée après avoir plaidé coupable pour le crime. Mais même s’il se sent coupable envers le couple, dont il dit qu’ils lui faisaient confiance, il en veut surtout au système. "Je ne suis pas né voleur, mais que puis-je faire d’autre ? Il n’y a pas de travail et personne au gouvernement ne se soucie de gens comme moi", dit-il dans la salle de prison. Quand on lui demande s’il volera de nouveau après sa sortie de prison, il fait un grand sourire et dit "seul Dieu le sait, je ne suis qu’un être humain."

L’inspecteur de police Gueye affirme que le taux de vols ‘chics’ est à la hausse, faisant référence aux tenues vestimentaires et autres tactiques utilisées par les voleurs. "Les nouveaux voleurs s’habillent chiquement et approchent leur victimes de manière professionnelle, il sera plus difficile de les arrêter, car la police les distingue mal des autres gens", dit l’inspecteur.