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Vendredi 01 Juin, 2018 +33
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Les prostituées ne font pas jeûner leurs activités

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Les prostituées ne font pas jeûner leurs activités

Si des prostituées prennent leurs congés pendant le mois de Ramadan, elles ne sont pas nombreuses. La plupart d’entre elles continuent à faire le trottoir durant ce mois béni. Elles désertent les rues passantes pour recentrer leurs activités aux alentours des boîtes de nuit et des hôtels.

Les interdits d’ordre divin qui régulent la vie des musulmans sont plus corsés durant le mois béni de Ramadan. Mais il est de la nature même des hommes de les transgresser. C’est le cas dans le milieu de la prostitution. Aussi bien les professionnelles que leurs clients n’observent pas de trêve. La preuve par les faits. Incursion nocturne - non sans risques (voir par ailleurs) - dans le milieu du libertinage dakarois.

La nuit a fait son premier tiers, les couche-tôt ont déjà eu plusieurs heures de sommeil. Et Dakar by night arbore comme un visage d'emprunt, parce que ne lui ressemblant point. En effet, c'est un calme plat contrastant avec l’ambiance traditionnelle de fièvre du centre-ville. Chose qui n'est pas le fruit du hasard, le Ramadan étant à l’origine d’un tel changement.

Cette quiétude n’est troublée que par quelques automobilistes, des mendiants, des vigiles scotchés devant les immeubles et magasins dont ils assurent la sécurité, les sans-abri et autres fous errant dans l'inconscience des soucis de la vie.

Il y a aussi une des composantes les plus en vue du Dakar by night qui est fidèle au poste : les prostituées. Bon nombre d'entre elles n'ont pas pris de congé. En fait, chez elles, c'est comme si de rien n'était. Le Ramadan ne leur a pas fait changer de comportement. Elles sont bien de service, même si ce n’est pas aux endroits exposés comme les axes principaux qu'on les trouve. De Sandaga au Port, en passant par l’avenue Hassan II (ex-Sarraut), Ponty, Mole 2, Rue Vincens, Amadou Asssane Ndoye, Carnot…, point l’ombre d’une belle de nuit.

Elles sont essentiellement aux devantures des boîtes de nuit et des hôtels où l'ambiance des grands jours prévalait samedi nuit. Faisant le pied de grue devant ces endroits, guettant de probables clients, les péripatéticiennes de tous les âges se mettent en valeur. Apostrophée sur la rue Malenfant, où elle était sagement assise sous un arbre, visiblement perdue dans ses pensées, une prostituée d’une quarantaine d’années, vêtue d’un boubou traditionnel bleu-jaune, ne se prive pas de lancer son prix au premier abord. «Si c'est devant seulement, la passe, c'est à 10 000 francs Cfa. Je ne suis là que pour ça. Si on tombe d'accord, on va à l'hôtel Provincial à côté. Mais si c'est devant et derrière que vous voulez, vous allez devoir débourser plus. Cela coûte plus cher». Question vite réglée : «seul devant nous suffira». Mais le long marchandage auquel on se lance n'y changera rien. Elle campe solidement sur ses positons. «C’est 10 000 francs. 5000 francs, c'est très peu», renchérit-elle. Tope là. L’affaire conclue, elle ouvre le chemin vers le petit hôtel à côté car, lance-t-elle, prudente, «il est hors de question de monter dans la voiture d'un client que je ne connais pas. Pour rien au monde, je ne ferai ça». Il a fallu de la stratégie pour disparaître furtivement avant d’arriver à l’hôtel et faire cap sur la rue Blanchot où trois autres belles de nuit, moins jeunes, sont habillées plus sexy : pantalons moulant leurs rondeurs. Mais les prostituées étaient plus nombreuses devant une boîte de nuit sur la rue de Thiong que sur la rue Malenfant où l’activité est florissante. Essentiellement jeunes, elles rivalisaient de tenues osées. Les plus vernies montent dans les véhicules avec leurs clients. Les autres qui n'ont pas encore trouvé de clients font les cent pas.

L'une d'entre elles, très futée, s’agite subitement. Taille élancée, la vingtaine, habillée d'une minijupe trop courte, elle s’écrie : «nous sommes des prostituées, c'est notre métier. Et nous ne nous cachons pas. C’est notre choix et cela ne regarde que nous». Pas du tout froid aux yeux, elle nous jette à la figure : «vous ne cherchez que ce que vous écrivez. On b… avec qui l’on veut. Et c'est ce que nous faisons. Nous sommes majeures, nous avons nos carnets, nous sommes des citoyennes et avons le droit de nous prostituer». Il était environ 2h45mn quand ces filles de joie exprimaient ainsi leur colère. Nous décidons de nous replier. Mais la retraite n’a pas été de tout repos. Les prostituées ont la rancune tenace…

Quand des prostituées prennent en chasse des reporters

Après la devanture de cette boîte de nuit sur la rue de Thiong où nous avons essuyé les foudres de ces prostituées, nous avons décidé d’aller poursuivre ailleurs notre reportage. Seulement, en cours de route, le chauffeur qui avait le regard figé sur son rétroviseur informe que nous étions suivis par un taxi. Effectivement, il y avait un taxi qui roulait juste derrière. Pour y voir clair, le chauffeur a fait des détours aussi bizarres qu’inutiles. Mais le taxi était toujours à nos trousses. C'est seulement au moment de contourner le rond-point de Sandaga en direction de l'avenue Peytavin que nous avons eu la confirmation d’être traqués par des inconnus à bord du taxi en question. Le taximan faisant même des signaux avec les phares de son véhicule. Il était 3 heures du matin et aucune âme alentour. Le chauffeur met alors la gomme. Avenue Peytavin et corniche ouest avalées, nous bifurquons par Soumbédioune pour nous engouffrer dans la Médina, puis la Gueule-Tapée, avant de déboucher sur le Canal 4, vers le lycée Delafosse.

Pour mettre fin à cette insensée course-poursuite, on se gare. Aussitôt, s’immobilise à notre hauteur le taxi qui nous avait en chasse depuis plus d’une demi-heure. Du haut de ses 190 centimètres environ, une dame obèse qui n'a rien à envier aux sumotori (lutteurs japonais), et habillée d'un boubou traditionnel, s’extirpe énergiquement du taxi, imitée par une autre fille, menue, à la peau fortement dépigmentée.

D'un pas alerte, elles se sont dirigées sans hésiter vers nous. C'est la dame obèse qui charge : «Salamalekum ! Grand da ngeen ñu photo ! Lu tax ? Yeenay kan ?» (vous nous avez pris en photo ! Pourquoi ? Qui êtes-vous ?) L'un de nous répond calmement : «nous ne savons pas qui vous êtes, tout ce que l'on peut vous dire, c'est que nous faisons notre travail». Sans écouter la réponse, la fille de petite taille, beaucoup plus belliqueuse, réplique en vociférant : «Vous nous avez photographiées, je vous ai vus. Vous n'avez pas le droit. Vous allez détruire de force ces photos».
Accrochée à la portière droite de notre véhicule, la dame obèse l'a soudainement ouverte : «Votre véhicule ne bougera pas d'ici, tant que vous n'avez pas détruit ces photos». Pendant ce temps, sa copine déchire encore la nuit de ses cris : «Lay lay lalaa, Nous sommes des prostituées et nous l'assumons. Notre travail consiste à nous faire b... Nous ne nous cachons pas, car nous sommes détentrices de carnets».

Alertés par la «crise d'hystérie» de la prostituée svelte, des passants se sont joints à nous et certains habitants des immeubles voisins se sont précipités à leurs balcons. Les nerfs commencent à s’échauffer, nous décidons alors de vider les lieux. Ce que n’entendaient pas de cette oreille les deux femmes. «Vous allez nous tuer, mais le véhicule ne bougera pas d’ici. Allons à la police, d'ailleurs j'appelle O… Diallo», s’époumone la dame obèse. Joignant l’acte à la parole, elles s’accrochent à la portière du véhicule une fois que le moteur a été mis en marche. Mais elles finissent par lâcher prise non sans tambouriner sur les vitres. Celle de la portière droite a même été brisée. En bifurquant sur la corniche ouest, le taxi nous a encore collé aux trousses à hauteur du casino Terrou-bi. Nous croyons les avoir enfin semés, en nous engouffrant dans l'enceinte de l'université. Non, ils nous ont repris à hauteur du ministère de la Santé. Profitant de la relative longueur d'avance que nous avions sur eux, nous avons traversé l'avenue Cheikh Anta Diop, avant d'entamer une nouvelle course-poursuite digne des films à travers Point E, Amitié, Rue 10, Grand-Dakar, Bourguiba, avant de nous immobiliser dans une obscure ruelle, à la Sicap Liberté 2, derrière le stade Demba Diop. Moteur et phares éteints pour être certains d’avoir grillé nos suiveurs. C'est sur ces entrefaites que le ciel nous est venu en aide en ouvrant ses vannes, comme pour annoncer la fin de la partie.

Mais pour dire que ces dames et leur conducteur ont la rancune tenace, ils nous ont retrouvés sur la rue 22 de la Médina, à hauteur du Collège Jean de la Fontaine. Nous remontions la rue 22 en direction du centre-ville, eux venaient en sens contraire. Dès qu'ils nous ont repérés, nous avons man?uvré pour disparaître dans les ruelles de la Médina. C’est là que vers quatre heures du matin a pris fin cette traque déclenchée pour une histoire de photos que, finalement, notre photographe n’avait pas prises.



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