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Les Senegalais et l'Alcool : La convoitise des temps froids

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Les Senegalais et l'Alcool : La convoitise des temps froids

Les disciples de Bacchius avaient souvent l’habitude de justifier leur prise de l’alcool en période de chaleur par une nécessité de se désaltérer. Maintenant que le froid du mois de novembre a fini de s’installer, cet argument semble ne plus tenir. Du moins, si l’on en juge par les entrées et sorties dans les bars à Grand-Yoff à partir de 18 heures. C’est à croire qu’ils assurent le dîner en sifflant leurs bouteilles d’alcool. Et ce ne sont pas les gérants qui se plaignent de clients.

Novembre à Grand Yoff, comme partout à Dakar, les nuits sont douces dans les bars comme à la maison. Les amis ‘indiscrets’ présents. L’ambiance monte progressivement. D’un geste presque mécanique, ils portent à leurs lèvres leurs bouteilles de bière ou leurs coupes de whisky, pastis ou gins, remplies à ras bord (aïe pub gratos !). Et ils entament leur soirée. Ainsi, tout est Ok, quoi. L’alcool, lui aussi, commence son circuit sans que parfois ils s’en rendent compte. Une spirale infernale. Ingéré par bouche, il passe d’abord dans le tube digestif, transite par l’estomac et traverse la paroi intestinale.

La randonnée nocturne dans ces milieux de mauvaise presse débute à ‘Antôme’, un bistrot qui fait front au foyer socioculturel de la commune d’arrondissement qui pourrait battre le record du nombre de bars existant au Sénégal. Passablement excités, certains commencent à perdre mémoire et jugement. D’autres ont de plus en plus de mal à perler correctement et à marcher droit. Avachis sur leurs tables, quelques-uns se sont carrément endormis. Heureusement, personne n’a encore atteint le coma alcoolique profond.

D’après le gérant, la consommation de liqueur a connu une hausse considérable depuis fin octobre. ‘Je suis obligé de faire le plein à toutes les 48 heures et à la longue, je crois qu’il me faut faire des commandes pour une semaine, voire deux, cela me créera moins de soucis’, révèle le barman, sous le sceau de l’anonymat. A l’en croire, ‘dès qu’ils (les clients : ‘Moustapha’ ou ‘Jean Paul’) sentent qu’il y a rupture de stock, ils deviennent incontrôlables’. Les barmen ont un chiffre d’affaires journalier qui oscille entre 50 et 75 mille F Cfa.

Faire parler un homme en état d’ivresse n’est pas chose difficile. Il suffit de les apostropher, leur demander du feu pour griller votre clope et vous pouvez maintenant ouvrir les débats. Le problème subsiste quand vous tentez de leur tirer les vers du nez. Ils passent complètement à côté de la plaque avec des réponses vagues. Et Moustapha Diakhaté, (c’est le nom qu’il donne) en est un. A la question de savoir depuis quand il a commencé à prendre de l’alcool, il sert cette réponse surprenante : ‘depuis l’époque de De Gaule et de Senghor’. Des noms qu’il n’a certainement connus que par l’histoire car, il n’est âgé que de 21 ans. D’après lui, ‘avec le froid qui vous perce les pull overs, la solution de l’heure pour faire face demeure l’alcool sec et chaud’.

Dans son état, ce jeune homme ignore que la moindre baisse de vigilance peut être source de comportements déviants : agressivité inhabituelle, conduite en état d’ivresse, rapports sexuels à ciel ouvert, etc. Ailleurs, sur la route qui mène à la fourrière, en plus du son distillé pour les clients, l’ambiance dans cette bar est fébrile. Le cadre archi comble. La lumière en kaléidoscopique. Propice, donc, pour ceux-là qui aimeraient passer inaperçus. Jean Paul Djiba lève tranquillement le coude dans un des multiples coins du bar. ‘J’aurais dû prendre du café ou du thé à la place de la bouteille, seulement cela ne me suffit pas comme remontant… J’ai besoin de quelque chose de chaud et sec qui me procure une chaleur d’étuve. Ainsi, le froid ne me fera pas de mal’, argumente-t-il tout en se targuant d’être un héros. ‘Ce que je bois là (Ndlr : du kaana à sec : du jus d’anacajou fermenté), n’est pas donné à n’importe qui. Il faut être un vrai homme pour le boire, mais le thé ou le café, c’est pour les Goordjiguèn, (comprenez par là, les hommes mous)’, croît-il, le torse bombé.

Au comptoir, le barman explique avoir constaté plus affluence ces derniers temps. ‘C’est vrai qu’en période de chaleur, c’est la bière qui se vend le plus, mais avec la fraîcheur du soir, les clients ont beaucoup plus besoin de liqueur qui a un caractère incandescent. N’empêche, la bière suit son bonhomme de chemin’, renseigne-t-il l’air ému.

Du fait d'un fort taux de consommation : Bacchius perd deux millions de ‘disciples’ chaque année

D’après Emmanuel De Solère Stintzy dans le quotidien français Le Monde du 17 novembre 2006 : ‘Votre bière n’est pas encore terminée’, pourtant, en l’espace de quinze minutes à une heure, si vous êtes à jeûn ou pas, l’alcool aura été transporté par le sang dans tout votre corps. En particulier dans les organes les mieux desservis par vos vaisseaux sanguins : le foie, le cœur et le cerveau.

Au bout de la chaîne, seule une très faible quantité sera éliminée par les poumons et l’air expiré, les reins et l’urine, la peau et la transpiration. Voire par les yeux et les larmes, si vous avez l’alcool triste ou singulièrement gai. Les 90 à 95 % restants seront lentement transformés au niveau du foie. Il faudra en moyenne sept heures à votre corps pour éliminer 1g d’alcool. On atteint le coma alcoolique profond quand on est à 3g/L de sang.

Sur le long terme, vous en avez entendu parler, la consommation d’alcool à des doses fortes ou moyennes répétées contribue à plus de 60 maladies et infections : cancers, maladies du foie et du pancréas, troubles cardiovasculaires, maladies du système nerveux et trouble psychique. En permanence imbibé, l’organisme n’a plus le temps de transformer la totalité de l’alcool consommé. Ralenti par cette drogue qui agit sur lui comme une substance psycho active au même titre que le cannabis, le cerveau est lui également débordé. D’après l’Organisation mondiale de la Santé (Oms), l’alcoolisme entraînerait chaque année la mort de près de deux millions de personnes dans le monde. A méditer au moment de trinquer pour un dernier verre avec vos amis. Et si, pour une fois, c’était avec du jus de fruit ? 



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