Jeudi 25 Avril, 2024 á Dakar
Vendredi 01 Juin, 2018 +33
Societe

LONGUES DETENTIONS PROVISOIRES AU SENEGAL : De la recherche de la justice à l’injustice

Single Post
LONGUES DETENTIONS PROVISOIRES AU SENEGAL : De la recherche de la justice à l’injustice

La détention provisoire est un mal nécessaire. Pour un bon service public de la justice, les inculpés devront être mis aux arrêts pour plus de transparence dans le traitement des dossiers. Cependant, force est de reconnaître qu’il est inhumain de maintenir un  présumé innocent en prison dans des délais déraisonnables avant de le faire juger, le libérer et, qui plus est, sans indemnisation. C’est le cas au Sénégal où près de 10 % des détenus sont victimes de longues détentions provisoires. 

La règle aujourd’hui au Sénégal, dans le domaine judiciaire et en matière criminelle surtout, ce sont les longues détentions provisoires. Pape Demba Kandji, directeur des affaires criminelles et des grâces, ancien juge d’instruction, l’a qualifié, à juste titre, de déraisonnable. Pour rendre justice, la machine judiciaire nationale commet moult injustices allant d’une détention provisoire supérieure à 10 ans à un non-lieu ou acquittement sans indemnisation.
Cette période où la personne présumée innocente est privée de sa liberté s’étend de sa mise sous mandat de dépôt à son jugement par une juridiction compétente. «Cette mesure qui prive un individu de sa liberté permet de mettre celui-ci à la disposition de la justice, c’est une garantie de représentation», enseigne Me Assane Dioma Ndiaye, avocat au barreau de Dakar et président de l’Organisation nationale des droits de l’homme (Ondh). Cette mesure de mise  en détention peut aussi découler de la simple volonté du juge d’instruction de vouloir protéger l’inculpé contre la vindicte populaire, la vengeance de la partie civile ou de sa famille. Cette modalité permet aussi au juge instructeur, toujours selon Me Ndiaye, d’extraire le supposé coupable à tout moment de la maison d’arrêt pour un acte d’instruction, une confrontation, une audition au fond ou même un transport sur les lieux. Donc la détention provisoire est cette période où la personne supposée innocente est pourtant détenue pour diverses raisons. «La loi doit offrir un certain nombre de garanties aux personnes qui sont mises en détention provisoire. Mais on se rend compte, au Sénégal et dans les pays sous-développés, que la personne est comme dans une situation de condamnée», renseigne dans le même registre Me Assane Dioma Ndiaye. Ainsi vient le problème de la limitation de la détention provisoire.
Cependant, il faut signaler au passage que le problème de la limitation de la détention avant jugement est réglé en ce qui concerne la matière correctionnelle. L’exécutif qui était à la base de ce projet a estimé qu’il était possible de limiter la détention en ce qui concerne les délits à 6 mois. Mais en matière criminelle, par contre, le législateur n’a pas estimé nécessaire de restreindre la détention provisoire, prétextant que la matière criminelle est complexe, que les faits reprochés à l’inculpé sont qualifiés de crimes donc graves, ce qui fait qu’on ne pouvait pas confiner le magistrat instructeur dans un délai. La raison est que le juge avait beaucoup d’actes à faire et qu’il était plus judicieux, pour la bonne manifestation de la vérité, de lui laisser le temps nécessaire pour boucler son instruction. La longueur des instructions en ce qui concerne les crimes se justifie également par le manque de juges d’instruction et de moyens. «Les cabinets d’instruction étaient tout le temps surchargés», assure le défenseur des droits de l’Homme pour justifier qu’il était presque impossible de limiter la détention en ce qui concerne les crimes. Ainsi, ces injustices de la justice sénégalaise n’ont pas cours dans les pays de droit dignes de ce nom, notamment en France où la détention en matière criminelle est fixée à 4 ans. Et pourtant, le législateur sénégalais a imité presque tout de son ancien colonisateur.  

Qu’est-ce qu’une détention provisoire ?

C’est le fait de placer en prison, avant son jugement, une personne soupçonnée d’avoir commis un crime ou un délit. Selon la loi, la détention provisoire est une mesure exceptionnelle qui déroge au principe du maintien en liberté. En effet, toute personne suspectée ou poursuivie est présumée innocente tant que sa culpabilité n’a pas été établie par un tribunal. La personne qui n’a pas été jugée doit donc en principe rester libre. Cependant, en raison des nécessités de l’instruction ou à titre de mesure de sûreté, elle peut être astreinte à une ou plusieurs obligations du contrôle judiciaire. Lorsque celles-ci sont considérées comme insuffisantes, la personne peut être placée, à titre exceptionnel, en détention provisoire. Celle-ci ne peut être ordonnée que si elle constitue l'unique moyen de conserver les preuves ou indices matériels nécessaires pour la bonne manifestation de la vérité. Cette mesure exceptionnelle permet en même temps d'empêcher soit une pression sur les témoins ou les victimes et leur famille, soit une concertation frauduleuse entre personnes inculpées et leurs complices. Elle vise également à protéger la personne inculpée.  La détention provisoire permet de garantir le maintien de l’inculpé à la disposition de la justice et de mettre fin à l'infraction ou de prévenir son renouvellement. Elle prévient enfin pour  mettre fin à un trouble exceptionnel ou persistant de l'ordre public provoqué par la gravité de l'infraction, les circonstances de sa commission ou l'importance du préjudice causé.
Le juge d’instruction a l’obligation de mettre en détention certaines personnes inculpées pour des crimes ou certains délits en attendant leur jugement. Mais la détention doit obéir à des critères. Aucun détail ne doit être laissé au hasard au risque d’empêcher la justice de remplir pleinement sa mission. Tout compte fait, toutes les mesures devant obliger le magistrat instructeur à placer un inculpé en détention provisoire doivent être réunies.
«Définie par la loi comme devant être exceptionnelle, la détention provisoire est trop souvent prononcée au détriment du contrôle judiciaire et au mépris de la présomption d’innocence», fait remarquer Jean-Paul Doucet,?Docteur en droit,?chargé de cours à la Faculté de Droit et de Sciences économiques de Caen, dans son commentaire sur l’article 137 du code de procédure pénale. Article que le législateur sénégalais a intégré in extenso dans le code de procédure pénale sénégalais. Véritable peine avant jugement, la détention provisoire constitue de nos jours une grave atteinte aux libertés fondamentales.

Quand doit-on mettre en détention provisoire ?

Le placement en détention provisoire n’est possible que si la personne mise en examen encourt une peine criminelle ou correctionnelle d’une durée égale ou supérieure à trois ans d’emprisonnement. Dès lors, il faut s’accorder à reconnaître que la détention provisoire est une mesure qui répond à trois fins différentes, si l’on se fie aux commentaires de Jean-Paul Doucet. Elle facilite l’instruction en plaçant le prévenu à la disposition de la justice et en lui interdisant de faire disparaître les preuves. Elle assure la sécurité publique en mettant hors d’état de nuire le supposé coupable. Et elle garantit l’exécution de la peine qui sera prononcée en l’empêchant de prendre la fuite. Ainsi que le souligne Faustin Hélie, ancien magistrat et jurisconsulte français : «La détention préalable ne doit point être appliquée dans tous les cas où elle n’est point indispensable soit à la sécurité publique, soit à l’exécution de la peine, soit à l’instruction du procès. La nécessité étant la condition et la mesure de son application, dès que cette nécessité n’est plus constatée, la mesure est présumée inutile, et, si elle est inutile, elle n’est plus qu’un abus odieux».

Point de plafond en matière criminelle

La durée de la détention provisoire en matière correctionnelle est fixée au Sénégal par l’article 127 bis du code de procédure pénale à 6 mois, non renouvelables. Cependant, aucune durée n’a été fixée pour les détentions en matière criminelle. C’est sûrement ce qui pousse la justice sénégalaise à maintenir des inculpés en prison pendant plus de 10 ans. Si l’acquittement suit ces longues détentions provisoires, le citoyen est remis en liberté sans aucune réparation. C’est pour toutes ces raisons que l’appareil judiciaire sénégalais est interpellé pour une justice en temps raisonnable. L’exemple le plus récent et le plus patent est la session spéciale de la Cour d’assises de Dakar de 2009 consacrée au jugement des membres de la fameuse bande d’Alassane Sy alias Alex et Abatalib Samb dit Ino. À l’issue de ce jugement, treize personnes parmi lesquelles certaines ont été placées en détention provisoire pendant presque 10 ans ont bénéficié d’un non-lieu total, sans l’accompagnement moral ni financier de la part de l’Etat du Sénégal.

Pourquoi une détention provisoire ne doit pas être longue

De façon générale, la détention, que ce soit en matière délictuelle ou criminelle, doit être provisoire et ne doit être longue, en vertu de 3 principes. Le premier principe à retenir est celui de la présomption d’innocence. Selon notre droit positif, «une personne est supposée innocente tant que sa culpabilité n’est pas établie par une juridiction compétente». Ainsi, si une personne présumée innocente est détenue pendant une durée anormalement longue et qu’elle soit relaxée par la suite, elle sera victime d’un préjudice irréparable. «Tous ces arguments s’opposent à une longue détention provisoire, même si on peut comprendre qu’une personne en conflit avec la justice soit raisonnablement détenue pour les nécessités de l’enquête. Cependant, cette privation de liberté ne doit pas être une atteinte à la  liberté individuelle. Ce qui conforte les dispositions du code de procédure pénale qui l’envisagent comme une mesure exceptionnelle. Il y a aussi le principe constitutionnel qui veut que toute personne inculpée soit jugée dans  un délai raisonnable. «On ne peut plus, à partir de ce moment, détenir une personne pendant 5 ans et même 10 ans», confie l’avocat. Le troisième et dernier principe est celui de la péremption ou du dépérissement des preuves pour les personnes détenues pendant 10 ans. «Le propre de la matière criminelle est que la société veut donner un exemple par rapport à un fait qui a fortement troublé l’ordre public», relève le président de l’Ondh. Ainsi, si le jugement vient après que la société a oublié ce qui s’est passé, on sort du cadre de ce qui était recherché au départ, ce qui fonde l’essence même de la Cour d’assises. Ces trois principes sont largement suffisants pour déterminer une limitation de la détention provisoire en matière criminelle. Le manque de moyens ne peut pas être opposé  à ces principes, puisque l’Etat doit avoir les moyens de sa politique.

Des réformes consenties

Des actes sont posés allant dans le sens d’accélérer l’instruction. Ainsi, l’enquête de personnalité devient facultative, même en matière criminelle. Le double degré de juridiction a aussi sauté. De ce fait le magistrat instructeur ne transmettra plus son dossier à la Chambre d’accusation pour que celle-ci rende un arrêt de renvoi devant la Cour d’assises. Le juge d’instruction doit aussitôt, après son enquête, rendre directement une ordonnance de renvoi devant la juridiction compétente. «En réalité, l’intervention de la Chambre d’accusation dans cette matière n’a jamais réellement apporté la plus-value attendue sur le travail de base accompli par le magistrat instructeur», avait confirmé l’ancien ministre d’Etat, garde des Sceaux, ministre de la Justice, Me Madické Niang, lors de la conférence annuelle des chefs de parquet, tenue le 19 juin dernier. Ce qui permet, selon Me Assane Dioma Ndiaye, de pouvoir fixer un délai de 2 ans ou moins pour que le juge d’instruction rende son information. À ces mesures s’ajoutent les recrutements massifs de magistrats opérés ces trois dernières années avec plus de 100 juges chaque année. Ce qui exclut le manque de personnel et de cabinet, puisqu’à Dakar le nombre de cabinets est passé de six à dix. «Il y a des raisons objectives qui militent  en faveur d’une limitation rapide de cette détention en matière criminelle», croit savoir le défenseur des droits de l’homme.

Une indemnisation pour réparer les torts

La responsabilité de l’Etat est née d’une création de la jurisprudence administrative au 19e siècle. Celle-ci a progressivement pénétré tous les secteurs de l’activité étatique. «La responsabilité de l’Etat s’est  d’abord fondée sur le principe de la responsabilité pour faute avant de s’étendre vers celui de la responsabilité sans faute pour mieux garantir les droits des victimes du mauvais fonctionnement du service public», affirme Ousmane Diagne, le procureur de la République près le tribunal régional hors classe de Dakar. Cependant, il est bon de rappeler que la justice a été pendant longtemps, selon le chef du parquet, tenue à l’écart de ce système de responsabilité, en raison surtout se son caractère particulier marqué par le fait qu’il s’agit d’un domaine de souveraineté où le principe d’irresponsabilité était la règle. Ainsi, les victimes des injustices de la justice ne pouvaient prétendre à une indemnisation du fait que la justice, étant exercée au nom du peuple, est censée être parfaite et infaillible. «C’est ainsi qu’a été longtemps écartée aussi bien la responsabilité des magistrats dans l’exercice de leurs fonctions qu’une quelconque responsabilité de la justice considérée comme un service public», ajoute le procureur de la République. De ce fait, assure toujours le chef du parquet, en dépit des dysfonctionnements indéniables caractérisés par les longues détentions provisoires suivies de relaxe, d’acquittement ou de non-lieu, le principe d’une responsabilité de l’Etat pour mauvais fonctionnement de la justice, et partant d’une indemnisation des victimes de ce mauvais fonctionnement, a connu un lent processus, essentiellement justifié par la criante question de devoir faire face à des actions en indemnisation trop nombreuses et coûteuses pour les finances publiques. En conséquence, la non-indemnisation, après une longue détention, n’est qu’une partie de l’injustice de la justice sénégalaise. Cette non-indemnisation des victimes est assimilée à une faiblesse du système judiciaire de notre pays par les défenseurs des droits de l’homme. «C’est une atteinte grave aux principes de la réparation», pense Me Ndiaye. D’autant plus que notre droit positif est fondé sur le fait que tout préjudice doit être réparé. Pourtant, celui qui a été détenu pendant plusieurs années anormalement et sur des bases légères devrait être indemnisé du moment qu’on l’a privé injustement de sa liberté, de ses ressources et même de sa famille. Cette non-indemnisation est une atteinte à la dignité humaine des victimes qui ont été détenues et dont le calvaire est passé à pertes et profits, pour reprendre Me Assane Dioma Ndiaye. Une bonne justice voudrait que toutes ces victimes soient indemnisées pour leur permettre de reprendre une vie normale et de se resocialiser. Il faut savoir que notre justice est également fondée sur le principe de la réhabilitation des condamnés ou simples victimes de détention. Ce sont des mesures d’accompagnement indispensables dans le cadre d’une société de droit. La personne qui subit une injustice doit pouvoir prétendre à une réparation. Mais tout compte fait, on ne peut pas aujourd’hui, au Sénégal, prétendre à une indemnisation après une longue détention provisoire déraisonnable.

COMMENTAIRE : Une tare de la justice sénégalaise

Les très longues détentions provisoires sont l’une des principales, sinon la seule tare de la justice sénégalaise. Véritable condamnation avant comparution devant un juge pénal, la détention provisoire, par son caractère long, est devenu une véritable imperfection de la justice sénégalaise. Dix ans ou plus à attendre pour juger un présumé innocent, c’est excessif. Les acteurs judiciaires le savent et les victimes de ces longues détentions provisoires souffrent le martyre. Le problème est sérieux en ce sens qu’il est imputable au législateur sénégalais qui a oublié de fixer la durée des détentions en ce qui concerne la matière criminelle. Qui osera démentir Anatole France qui affirmait, dans son ouvrage «Crainquebille», que «la justice est la sanction des injustices établies». Au Sénégal, c’est l’appareil judiciaire qui est censé corriger les injustices qui les établit. Comment justifier qu’un magistrat instructeur ait besoin de 10 ans pour boucler son information concernant une affaire de crime ? Ou encore que le manque de moyens soit évoqué pour expliquer les lenteurs judiciaires au point de priver un innocent de liberté pendant une dizaine d’années ? C’est inadmissible. Le prétexte est très léger pour faire perdurer cette injustice. Pendant ce temps, les Sénégalais, en plus des détournements tous azimuts, font face chaque jour à des dépenses pas utiles du tout et que supporte bien le contribuable sénégalais. Notre Assemblée nationale qui devrait être le défenseur des intérêts des populations est devenue, depuis toujours, la troisième main du chef de l’Etat en exercice. Cette main obéissante ne fait que ce que veut son maître et les questions urgentes pour la nation ne l’intéressent pas. Des lois impopulaires sont toujours votées au détriment des urgences. Cela étonnerait tout le Sénégal si des manifestations de désaveu suivaient une session de vote d’une loi limitant la durée de la détention provisoire en matière criminelle à 2 ans. Cependant, les lois mal vues se comptent par dizaines. Si ce ne sont les promesses d’une chancellerie trop occupée par des dossiers politiques, nous devrions encore attendre avant de réparer cette injustice infligée à de pauvres innocents qui perdent tout jusqu’à leur dignité. Nous disons avec Voltaire qu’«un jugement trop prompt est souvent sans justice», mais aussi qu’une longue détention provisoire suivie d’acquittement  et sans indemnisation est une injustice notoire. Notre droit positif ne dit-il pas que tout préjudice mérite réparation ? On cause à une personne un préjudice irréparable en lui faisant perdre tout ce qu’elle avait. Son emploi, sa famille, tout lui file entre les mains à cause de lenteurs judiciaires. Et on lui fait humer ensuite l’air pur de la liberté. Sans rien. Ce n’est vraiment pas normal.
Il convient aujourd’hui de revoir les injustices de la justice en faisant bénéficier les justiciables sénégalais d’une justice équitable en temps raisonnable. Limiter les détentions provisoires dans un temps record participerait à préserver la fraîcheur des faits reprochés à l’inculpé. Le premier acte à poser est de fixer la durée de la détention provisoire dans un temps raisonnable comme c’est le cas dans les Etats de droit, notamment en France.

PORTRAIT : NDIOUMA NGOM ALIAS SERERE : L’homme qui a perdu 22 ans en prison

S’il y a quelqu’un qui pourrait être cité en exemple dans le cadre des longues détentions provisoires, c’est bien Ndiouma Ngom alias Sérère. Cet homme a passé 22 ans en prison. Il a fait face, à deux reprises, à la Cour d’assises. À chaque fois, il a été acquitté !

Un homme qui passe 22 ans de détention provisoire et qui est acquitté. Sans réparation. C’est le triste destin de Ndiouma Ngom. Le vieux a comparu lors de la dernière session spéciale de la Cour d’assises consacrée à la bande à Ino et Alex. Il était poursuivi pour vol aggravé.
Une deuxième comparution pour ce Sérère qui avait passé 11 ans en détention provisoire une première fois avant d’être acquitté.
L’homme qui serait né en 1963 ne connaît pas sa véritable date de naissance, même si dans le procès-verbal d’enquête de la Chambre d’accusation, c’est écrit qu’il est né le 03 février 1963 à Back, en Fissel. Paradoxe : son fils aîné est né en 1973. Taille moyenne, visage large, teint foncé, la barbe blanchie par le poids des ans. Il avait l’air serein dans le box des accusés comme s’il était sûr qu’il allait bénéficier d’un acquittement. Maçon de profession, Sérère s’est présenté devant le juge Malick Sow dans son large caftan bleu. L’enquête de personnalité le dépeint comme un homme calme, généreux et travailleur. Son penchant pour l’alcool, il l’a lui-même porté à la connaissance de la Cour d’assises. Lorsque ses 22 ans de détention préventive ont été prononcés, le public a marqué son étonnement. Même le président Malick Sow a été surpris du destin tragique de ce père de quatre enfants qui a passé 22 années de sa vie derrière les barreaux. «C’est la volonté de Dieu, mais je n’ai rien fait de tout ce qu’on m’accuse. Je vais répondre à toutes les questions que vous me poserez pour vous prouver que je n’ai rien à me reprocher», dit-il au juge.
Ndiouma Ngom a été arrêté pour la première fois en 1980 pour vol aggravé et recel. À l’époque, il travaillait à Valdafrique, société spécialisée dans la production de pastilles, d'aérosols anti-moustiques et d'insecticides. Sérère a été cité dans cette affaire par un de ses collègues. Il est arrêté et mis en détention provisoire pendant 11 ans. Jugé en 1991 par la Cour d’assises de Dakar, il a été acquitté. Sans baisser les bras, il recommence une nouvelle vie et quitte sa famille avec laquelle il vivait tranquillement au quartier Guinaw Rails de Mbour pour se rendre à Bignona. C’est dans cette localité du sud du pays qu’il est arrêté après avoir été cité par Demba Ndiaye, membre de la bande à Alex et Ino. Sérère est inculpé et mis sous mandat de dépôt le 22 juin 1998 pour vols commis en réunion avec effraction, port et usage d’armes, violences, vols de véhicules, voies de fait et associations de malfaiteurs. Des chefs d’inculpation passibles de la Cour d’assises de Dakar. Ndiouma Ngom passera, à nouveau, 11 ans de détention provisoire.  Il est enfoncé par son co-détenu et son ex-femme, Ndèye Siga Ndiaye. D’abord Demba Ndiaye  a soutenu que Ndiouma faisait partie de la bande à Banda Dabo et Fodé Cissé qui excellait dans le vol aggravé. Son ex-femme va enfoncer le clou en déclarant que «Ndiouma était fréquenté par Banda Dabo et Fodé Cissé. Ils venaient parfois passer la journée chez nous». Cependant, aussi bien à l’enquête préliminaire de police, devant le juge d’instruction que face à la cour, Sérère a juré la main sur le cœur qu’il n’a rien fait et qu’il n’a connu les membres de la bande à Alex et Ino qu’en prison. Au terme du jugement de la fameuse bande, Ndiouma Ngom alias Sérère a été acquitté une seconde fois. Sans indemnisation, puisque la loi sénégalaise ne le prévoit pas encore. Pourtant, à cause des lenteurs judicaires qui ont retardé son jugement, Ndiouma Ngom a perdu sa femme qui a demandé le divorce pendant son séjour carcéral. Il devra recommencer une nouvelle vie sans l’aide de l’Etat qui l’a confondu deux fois avec un délinquant.



0 Commentaires

Participer à la Discussion

  • Nous vous prions d'etre courtois.
  • N'envoyez pas de message ayant un ton agressif ou insultant.
  • N'envoyez pas de message inutile.
  • Pas de messages répétitifs, ou de hors sujéts.
  • Attaques personnelles. Vous pouvez critiquer une idée, mais pas d'attaques personnelles SVP. Ceci inclut tout message à contenu diffamatoire, vulgaire, violent, ne respectant pas la vie privée, sexuel ou en violation avec la loi. Ces messages seront supprimés.
  • Pas de publicité. Ce forum n'est pas un espace publicitaire gratuit.
  • Pas de majuscules. Tout message inscrit entièrement en majuscule sera supprimé.
Auteur: Commentaire : Poster mon commentaire

Repondre á un commentaire...

Auteur Commentaire : Poster ma reponse

ON EN PARLE

Banner 01

Seneweb Radio

  • RFM Radio
    Ecoutez le meilleur de la radio
  • SUD FM
    Ecoutez le meilleur de la radio
  • Zik-FM
    Ecoutez le meilleur de la radio

Newsletter Subscribe

Get the Latest Posts & Articles in Your Email