MaGAL TOUBA 2008 - Une cité en effervescence à quelques jours du Magal : Pactes de fidélité, à la vie comme à la mort

La mort n’est pas une victoire sur la foi. La disparition de Serigne Saliou Mbacké, comme celle des autres Khalifes de Cheikh Ahmadou Bamba, est un élément du pacte de fidélité à cette foi pour une autre vie après celle-ci. A quelques jours de la grande première de l’aîné des petits-fils, El Hadj Bara Mbacké Falilou, Touba occupe plus que jamais sa place de centre de dévotions.

La fidélité, même après la mort, cette porte vers l’éternité pour un homme qui a consacré sa vie à Dieu et à ses prochains. A l’heure du « café Touba » fumant, breuvage aux arômes producteurs d’une envie de se réchauffer sous les dattiers, les disciples se retrouvent face à l’imposante structure en zinc, scintillant à mille lieux. Scintillant comme l’aura, comme le prestige teinté d’humilité d’un homme. Scintillant comme cette foi en la prière, dans une sorte de dialogue avec la mort, donc, avec la vie. A l’heure du jour déclinant, sous les habits pourpres de l’astre, les disciples de Serigne Saliou enveloppent leur douleur dans l’expression de la foi. Dans des prières. Dans un récital harmonieux de chants et de poèmes de Cheikh Ahmadou Bamba.

Dans ce pacte qui défie le temps et les vicissitudes de la vie, les enfants occupent une place royale. Premiers orphelins de leur défenseur, ils cherchent encore quelque espoir dans la compagnie du disparu. Les deux mains jointes dans la posture du recueillement, ils bâtissent, dans l’innocence de leur ferveur sans calcul, le meilleur des paradis à leur grand père à eux tous. De son vivant, ils lui souhaitaient longue vie et santé. Un vœu exaucé. Aujourd’hui, ils installent sa mémoire dans l’éternité.

Un infini temps de grâce ! Des scènes émouvantes au point de susciter ce commentaire à un petit-fils de Bamba : « Il faut être un être exceptionnel pour bénéficier d’autant de prières et d’une si grande fidélité après la mort ! »

Dans l’enceinte de la grande mosquée, le mausolée changera bientôt d’apparence pour prendre des formes comparables à celles des autres. Ils sont si fréquentés ! Dans le recueillement, les prières coulent au mouvement des lèvres des disciples. Les gardiens rappellent une règle fondamentale : les chaussures ne sont pas admises dans ce lieu de prière. Une autre règle d’humilité et de pureté sur ces lieux où Dieu reçoit aussi les croyants. Le mausolée de Cheikh Ahmadou Bamba, très prisé, est bien embaumé. La majorité des fidèles reste prier sur le pourtour, non sans glisser quelques sous dans un réceptacle bien aménagé dans l’édifice. Par groupes, des femmes se rendent à la grande bibliothèque. Ce centre du savoir a ses trésors de connaissances couchées sur du papier grâce à une unité d’impression. Un homme veille sur ce patrimoine : Serigne Moustapha Diattara. Un mélange d’érudition et d’humilité.

Même affluence aux cimetières, entre le recueillement et l’empressement des délégations chargées d’inhumer des proches.

Le protocole de la mort est bien huilé sur ces terres portant la préférence de nombre de disciples pour abriter leur dernière demeure. Ce protocole n’est pas un coup de frein à la vie. Il n’est pas aussi une victoire de la mort sur la foi. Il est un prolongement de la vie. Ici, les disciples ont la ferme conviction que cette foi célébrée par leur guide est la clé du paradis. Elle est une raison d’être.

La seule, d’après la voie tracée par leur marabout. C’est la raison pour laquelle rien n’est négligé. Pas même les quelques déchets qui se nichent dans quelque coin de rue ! Râteaux, pelles et balais, bien en évidence au-dessus de l’épaule tels des cultivateurs avec leur hilaire sur le chemin des champs, les habitants de la cité religieuse s’attellent à donner un éclat particulier au site devant accueillir le Magal. Rien n’échappe à la vigilance de ces bonnes volontés de l’assainissement et du nettoiement. Rien ne résiste à leur engagement. Tout est curé. Le tamis des femmes offre au plat du pied, un contact soyeux avec le sol. Une douce communion entre l’homme et la nature pendant que d’autres effeuillent, à haute voix, les recueils de Khassaïdes du fondateur du Mouridisme, aux abords de la grande mosquée ou sous des hangars.

Plus loin, le marché a une vie débordante. Calèches et voitures se disputent la chaussée. Point de frictions cependant. Le détour des Résidences Khadimou Rassoul renseigne un peu plus sur les préparatifs du Magal. Les lieux sont imposants, le sol propre, le carrelage soigné, avec des tapis de choix dans de grands salons. Ici, les responsables du Comité d’organisation étudient les choses essentielles comme l’hébergement des pèlerins et le moindre détail. Ils sont organisés en commissions dont les dénominations figurent encore sur des papiers fixés sur les murs. La discussion est très ouverte. Sans passion. Toutes les familles de Touba sont impliquées dans la composition de ces commissions de même que le Conseil rural. Autour du président du Comité d’organisation, Serigne Fallou Mbacké et de quelques autres membres de la famille (voir papier sur les hommes du Magal), les deux représentants de ce Conseil rural participent aux échanges. Le président du Conseil rural, Serigne Makhtar Diakhaté est admirable d’humilité et de sens de l’écoute. Son premier vice-président, Serigne Fallou Touré, a le mot précis.

Les portables n’arrêtent pas de sonner. C’est le véritable quartier général. C’est le promontoire à partir duquel Touba, revendiquant trois millions de pèlerins, se remet en cause. Pour être à la hauteur de l’engouement drainé par les fidèles. Un autre pacte à quelques jours de la grande première d’El Hadj Bara Mbacké Falilou, l’aîné des petits-fils. Fidélité pour la vie. Pour une autre vie au-delà de celle-ci.