MARGINALISATION-PENSIONS DÉRISOIRES - PRISE EN CHARGE SANITAIRE DÉFECTUEUSE : La trilogie qui fait souffrir le 3ème âge

C’est demain que la communauté internationale célèbre la journée des personnes âgées. Ceci nous a servi de prétexte pour faire une incursion dans l’univers de cette frange de notre société qui se chiffre à 600. 000 âmes soit 7% de la population sénégalaise. Voyage dans le microcosme des personnes du troisième âge. «Nous sommes marginalisés au sein de la cellule familiale et l’État aussi ne s’occupe pas de manière notoire de nous ». Ces propos du septuagénaire Mor Talla Faye, demeurant à la Médina traduisent parfaitement la situation peu enviable d’une frange importante de notre société : les personnes âgées.

Ces paroles de M. Faye semblent corroborées par celles de son compagnon de grand -place, Alassane Diagne dont le visage est ridé par le poids de l’âge. Selon lui : « La vie du retraité que je suis est cauchemardesque. C’est à travers le regroupement avec des personnes du troisième âge que je retrouve un semblant d’épanouissement. Voyez, avec le Ramadan, personne ne pense à nous. Il devait y avoir une solidarité agissante envers les personnes du troisième âge ». Les mots sortent, à peine, de sa bouche. Un silence qui dit long sur la souffrance silencieuse de ces anciens serviteurs de la nation. Et subitement, il se laisse aller à des confidences : «  J’ai tapé à la porte de plusieurs structures en vain. Compte –tenu de notre expérience, nous aurions pu être des conseillers dans des entreprises de la place ou des ministères. Malheureusement, dans ce pays, les personnes du troisième âge sont perçues comme des mourants. C’est la raison pour laquelle, les Mutuelles ne nous prêtent pas de l’argent ».
Ce sentiment semble trouver un écho favorable auprès de Mme Fall, une ancienne de la municipalité. À l’en croire, on lui a refusé le crédit municipal pour la simple raison qu’elle est âgée. « Comment voulez–vous dans ces conditions qu’on investisse notre capital d’expérience au service de la nation ? » s’interroge –t –elle. Au-delà de cette marginalisation, un autre mal très profond gangrène leur existence. Celui – là a pour nom : modicité des pensions.

Pensions modiques

« Je perçois 50.000 Fcfa par trimestre . Avec le coût élevé de la vie, il m’est extrêmement difficile de joindre les deux bouts. Je fais de multiples acrobaties pour remplir le ventre de ma progéniture. N’eut été la solidarité agissante , j’aurais quitté ce monde depuis longtemps ». Ainsi, s’exprime Moustapha Fall, un postier à la retraite . À l’en croire, le monde s’effondre pour les retraités du Sénégal : « Nous vivotons. Les charges quotidiennes pèsent fortement sur notre pouvoir d’achat dérisoire. Chaque jour que Dieu fait, nous galérons » .
Cette galère semble être le lot des retraités que nous avons surpris dans la nuit de mercredi , dormant à la belle étoile à côté d’une institution financière. L’un d’eux se charge de nous exposer les raisons de leur présence : « Nous passons la nuit ici pour être les premiers servis par la banque. Le hic se situe au niveau de la modicité de la pension. Nous gagnions peu », fulmine ce commis d’administration. Très remonté contre les pouvoirs publics, il déclare : « L’ alternance a relevé le niveau des pensions de retraités.
Mais le problème reste entier. Beaucoup de personnes gagnent trimestriellement des sommes minimes. Elles ont honte de déclarer cela. Nous sommes oubliés par les autorités qui préfèrent augmenter leur train de vie et s’adonner à du gaspillage ». Un autre bourbier hante de jour comme de nuit, le sommeil des personnes âgées. Il s’agit de la faiblesse de la couverture sanitaire.

Couverture sanitaire défectueuse

«  Nous avons peur d’aller dans les structures sanitaires. Car nous sommes convaincus que les ordonnances qui nous seront prescrites coûteront excessivement chères. Nous n’avons aucune faveur au niveau des centres de santé », se plaint cet ancien chauffeur de l’administration. Ce dernier ne cache pas son amertume : « La prise en charge des personnes âgées est déficiente. Des structures spécialisées n’existent pas au Sénégal» . Ne lui faites pas remarquer qu’avec la carte Sésame initiée par le gouvernement, les personnes âgées peuvent se soigner gratuitement. Sacrilège ! Il vous répondra :  « Ne me perturbez pas. Depuis qu’on en parle, on ne voit pas sa concrétisation». Cet homme qui respire la sérénité garde l’espoir de voir un jour le sort des retraités connaître un bond qualitatif au Sénégal . Ce à quoi ne semble pas adhérer ce septuagénaire du nom Abdou Sarr, ancien mécanicien ayant eu à exercer dans une huilerie de la place. Pour Abdou Sarr : « Ne nous faisons pas d’illusion. L’État ne gère que les actifs. Nous sommes bons que pour la tombe. Moi, depuis que j’ai compris cela, je n’ai confiance qu’à la pharmacopée. C’est pas coûteux et c’est efficace ». Du côté des responsables de la fédération des associations des personnes âgées, on égrène un chapelet de doléances.
Celles -ci tournent autour du relèvement des pensions les plus faibles, l’extension de la sécurité sociale aux couches les plus démunies, accès à de meilleures conditions sanitaires. Sous ce registre, le gouvernement a élaboré une stratégie destinée à soigner gratuitement les personnes âgées. Elle se nomme plan Sésame. Mais celui- ci tarde à prendre des ailes.