MBOUR : DE MBEUKI MI OU LA PERCEE FRONTALE VERS LES ILES CANARIES: Fortunes diverses pour les candidats à l'immigration

" Partir en Espagne ou mourir ". Les jeunes de la petite ne pensent qu’à l'odyssée vers les Canaries. Le démantèlement des réseaux de racoleurs et de rabatteurs par les forces de sécurité, les morts montrés à travers les images des chaînes de télévision européennes et les déboires des rapatriés n'ont pas découragé les candidats au voyage. Des fortunes diverses sont enregistrées et des déboires en série notés.

Le concept de Mbeuk-Mi ou l'aventure maritime vers l'Espagne, est devenu le mal du pays, voire l'âme des passions juvéniles, en quête de promotion sociale. Le constat est là .On ne rechigne plus. Des « cous tordus » en wolof « Loss bu damm » , des « crânes fendus » en wolof ou « Boop bu xaar » sont les expressions utilisées pour qualifier les expériences infructueuses des aventuriers de retour avec des sommes perdues et rassemblées au prix de mille efforts ou stratégies . Ils sont des dizaines au niveau du quai de pêche à raconter leur mésaventure terminée dans les eaux mauritaniennes.

Un tour dans le quartier Tefess, lieu d'embarquement des proposés au voyage nous a permis d’en avoir une perception. Un jeune pêcheur de la petite côte qui a longtemps séjourné en Mauritanie et après plusieurs tentatives infructueuses vers les Iles Canaries est rentré à Mbour. Il nous a confié:" La mort ne me décourage, pas. Je ne peux rester là et vivre comme une sangsue et à grenouiller .Ce n'est pas un goût du risque qui pousse les gens vers l'Espagne .Cette aventure est bénéfique pour certains. Et ce ne sont pas les exemples de personnes réussies qui manquent. Les belles villas, les voitures rutilantes et les conditions de vie des familles de personnes qui travaillent en Espagne sont pour nous des raisons suffisantes d'aller faire comme eux." Il se demande quel sort lui réserve l'avenir. "La mer ne nourrit plus son homme et la terre non plus .Les plages sont de plus en plus privatisées et appartiennent à des réceptifs hôteliers, les terres de parcours du bétail gagnées de plus en plus par des habitations, ont fini par installer une urbanisation à outrance », ajoute notre interlocuteur. Plusieurs jeunes interrogés à Mbour pensent qu’on ne peut naître dans la misère et en mourir sans réaction. « Tous les jours nous allons à la découverte de la mer au prix de notre vie, chercher du poisson et pourtant on ne pense pas nous en dissuader », souligne ce jeune pêcheur. Tenter l'aventure, quitte à en laisser sa vie, est pour ce dernier plus loyal et légitime, que de faire du travail noir (trafic de drogue ou de contrebande).

Combien sont-ils, les jeunes tentés par le voyage ? Nul ne sait leur nombre. Mais ils viennent de toutes les régions du Sénégal pour se faire embarquer à partir de la petite côte. Les candidats sont aussi de la sous région. Les opérations et patrouilles des forces de sécurité en mer, ont arrêté des dizaines d’ouest africains. Une mère de famille dont trois de ses enfants font partie de ceux qui sont arrivés à bon port, prie le bon dieu pour qu'ils y restent et ramènent quelque chose pouvant changer sa condition sociale. Elle nous confie qu'elle a utilisé ses économies et mis en gage ses bijoux pour disposer de la somme d'un million huit cent mille francs. Elle pensent que la réussite de ses enfants n'a pas de prix. Pour elle, la vie n'a de sens pour l'homme que quand elle lui permet de fonder un foyer et de subvenir aux besoins dessiens. Elle loue le courage de ces jeunes qui préfèrent la dignité à l'oisiveté. Et quand on lui dit que ces enfants pouvaient mourir de cette expédition, elle touche le sable de la main droite et pointe le doigt vers l’est et lance : « Ce n’est pas mon souhait .Et même s’il en était ainsi, je saurais que c’est la volonté divine".Pour de nombreux jeunes, le rôle joué par la presse a contribué à amoindrir leur chance.

Depuis que les radios et les journaux ont pris en charge le phénomène,le gouvernement a réagi Pour eux ,comment on peut laisser des convois aller en toute quiétude vers les Canaries et cela des mois durant et qu'un beau jour ,un tintamarre oblige les autorités à se pencher sur la question .Ensuite ,ils nous confient que l’accalmie ou la pause de ces derniers jours pour les départs n’est qu’un arrêt temporaire .Ils envisagent de toujours partir et à la moindre incartade, ils vont le faire . « Dans la mesure où rien n'est proposé pouvant les retenir ,la solution, c’est partir. Si j’avais encore quarante ans ,je dirigerais un convoi . », nous dit un notable du quartier des Tefess.