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MBOUR - Victime d'accident lors d'une mission de transfert de détenus à Thiès : Destin laminé de Abdoulaye Fall

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MBOUR - Victime d'accident lors d'une mission de transfert de détenus à Thiès : Destin laminé de Abdoulaye Fall

Lors d’une mission de transfert de détenus du Commissariat urbain de Mbour vers le tribunal régional de Thiès, le Brigadier-chef des gardiens de la paix, Abdoulaye Fall, fut victime d’une grenade offensive qui devait lui coûter la vue, ses deux bras et une paire de mâchoire supérieure. 18 ans après cet accident, le policier parvient difficilement à joindre les deux bouts et réclame une pension d’invalidité.

Né en 1954 à  Arame, un village  du département de Podor situé dans la communauté rurale de Médina Ndiathbé dans l’arrondissement de Cascas, il est vieilli par cette affaire. Devant le drame qu’il a subi lors d’un Service commandé, il a adressé plusieurs correspondances à ses autorités supérieures pour pouvoir bénéficier de soutiens sans succèsCruel et pathétique destin. En choisissant d’intégrer la Police nationale, Abdoulaye Fall n’imaginait, peut-être, pas qu’un jour sa vie allait basculer dans le chaos avec une uniforme sur le torse. C’est, pourtant, le triste destin de cet homme qui a failli perdre sa vie, alors qu’il était dans l’exercice de ses fonctions en Service commandé. Le Brigadier de Police était ainsi désigné pour un transfert de détenus, des trafiquants de chanvre indiens au sein du Commissariat de Mbour, dirigé par El Hadji Malick Cissé. Face au manque criard de moyens logistiques auquel était confronté le commissariat urbain de Mbour, le Policier était alors obligé de réquisitionner un minicar de transport en commun au niveau de la gare routière de la ville située à l’époque au quartier Escale. A cette période, les éléments de la Police judiciaire étaient armés de quelques grenades pour se prémunir lors des transferts de délinquants dangereux qu’ils escortaient. Avec l’exiguïté des locaux, les armes et les minutions étaient gardés au sein du poste de Police, en même temps que les prévenus en garde à vue.  Profitant de sa proximité avec la caisse qui détenait les grenades, un certain Touré, l’un des trafiquants, extrêmement rusé avait, à l’insu de tout le monde, dissimulé dans ses vêtements une grenade offensive. Le Brigadier-Chef fait ses vérifications d’usage et se rend au bureau de la Police judiciaire pour y emprunter des menottes pour menotter les détenus, chacun une seule main avant de rejoindre le véhicule de transfert vers 16h  30m. A la sortie de Mbour, les détenus ont commencé «à traiter les commissaires de voleurs, de criminels et de brigands» Mais la mutinerie va atteindre son pic à la hauteur du croisement Yène. Il raconte : «Le même Touré, de l’autre main non menottée, saisit les comprimés de drogue que je tenais entre mes mains. Là, je me suis levé pour les reprendre, mais à ma grande surprise, de sa poche, il sortit une grenade offensive qu’il a voulue dégoupiller. J’ai demandé au chauffeur de s’arrêter, mais ce dernier refuse d’obtempérer.»
Le drame, qui va le handicaper pour toute sa vie, va se passer à hauteur du village de Doucar. Il ressort la bobine du film de son horreur, produit le 19 mars 1990 au fond de sa tête pour expliquer : «Manipulant la grenade, il parvient à la faire exploser. Et c’est après quelques mètres de courses que le conducteur du minicar parvint à faire arrêter son véhicule, au niveau du poste de contrôle de la gendarmerie.» Le Brigadier-chef poursuit pour dresser son bilan de santé après son malheur : «Evanouie par mes blessures, j’ai pu constater avoir perdu beaucoup de sang, la vision, mes deux bras, quelques dents et d’autres blessures internes. Je ne savais plus où est-ce que je me trouvais. C’est l’ambulance de la gendarmerie de Rufisque qui me transportera en direction de l’hôpital général de Grand-Yoff.»

Invalidite totale
Le diagnostic de cette structure de santé est sans appel et le rend invalide pour l’éternité : le Brigadier-chef de Police, Abdoulaye Fall sera amputé de ses deux avant-bras. Il est atteint de cécité totale par énucléation des globes oculaires, des avulsions dentaires multiples, de surdité par barotraumatisme, de destruction nasale : cicatrice, synéchie des orifices et des cicatrices multiples aux divers endroits du corps. Les premières manifestations de soutien et de sympathie de l’Etat qu’il servait se produisent le 15 avril 1990, presque un mois après son accident, avec la visite de André Sonko. Accompagné d’une délégation du service social de son cabinet, le ministre de l’Intérieur de l’époque lui remet la modique somme de cinquante mille francs (50 000 frs Cfa) pour les premiers soins. Il sort des soins le 30 avril pour aller vivre à Thiaroye Minam chez un collègue gendarme et réussit à obtenir deux autres soutiens de son ministre de tutelle. «Le ministère de l’intérieur m’a affecté un véhicule et un chauffeur qui venait tous les deux jours me prendre à Thiaroye pour m’amener à Cto, me faire soigner avant de me ramener à Thiaroye. Le 27 novembre 1990, je devais baptiser mon enfant ; des agents du service social sont venus me donner dix mille francs (10 000 francs Cfa) pour leur participation au baptême», informe l’agent de Police.
Les maux commencent à s’accumuler davantage sur sa vie déjà partie en lambeaux depuis cet incident tragique. Il n’arrive plus à prendre en charge ses propres affaires et décide finalement de confier son assurance-vie au service social du ministère de l’Intérieur. Au bout d’un an, ce service n’a rien pu faire pour le sortir de ces difficultés. Il contacte alors un Colonel de l’Armée (Ndlr ; Sidy Bouya Ndiaye, commandant à l’époque la maison militaire de Dakar) pour informer de sa situation de détresse et de déchéance sociale absolue. «Après avoir reçu ma lettre, le colonel s’est présenté à moi, à Thiaroye Minam. A bord de son véhicule, il m’a amené au ministère de l’intérieur et leur a demandé mon dossier» explique-t-il. Il va, cependant, vivre une énorme et hallucinante surprise en retrouvant son dossier sur le registre des morts. «C’est ainsi que le colonel Sidy Bouya Ndiaye leur a dit de s’occuper de mon cas, sinon c’est lui qui va le faire et, ensuite, porter plainte contre eux» tonne-t-il.  Après le Service social du ministère de l’Intérieur, le colonel Ndiaye s’est rendu «directement à la compagnie d’assurance» pour rencontrer le directeur de la dite société et lui soumettre sa situation. «Ce dernier lui fait savoir qu’il n’a pas été mis au courant de cette affaire et de demander au colonel de lui donner un délai d’une semaine, le temps de voir plus clair», poursuit-il. «Une semaine après, le directeur de la compagnie d’assurance appelle le colonel pour lui dire que sa compagnie avait décidé de me donner la somme d’un million 200 mille francs Cfa, pour la première phase. Pour récupérer l’argent, le colonel me ramène au ministère de l’Intérieur et me demande de choisir quelqu’un à qui je pouvais déléguer ma signature. Pour lui faire plaisir, je l’ai choisi lui-même. C’est ainsi qu’il est allé retirer le million 200 mille francs Cfa et le lui a gardé.»
Quelques jours plus tard, le colonel est retourné à Thiaroye, rassemblé toute la famille de Abdoulaye Fall pour lui acheter une maison avec cet argent-là en face du Commissariat de Police de Guédiawaye pour un prix d’un million de francs Cfa. «Les 200 mille francs restants, le colonel les donne à l’épouse du policier pour les besoins des préparatifs du déménagement. C’est le 24 mai 1990 que j’ai quitté Thiaroye pour aller m’installer chez moi à Guédiawaye, dans ma nouvelle maison» révèle-t-il. Loin d’une demeure paisible et d’enterrer ses problèmes, la «maison est envahie à chaque saison des pluies, par les eaux. Cela m’obligeant toujours à louer une autre maison, le temps de l’hivernage. Pendant cinq années, à chaque fois que l’hivernage arrivait, j’étais obligé d’aller louer une autre maison», indique-t-il, non sans ajouter : «Quand j’ai quitté Thiaroye pour rejoindre ma propre maison de Guédiawaye, les agents du service social du ministère de l’Intérieur sont allés à Thiaroye dans le but de me rencontrer. Quand on leur a dit que j’ai déménagé, au lieu de venir là-bas, ils ont préféré repartir sans pour autant venir me voir depuis lors, je ne les vois plus», regrette le Brigadier-chef de Police.
A cet instant amer de sa vie, sa première femme l’abandonne dans ce piteux état. En plus de la non-indemnisation et de la non-assistance de l’Etat à son agent en danger après une mission nationale, il décide de rentrer définitivement dans son Fouta natal (le 8 août 1996) pour fuir son quotidien lamentable et douloureux : l’insuffisance de son salaire ne lui permettait plus de prendre convenablement en charge l’habillement et la nourriture de sa famille. L’agent de Police revend sa maison à un million de francs Cfa pour construire une maison, un bâtiment en banco dans son patelin niché dans le département de Podor.

Des correspondances sans suite
Qu’a-t-il fait après pour bonifier sa vie infirme ? Il multiplie les correspondances et saisit le président de la République pour l’informer de sa piteuse et délicate situation. «Il (Wade) n’a répondu qu’à la première lettre, en m’envoyant à l’époque, une brigade de la gendarmerie qui est venue dans mon village pour s’enquérir de ma situation et du déroulement de l’enquête. Ensuite, cette brigade est repartie non sans envoyer le rapport au président de la République» informe-t-il. Après ces premiers contacts, le chef de l’Etat le met en rapport avec Awa Guèye Kébé alors ministre de la Famille et du Développement social, pour qu’elle lui apporter  assistance et reçoit une lettre de cette le 28 janvier 2004. «Elle me dit que le Président l’a mis en rapport avec moi et m’a demandé de lui donner un délai de quelques jours», note-t-il. Avec les gouvernements très instables de l’Alternance, Awa Guèye Kébé, indexée comme une pro-Idy, est emportée le 28 avril, par un remaniement ministériel, pour être remplacée par Aïda Mbodji sans jamais tenir sa parole de ministre. Il a également transmis au ministre de l’Intérieur d’alors Ousmane Ngom et Léopold Diouf, qui était le directeur de la Sûreté nationale, ses problèmes et a sollicité un Sos.
Il n’a y jamais eu de feedback pour espérer sortir de désastre social permanent. «Jusqu’à présent, ils ne m’ont pas répondu», s’indigne le Brigadier-chef de Police. Aujourd’hui, Abdoulaye Fall, né en 1954 et qui devait aller à  la retraite en 2009, ne se déplace qu’avec l’aide d’une tierce personne, court toujours derrière sa pension d’invalidité qu’il n’arrive pas à obtenir. Devant le drame et la douleur qu’est en train de subir, ce fonctionnaire de la Police nationale, qui a risqué sa vie pour la sécurité publique, l’Etat du Sénégal, la Police et toutes les personnes de bonne volonté ont là une occasion de venir en aide ce père de huit enfants. L’assistance de toutes les personnes serait la bienvenue chez ce grand corps malade qui, malgré cette atrocité, garde toujours l’espoir d’être soutenu par ses concitoyens et toute autre personne pouvant l’aider. C’est l’appel à la détresse d’une personne en quête de dignité.



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