MENDICITÉ À DAKAR : L’aumône n’est plus qu’une affaire des talibés

En ce vendredi, il est 11 heures. Un calme règne dans ce coin de la Médina. Devant un immeuble à cinq étages où sont stationnées des voitures, une femme, la cinquantaine, emmitouflée dans un grand boubou en «wax», tient par sa main droite le bout d’un foulard qu’elle porte autour des épaules. Cette femme de grande taille est une mendiante. Elle n’hésite pas à interpeller les passants pour leur soutirer des sous. Cette femme prétexte être à la recherche de quelqu’un qui travaille dans cet immeuble. Ce dernier, dit-elle, est malheureusement absent : «on m’a dit qu’il ne travaille pas aujourd’hui. Aidez-moi pour que je puisse me payer le billet de mon transport» répète-t-elle, sans cesse. Surprise ! Tout d’un coup, elle se tourne pour héler un vendeur de cure-dents à qui elle remit une pièce. Ce dernier, en retour, lui rend «sa monnaie» qu’elle met soigneusement dans un mouchoir gardé jalousement sous son pagne. Les gens qu’elle sollicite ne lui donnent rien. Ils ont sûrement compris son jeu. Parce que son mouchoir était plein de pièces de monnaie. Malgré tout, elle n’arrête pas sa besogne consistant à demander des pièces aux passants. Un peu plus loin, sur l’avenue Cheikh Anta Diop, ce sont des femmes étrangères qui y ont installé leur quartier général. À douze heures, cette avenue grouille de monde. Des transporteurs par ci, des vendeurs par là. De l’autre côté un agent chargé de réguler la circulation. Le coup de sifflet du policier se mêle au bruit des klaxons. A cela s’ajoute, la sirène d’une ambulance qui tente de se frayer un passage. À l’entrée du centre de transfusion sanguine, on aperçoit Aïcha. Une fillette. Elle ne parle ni français, ni anglais. Encore moins le wolof. Pourtant elle communique avec les passants. Certains lui jettent une pièce. D’autres visiblement énervés, ne donnent rien. C’est dans un dialogue de sourds qu’elle nous confie qu’elle ignore son âge. Et qu’elle vient du Niger avec sa mère qui l’attend à l’autre coin de la rue. C’est à celle-ci qu’elle verse la collecte de sa quête. Ces filles utilisent divers moyens pour obtenir l’aumône. Tantôt elles se montrent polies. À l’image de cette fille qui a voulu aider une dame à porter un seau qu’elle soulevait avec beaucoup de peine. Tantôt elles se montrent agressives. C’est le cas de cette autre fillette qui s’agrippe à la chemise d’un jeune garçon. Un geste qui a irrité ce dernier. Sur cette même allée, en se dirigeant vers l’université, le constat est le même. Aicha et ses deux voisines ne sont pas seules. Au contraire elles ont de la compagnie et une compagnie qui n’est pas des moindres. D’autant plus qu’on a l’impression que c’est toute une communauté qui s’installe devant l’université Cheikh Anta Diop. Ainsi des fillettes de différents âges sont là. Sous l’œil protecteur de leurs mamans. Elles les encouragent dans la quête de leurs pitances journalières. Ce qui paraît contradictoire dans cette situation, c’est que dans cette même université, on nous enseigne que : «le délit de mendicité est puni par la loi».