Le Sénégal a connu ces six derniers mois une vague d'émigration sans précédent. Étreints par un chômage endémique avec comme corollaire une paupérisation croissante, des centaines de jeunes sénégalais ont bravé la mer au risque de leur vie à la quête d'un mieux être. Une détresse morale et sociale qui a trouvé écho auprès des artistes, qui nous ont habitués à des sujets plutôt... légers.
En guise d'antidote, cette bouée de sauvetage culturel se manifeste au travers diverses expressions artistiques: musique, arts plastiques, théâtre, cinéma. Comme des feuilles mortes, en cette période d'automne, les initiatives se ramassent à la pelle. Même si elles sont isolées. Entre autres projets relevons celui de Didier Awadi (ancien membre du Positive Black Soul), un des pionniers de la constellation hip-hop, made in Sénégal. Au beau milieu de la tempête, le rappeur a fait usage de ses lyriques dans l'album "Sunugaal" (notre pirogue, notre pays), sorti en juillet dernier, pour non seulement rappeler aux autorités étatiques qu'ils n'ont pas honoré leurs promesses faites à la jeunesse, mais aussi conscientiser cette dernière sur les obstacles et les risques qui vont jalonner cet odyssée.
C'est dans cette dynamique que s'inscrit la série de concerts entamé depuis le 02 décembre, et devrait conduire le porte-voix de la génération consciente dans les lycées et collèges de Dakar et sa banlieue. La démarche n'est pas inédite de la part de l'artiste. Elle semble produire un effet entraînant sur ses collègues. C'est le propos de la pièce de théâtre "Le clan du destin" commise par la troupe "Les Gueules tapées", avec une mise en scène de Macodou Mbengue. Selon la critique, le quatrième art sénégalais a retrouvé son rôle premier. A savoir éveiller les populations, les éduquer, tout en les divertissant.
En somme joindre l'utile à l'agréable. Un filon exploré par le réalisateur Moussa Dieng Kalla avec son nouvel opus "Et si Dieu avait oublié l'Afrique", dont la sortie est prévue en février prochain. Auparavant le plasticien Kalidou Kassé avait signé une performance au détour d'une installation, destinée à conscientiser les jeunes lors de la première édition du Festival Les Blues du fleuves, à Podor, sous l'orchestration de Baba Maal. Aussi louable qu'il soit, ce faisceau d'initiatives ne devrait pas pour autant occulter le fait que ce sont les artistes qui furent les premiers à emprunter le chemin de l'émigration. Même si les canaux ne sont pas identiques.
A la fin des années 80, les frères Bâ, bassistes de leur état n'ont pas hésité à s'exiler aux États-Unis en intégrant l'orchestre de Harry Bellafonte réputée très sélecte. Comme l'occasion fait le larron d'autres artistes ont suivi le même canneva, dans un contexte différent.
Des pensionnaires de la troupe Soleil levant de Thiès ont mis à profit leur séjour à Paris lors concert Youssou Ndour à Bercy en 2005 pour tout simplement disparaître dans la nature. Idem pour leurs collègues du Ram dan de Thione Seck. Certes, il est bien beau que les artistes prennent en charge les préoccupations de nos concitoyens dans leur oeuvres, toujours est-il qu'il serait judicieux de mener ce travail de sensibilisation dans leur corporation avant d'émettre un quelconque message à destination du public.
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