Modou Diagne Fada (Ministre de la Santé et de la prévention) : ‘Nous avons réussi à démanteler les lieux d’écoulement des médicaments contrefaits’

Après avoir proposé à la 63e Assemblée mondiale de la santé, ouverte lundi au Palais des Nations Unies à Genève, l’initiative du président Wade ‘Bajeenou Gox’ pour atteindre les Objectifs du millénaire pour le développement, notamment pour les pays pauvres confrontés au manque de moyens et de personnels de santé, Modou Diagne Fada a reçu diverses personnalités dont le directeur de l’Onusida. Et avant de reprendre l’avion pour Dakar, le ministre de la Santé nous a accordé un entretien pour aborder, entre autres, la question des médicaments contrefaits.

Wal Fadjri : Que comptez-vous faire pour arrêter la circulation au Sénégal des médicaments contrefaits ?

Modou Diagne Fada : Pour ce qui est des médicaments contrefaits ou falsifiés - on ne sait plus comment les appeler, car nous ne nous sommes pas encore accordés sur un qualificatif - je rappelle que le Sénégal a signé l’appel de Cotonou lors d’un atelier organisé par la Fondation Chirac. Le président Wade était au Bénin et avait tenu un discours qui résonne encore dans nos oreilles, signifiant que le Sénégal est bien engagé dans la lutte contre les médicaments contrefaits. Nous avons réussi à démanteler les lieux d’écoulement de ces médicaments et fortement limité les lieux d’approvisionnement. Nous continuons à lutter sur le terrain pour éviter la vente illicite de ces médicaments. Nous avons d’ailleurs partagé l’expérience sénégalaise avec nos collègues, lors de cette 63e Assemblée mondiale de la santé. Mieux, nous avons proposé la création d’une agence africaine de contrôle, car il faut mettre en synergie nos actions, nos interventions et nos moyens à travers une structure régionale, donc une coordination régionale pour faire face au fléau des médicaments contrefaits. Nous avons, par ailleurs, souligné la proposition du Président Wade portant création d’une inspection générale contre les médicaments contrefaits. Cette inspection générale, en relation avec Interpol et tous les services de sécurité à travers le monde, devrait pouvoir nous permettre de détecter les lieux de fabrication de ces médicaments contrefaits à travers le monde.

Wal Fadjri : Mais êtes-vous satisfaits de la santé de la mère et de l’enfant au Sénégal ?

Modou Diagne Fada : Le Sénégal a accompli des progrès énormes si l’on en juge par les résultats obtenus. En 2000, quand le président Wade arrivait au pouvoir, nous avions 501 décès sur 100 000 naissances. En 2005, on se retrouve avec 401 décès sur 100 000 naissances. Nous sommes en train de faire les enquêtes démographiques de santé en 2010 et je suis presque sûr que nous serons autour de 300 décès pour 100 000 naissances. Toujours est-il que l’objectif est d’atteindre les objectifs du Millénaire pour le développement principal et nous y travaillons.

Wal Fadjri : Quels sont vos principaux défis ?

Modou Diagne Fada : Les défis sont énormes et c’est peut-être difficile pour moi de les citer en ordre de priorité. Mais ce qu’il faut retenir, c’est qu’aujourd’hui, nous avons un président de la République fortement engagé dans une politique de gratuité de certains traitements. Nous savons que le Sénégal est un pays en voie de développement qui n’a pas assez de ressources financières pour soutenir la pérennité de cette volonté politique de rendre gratuits la plupart des traitements. Les césariennes sont gratuites, le plan Sésame est là pour les personnes âgées, le traitement du paludisme est devenu aussi gratuit, l’hémodialyse l’est presque, etc. Aujourd’hui, il nous faut booster la santé maternelle et voir comment rendre gratuits les frais de consultation prénatale, comment faire de telle sorte que les enfants de 5 ans soient pris en charge sans débourser, etc. La priorité est de trouver une stratégie efficace pour pérenniser cette politique par un financement alternatif.

La deuxième priorité est d’aller vers une nouvelle loi hospitalière. Il faut que la réforme hospitalière se poursuive. Certes, celle qui a été menée depuis 1998, a enregistré de beaux résultats, mais il nous faut renforcer les acquis et corriger les dysfonctionnements notés au niveau de la réforme hospitalière. Et c’est la raison pour laquelle nous avons réuni les acteurs pour travailler à une meilleure autonomie financière de nos établissements publics de santé.

L’autre priorité serait de voir comment mettre un Fonds national de solidarité santé qui serait alimenté par des taxes provenant du tabac, de l’alcool et des entreprises polluantes qui influent négativement sur la santé de nos populations. Il faudrait aussi travailler pour que le Sénégal soit au rendez-vous de 2015 en ce qui concerne l’atteinte des Omd 4 et 5.

Wal Fadjri : Comment allez-vous faire pour retenir nos professionnels de la santé qui émigrent de plus en plus en Occident ?

Modou Diagne Fada : Il faut investir dans la construction des infrastructures sanitaires de même que dans les initiatives de santé pour retenir nos diplômés, il n’y a pas de secret. Il y a quelques années, et cela peut paraître paradoxal au vu du déficit en personnel de santé, il n’y avait pas de médecins ni d’infirmiers chômeurs, ni de sages-femmes qui chôment au Sénégal. Maintenant, on a toutes ces catégories qui sont au chômage. Or, si nous n’avons pas de structures de santé pour les accueillir et les faire travailler chez nous, ils se retrouveront ailleurs dans des organismes de santé, etc. Nous en sommes conscients et nous savons que nous avons besoin de nos cadres. C’est pourquoi nous allons nous employer à mettre en place des infrastructures de santé et à les employer sur notre territoire national.