Vendredi 19 Avril, 2024 á Dakar
Vendredi 01 Juin, 2018 +33
Top Banner
Societe

Mort d'un militaire à Bel Air : Le drame qui secoue l'armée française à Dakar

Single Post
Mort d'un militaire à Bel Air : Le drame qui secoue l'armée française à Dakar

Une affaire qui secoue l'armée française à Dakar. C'est la mort par "accident" d'un de ses hommes tué par un de ses compagnons d'arme dans sa chambre en 2006. Le drame est devant la justice française. Récit



Quand l'officier, portant képi et gants blancs, a sonné à la porte de la maison ce soir-là, Chantal Rodriguez a mis d'infinies secondes à comprendre. Le matin même de ce 22 décembre 2006, elle avait reçu une carte postale de Jonathan, son fils, un caporal de 24 ans. Il écrivait son impatience de rentrer bientôt, au terme d'une mission de cinq mois au 23e Bataillon d'infanterie de marine de Dakar, au Sénégal. Puis l'officier a parlé d'un "accident". Chantal s'est effondrée. A l'étage, Geoffroy, le cadet, militaire lui aussi, a compris en entendant sa mère crier.


Le caporal Rodriguez est mort sur le seuil de sa chambre, à la caserne, d'une balle tirée par un camarade. Pour cet "accident", la juge d'instruction, Florence Michon, a renvoyé, le 18 mars, quatre militaires devant le tribunal aux armées de Paris. Le procès devrait se tenir à l'automne.

Le tireur, le caporal Yann Bosser, 25 ans, encourt cinq ans de prison pour "homicide involontaire par violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de sécurité ou de prudence". Sa hiérarchie l'a sanctionné d'un blâme. Les trois autres prévenus, le sergent Jérôme Bonnet, 43 ans, le sergent-chef Arnaud Agache, 36 ans, et le capitaine Erwan de Cacqueray, 33 ans, devront répondre de "violation d'une consigne général donnée à la troupe", des faits passibles de deux ans de prison. Ils ont effectué de dix à trente jours d'arrêt.

Ce 22 décembre 2006, à Dakar, dans sa chambre du quartier Bel Air, Yann Bosser écoute de la musique, torse nu, juste après le repas de midi. Il s'est perché sur la table, située au centre de la pièce, au milieu des six lits. Ce tireur d'élite manipule un pistolet automatique MAS 50. Le caporal Rodriguez, un copain, est lui aussi dans la chambre. En fin de matinée, ils sont rentrés de Thiès, d'une mission de formation de l'armée sénégalaise. Avec Jérôme Bonnet, Yann Bosser est "de jour" : "Responsable des rassemblements et de la discipline en général, de ranger les sacs dans les chambres et de disposer toutes les armes en faisceau dans le couloir, le long du mur, à proximité immédiate de la chambre n° 202, le temps que chacun aille se restaurer", précise l'ordonnance de la juge. L'entretien de l'armement est prévu à 14 heures à la reprise du travail. Mais, rejoint par Jonathan vers 12 h 15, Yann Bosser décide de ne pas attendre et d'aller prendre le pistolet pour le nettoyer. Il amène le pistolet à 20 cm de sa poitrine, doigt sur la détente. A moins de trois mètres, sur le pas de la porte, Jonathan est touché en plein dos. La balle de 9 mm lui traverse le coeur avant de ressortir se ficher dans le mur du couloir.

Le MAS 50 n'appartient pas à Bosser, mais au sergent-chef Agache, qui l'a confiée au sergent Bonnet. Un "usage" du 23e BIMa veut que les sous-officiers tireurs de précision, dont les armes sont plus rapides à nettoyer que les Famas de leurs camarades, nettoient les armes de sécurité des chefs de section. Ce qu'a fait Yann Bosser. Sans que personne le lui demande.

Les règles de sécurité prévoient que les pistolets automatiques assurant la sécurité des déplacements soient approvisionnés, non armés, sûreté en place, plombés. A chaque manipulation, le tireur doit mener des vérifications. La juge a mis en évidence un "manque de rigueur dans leur application, alors que leur teneur était connue des militaires concernés". En dépit de ces règles, l'arme avait été posée chargée sur le tas de fusils, un point que le sergent Bonnet n'a pas vérifié. Elle n'était pas plombée. "En France, le pistolet automatique est systématiquement plombé, mais ce n'est pas du tout le cas au Sénégal, et plus largement à l'étranger, l'habitude a été prise de ne plus plomber", a témoigné un chef de section.

Les gendarmes enquêteurs trouveront le MAS 50 chargeur engagé avec une balle dans la chambre et le chien prêt pour le tir. La sûreté manuelle n'était pas activée. Le caporal Bosser a d'abord déclaré que le coup était parti tout seul. L'expertise a montré que cela était impossible. Il a reconnu n'avoir pas procédé aux manoeuvres de sécurité. Selon lui, les règles n'étaient "quasiment jamais appliquées, et ce à quelque niveau que ce soit, et du fait de la routine, les textes restent lettre morte". Des "usages" au laxisme de la hiérarchie, les parties veulent voir les responsabilités établies. "Mon client est effondré, ce drame va le marquer toute sa vie. Mais il n'est pas seul, la responsabilité est aussi en amont", indique Me Eric Taransaud, avocat de Yann Bosser. "Il semble que depuis que l'armée est professionnelle, on soit un peu moins regardant sur la sécurité sur le terrain, alors que les notes de l'état-major sont draconiennes."

"Notre fils n'est pas mort au combat", disent les parents Rodriguez, épuisés par trois ans d'instruction. Jonathan, pompier volontaire, avait choisi l'armée. "En apprenant qu'il s'était engagé, j'ai pleuré comme jamais une mère n'a pleuré son fils", raconte Chantal. Le fils voulait "un régiment qui bouge". Avec le 2e RIMa d'Auvour (Sarthe), il a servi en Yougoslavie, en Côte d'Ivoire. De ce grand gaillard, ils étaient fiers. "L'armée française est une armée de métier, avec des professionnels de l'armement. On ne peut pas accepter une banalisation des armes sous le seul prétexte qu'ils sont militaires. En France, ce ne peut être le Far West", a écrit Chantal dans une lettre au président de la République, début 2008. "Pourquoi y a-t-il des armes chargées dans les chambres alors qu'ils ne sont pas en guerre ?"


0 Commentaires

Participer à la Discussion

  • Nous vous prions d'etre courtois.
  • N'envoyez pas de message ayant un ton agressif ou insultant.
  • N'envoyez pas de message inutile.
  • Pas de messages répétitifs, ou de hors sujéts.
  • Attaques personnelles. Vous pouvez critiquer une idée, mais pas d'attaques personnelles SVP. Ceci inclut tout message à contenu diffamatoire, vulgaire, violent, ne respectant pas la vie privée, sexuel ou en violation avec la loi. Ces messages seront supprimés.
  • Pas de publicité. Ce forum n'est pas un espace publicitaire gratuit.
  • Pas de majuscules. Tout message inscrit entièrement en majuscule sera supprimé.
Auteur: Commentaire : Poster mon commentaire

Repondre á un commentaire...

Auteur Commentaire : Poster ma reponse

ON EN PARLE

Banner 01

Seneweb Radio

  • RFM Radio
    Ecoutez le meilleur de la radio
  • SUD FM
    Ecoutez le meilleur de la radio
  • Zik-FM
    Ecoutez le meilleur de la radio

Newsletter Subscribe

Get the Latest Posts & Articles in Your Email