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Moussa Sakho, (Ministre de la formation professionnelle) : 'L'office du Bac n'a pas sérieusement pris en compte le Bac technique'

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Moussa Sakho, (Ministre de la formation professionnelle) : 'L'office du Bac n'a pas sérieusement pris en compte le Bac technique'
Moussa Sakho, ministre de l’Enseignement technique n’est pas satisfait des résultats du baccalauréat en général et singulièrement du Bac technique. Dans cet entretien, le ministre donne sa lecture des résultats et pointe du doigt les dysfonctionnements notés dans l’organisation du Bac technique 2009. Ces impairs ne sont pas, aux yeux du ministre, étrangers aux résultats que l’on connaît.

Wal Fadjri : Dans l’ensemble les résultats du baccalauréat technique n’ont pas été bons. Qu’en pensez-vous ?

Moussa SAKHO : D’emblée, je voudrais dire que ces résultats du baccalauréat technique nous ont tous préoccupés. Ils sont au cœur de nos préoccupations. Mais comme vous l’avez si bien dit, le Bac est organisé par l’Office du Bac qui dépend de la direction de l’Enseignement supérieur. Quand les résultats de la série F6 sont sortis, on a eu la version du proviseur du lycée technique d’industrie Maurice Delafosse et bien sûr celle de mes différents collaborateurs. Il se trouve que d’après la version du proviseur, il y a des problèmes quant à l’organisation même du baccalauréat technique. Je dis que le Bac technique n’est pas sérieusement pris en compte par la direction de l’Office du Bac. Je le dis parce que c’est cela que je pense.

Le premier constat que vous faites, c’est que l’Office du Bac fait sa déclaration par rapport au Bac technique à la veille de l’organisation du Bac général. Quand le Bac technique commence s’il n’y a pas d’examen, personne n’est au courant de rien. On attend la veille du Bac général pour faire des déclarations..., je pense que ce n’est pas ainsi que cela doit se faire. Parce que le diplôme est commun même si nous avons deux ou trois candidats, ce sont des jeunes Sénégalais. C’est un ensemble de problèmes que nous allons étudier avec la direction de l’Office du Bac pour une organisation correcte du Bac technique. Un autre problème que je pourrais soulever, c’est comment peut-on attendre que le Bac technique démarre et qu’on se rende compte que la ligne d’avance est déficitaire. Je pense que si on avait pris en charge très tôt cette question, si on avait fait de la prévention, le ministre serait informé bien avant. Nous, en tant que ministère, nous aurions pris toutes nos dispositions. Je dis qu’il nous faut être participatif pour pouvoir influer sur les autorités supérieures en les informant très tôt que la ligne qui devrait payer les correcteurs n’est pas bien fournie, par exemple. Mais c’est quand, il fallait faire les épreuves pratiques du Bac technique que nous avons fait des pieds et des mains au niveau de la primature pour débloquer la situation. Avant cela nous avons accusé près de quatre à cinq jours de retard. Qu’on le dise ou non, ces jours de retard ont impacté négativement sur les résultats des étudiants : du point de vue du stress ou de la déconcentration. Tous ces éléments combinés font que nécessairement, il fallait qu’on s’attende à ce résultat.

Wal Fadjri : Comment avez-vous apprécié le choix des sujets, et leur impact sur les résultats peu reluisants notés à la série F6 ?

Moussa SAKHO : Le lendemain de la publication des résultats lorsque j’ai interpellé le proviseur, qui est dans le système depuis des années et des années, il m’a dit que c’est la première fois que nous avons de tels résultats. Cela est d’autant plus incompréhensible que les élèves qui font la série F6 ne sont pas les plus nuls. Ce sont les plus débrouillards, les plus travailleurs. Mieux, quand on analyse, la moyenne de la classe ne reflète pas ces résultats. Cela veut dire tout simplement qu’il y a un problème d’organisation et de choix des sujets au Bac technique. Parce qu’il faut d’abord que ceux qui choisissent les sujets soient d’abord des professeurs en activité. Parce que lorsque que l’on s’éloigne des salles de classe, on est en déphasage. A titre d’exemple, moi si l’on me demande de choisir un sujet de Svt à l’examen, je ne sais pas quoi dire parce que je suis déconnecté des classes depuis des années.

J’ai également entendu le directeur de l’Office du Bac dire qu’il nous faudrait avoir un ‘Bac maison’. Je ne partage pas du tout cet avis. Cela veut dire qu’il faudrait que la direction de l’Office du Bac, le ministère et le lycée s’entendent. On ne demande pas qu’on donne des sujets qui sont faits en classe. Il faut simplement que la direction de l’Office du Bac prenne en charge les préoccupations de ceux qui animent cette série. Mon sentiment par rapport à ces résultats du Bac technique, c’est qu’ils ne reflètent pas le véritable niveau des élèves. C’est frustrant, et cela fait mal. Et il y a un certain nombre de facteurs combinés qui ont fait qu’on ait eu ces résultats.

Wal Fadjri : Certains observateurs indexent les grèves récurrentes. A votre avis, quels autres éléments ont pu favoriser ces résultats regrettables ?

Moussa SAKHO : De manière globale, ce qu’on peut relever c’est qu’il y a des facteurs combinés. Il y a certes les grèves récurrentes des enseignants par rapport à des revendications. Mais il y a surtout les effets combinés des grèves de ces dernières années qui ont occasionné des retards nombreux dans les programmes scolaires. Nous, de façon globale, d’après notre analyse, les résultats du Bac technique 2009, comparés à ceux de 2008, ne sont pas tellement catastrophiques. Le Bac technique n’est pas aussi facile que le Bac général.

Il y a également le niveau des élèves qui baisse d’année en année à cause des programmes inachevés pour fait de grèves. Et il y a également les sujets. Parce que quand il y a la baisse du niveau des élèves, il va s’en dire que les sujets ne seront pas à la portée de n’importe qui. C’est tout cela qui a fait qu’on a eu ces résultats. Les bacheliers des séries T1, T2 et F6 ont des difficultés pour se faire orienter dans les universités.

Wal Fadjri : Avez-vous pensé cette année à des mesures conservatoires ?

Moussa SAKHO : La décision que nous avons prise à l’interne est très simple. Nous pensons qu’il faut aller vers cette phase d’allongement de l’accès. Nous voulons créer à l’intérieur de nos établissements des Brevets de techniciens supérieurs (Bts) qui seront le prolongement du Bac technique. Nous avons déjà implanté un Bts privé au lycée technique Maurice Delafosse. Mais ce que nous voulons ce sont des Bts publics. Et au niveau des lycées techniques, ce que nous voulons c’est, qu’une fois le Bac en poche, les élèves puissent se former dans le même établissement pendant deux ans pour obtenir un Bts. Ce diplômé aura après le choix de continuer à l’université ou de prétendre à une bourse.

Mais par rapport aux Bacs T1 et T2, à chaque fois que nous avons les résultats nous avons un collaborateur en France qui nous cherche des attestations pour les inscrire dans les Instituts universitaires de technologie (Iut). Il vient avec les attestations et nous mettons la bourse. Mais le grand problème auquel nous sommes confrontés, c’est avec la sélection au niveau de Campus France. Le problème qui se pose, c’est qu’avec le Bac général, il est facile d’avoir la mention Bien ou Abien ; tandis pour le Bac technique, il est extrêmement difficile d’avoir la mention. A l’époque, j’avais adressé une lettre à l’ambassadeur de France et au Consul pour leur dire la différence entre le Bac technique et le bac général. La mention Passable au Bac technique équivaut à la mention Bien ou Abien au Bac général. Nous leur avons fait comprendre que les bacheliers techniques qui vont en France vont jusqu’à l’ingéniorat sans redoubler. Parce que Paul André Not vient nous dire chaque année le comportement de ceux que nous envoyons en France. Cela veut dire tout simplement qu’ils ont un bon niveau.

Même au niveau de la correction de la copie du Bac, on veut appliquer le même barème, allouer le même quota alors que tout le monde sait que ce n’est pas pareil, même en France. On passe plus de temps pour interroger un candidat du Bac technique que celui du bac général. Tous ces éléments m’ont amené à dire à mes collaborateurs que ce qu’il nous faut, c’est notre propre Office du Bac technique. Parce que, cette année, j’ai effectué beaucoup de va-et-vient à la Primature pour régler des problèmes dont on ne m’avait pas informé à l’avance. Il a fallu que les professeurs arrêtent la surveillance des épreuves pratiques du Bac technique pour qu’on me dise que la ligne de crédit est insuffisante. Je dis que ce n’est pas sérieux. On me l’aurait dit à l’avance, le problème serait évoqué en Conseil des ministres. Je ne veux dire du mal de personne, mais ce n’est pas le traitement qu’il fallait pour près de trois mille candidats au Bac technique. Alors que la plupart de nos bacheliers peuvent après intégrer les entreprises. Je ne pense pas qu’on puisse nous minimiser par rapport aux 50 mille candidats du Bac général. Pour moi, les trois mille candidats du Bac technique, c’est important.

Wal Fadjri : Où en êtes-vous avec la réforme de l’Enseignement technique et de la formation professionnelle ?

Moussa SAKHO : Pour adapter la formation aux besoins du marché du travail, nous avons validé un document extrêmement important : c’est l’Approche par les compétences (Apc). Nous voulons désormais que nos enseignements insistent sur l’acquisition de compétences. L’analyse de la situation de travail doit être une photocopie de ce qu’il devrait faire dans le milieu productif. Aussi, au cours de la formation, on essaie de placer les compétences du futur diplômé pour qu’une fois à la sortie de la structure de formation, qu’il puisse exercer son métier convenablement. Pour cela, il faut bâtir les anciens programmes et les nouveaux sur la base de cette approche. Aussi, notre démarche dynamique veut que si une filière n’est plus porteuse on l’élimine ; et celles qui sont porteuses comme les technologies de l’information et de la communication, on les valorise. Nous pensons que pour mener à bien cette approche par les compétences, il faut réunir tous les techniciens. On a mis le cadre global, le guide méthodologique et le dispositif de certification. Tous les acteurs se sont accordés sur ce cadre de référence qui va désormais régir tous ceux qui veulent écrire un métier ou une filière. C’est un cadre qui privilégie le partenariat public/privé. Je souhaite même qu’au niveau du ministère qu’il ait un bureau qui s’occupe du partenariat public/privé. Nous voulons que le privé assiste à tout ce que nous faisons du début à la fin. Car ce sont eux qui sont, en définitive, les utilisateurs de nos produits. Pour qu’aussi leurs préoccupations soient prises en compte dans le dispositif de certification.

Wal Fadjri : C’est donc un programme assez ambitieux…

Moussa SAKHO : Maintenant, il va s’en dire que cela va demander des moyens. J’ai demandé à mon équipe de me soumettre une évaluation financière que nous remettrons au chef de l’Etat pour nous aider à avoir des moyens adéquats. L’autre sentier auquel nous nous sommes attelés, c’est que lorsque je suis arrivé au ministère, il n’y avait pas de statistiques. Là aussi, on vient de finir le premier annuaire statistique du ministère. Parce qu’il y a un problème que beaucoup de gens ne savaient pas. Il y a le ministère de l’Education dans sa première mouture avec la Direction de la planification et de la réforme de l’éducation (Dpre) qui gère également le Programme décennal de l’éducation et de la formation (Pdef). Lequel programme a outillé suffisamment les ressources humaines qui animent la Dpre.

La Direction de la planification et de la réforme de l’éducation était également chargée de la collecte des informations statistiques pour rendre visible le secteur. Mais la Dpre ne permettait pas de rendre visibles les autres sous secteurs. Alors que si l’on regarde de plus prés, la Dpre devait être une structure, logée à la Primature à équidistance des ministères sectoriels. Lorsque je suis revenu au ministère, la première revue annuelle du Pdef à laquelle j’ai assisté, quand on déroulait le ministère de l’Education au niveau de l’enseignement technique, on n’avait pas d’indicateurs. Je me suis dit que j’étais dans un ministère où il n’y avait aucune donnée statistique. Parce que le bailleur a besoin d’avoir la traçabilité des ressources qu’il a investies. Il faut lui montrer par des indicateurs que son investissement a impacté sur l’accès par exemple. Comme on n’avait cette collecte d’indicateurs au niveau de l’Etfp, on était parti pour être Out. Alors j’ai fait nommer un directeur de la Planification. Et j’ai donné des instructions pour que la collecte des données se fasse dans tous les départements. Parce que si on le fait pas, aucun département ne le fera à notre place. Aujourd’hui, pour la première fois, nous avons l’annuaire statistiques de tout ce qu’il y a et tout ce qui se fait au niveau de notre ministère.

Wal Fadjri : Mercredi prochain, votre département organise un symposium sur le dialogue social et la formation professionnelle. Que peut-on attendre d’une telle rencontre ?

Moussa SAKHO : Le symposium est organisé par un réseau de onze fonds de financement de la formation professionnelle en Afrique comme notre Fonds de développement de l’enseignement technique et de la formation professionnelle (Fondef). Comme l’indique le thème : ‘Dialogue social et formation professionnelle’, le symposium regroupera l’Etat, les employeurs et les travailleurs. On attend beaucoup de ce symposium tripartite. Chaque pays va exposer ses mécanismes de dialogue social. Ce qui nous permettra de déboucher à la fin du symposium sur une déclaration dite de Dakar. Nous attendons dix ministres en charge de l’enseignement technique et de la formation professionnelle, onze responsables de fonds. Nous attendons aussi des centrales syndicales et des partenaires au développement. Il y aura également des ministres de la Fonction publique. Au total, nous attendons à Dakar près de 300 participants à ce symposium où le dialogue social sera au centre.



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