Le célèbre cinéaste Sénégalais, Moussa Touré, organise depuis trois jours à Rufisque un festival dénommé, « Moussa invite ». L'objectif, selon lui, est de faire connaître aux jeunes Sénégalais le documentaire. Dans cet entretien, Moussa Touré revient, entre autres sujets, sur ce festival, sur l'état du cinéma Sénégalais, son prochain film, la bourde du comédien Saneex envers les handicapés et la communauté maure ; mais aussi, sur la possibilité de faire un film sur le drame en cours en Casamance.
Office : Vous êtes en festival depuis quelques jours à
Rufisque, peut-on en savoir les objectifs ?
A quoi peut servir la production de documentaires ?
Cela peut servir à montrer comment on est, montrer ses tares, ses maux, ses joies aux gens, pour que ça amène des débats afin de régler certains problèmes de la société. Un peuple a toujours besoin de se connaître, mais beaucoup de Sénégalais ne connaissent même pas le Sénégal. Tout est concentré à Dakar, et un jeune de la capitale ne connaît même pas un jeune Bedik de Kédougou.
Quel est aujourd'hui l'état du cinéma sénégalais ?
J'étais connu à travers des fictions, mais depuis 2000 je ne fais que des documentaires. Moi, je crois que le cinéma sénégalais devrait se rendre compte qu'aujourd'hui, nous sommes dans le numérique, les choses devraient bouger et changer. Nous avons un cinéma traditionnel. Nous tournons de la même manière que Sembène tournait. Il faut maintenant un nouveau type de pellicule, du grand scénario et de grandes fresques. En effet, les choses ont évolué, on va maintenant dans des sujets essentiels avec des méthodes très légères, il faut que le cinéma sénégalais se rende compte de cela. Mais notre cinéma ne veut pas bouger dans ce sens, il est toujours traditionnel. Il y a d'anciens cinéastes, mais il faut qu'elles se rajeunissent un tout petit peu ; voilà.
Où en êtes-vous avec votre prochain film ?
C'est vrai, je le prépare, il s'intitule : « Le sommet de la montagne » et sera tourné à Kédougou. Le directeur de la photographie va venir d'Inde, de même que le chorégraphe. L'un des assistants réalisateur vient du Cameroun. C'est un film qui va être tourné avec 10.000 figurants ; c'est un film d'amour entre les Bassaris et les Mandings, et ce sera fait avec les nouvelles technologies.
Tout dernièrement, on a assisté à une sévère réplique des personnes handicapées et de la communauté maure, à propos du dernier produit du comédien Saneex. En tant que cinéaste, pensez-vous que ce dernier a été subtil sur ce qu'il voulait dénoncer comme tare de la société, à travers ce film ?
Je dis que culturellement, nous sommes des gens subtiles. On peut attaquer les mœurs, mais pas de manière frontale. Je suis contre çà. Nous sommes une culture subtile et notre cinéma doit refléter de ce que l'on est. L'image éduque comme la parole. Quand on est artiste, comédien, on éduque. La parole ne doit pas sortir d'une manière ou d'une autre. Les grands artistes de ce monde scindent le propos, quand ils doivent parler. Quand on est artiste, on peut s'attaquer à n'importe quelle mœurs, mais il faut savoir le faire avec sagesse. Zidane, il est très populaire à travers le monde. Lorsqu'il a donné un coup de tête lors de la dernière finale de la Coupe du monde, il s'est excusé auprès des enfants, parce qu'il sait que ce n'est pas un bon exemple à faire. Il faut que Saneex s'excuse publiquement devant les enfants ; et après, peut-être, auprès de ceux qu'il a offensés. Un peuple, on doit le respecter. Si Dieu te donne les moyens et la chance d'étaler les joies et les peines d'un peuple, il faut respecter ce peuple. La comédie s'apprend. Aussi, si vous voyez, Bernard Giraudoux, Alain Delon…, étaient de grands comédiens ; parce qu'ils ont appris la comédie.
Vous réalisez beaucoup de documentaires au Sénégal. Est- ce qu'il vous arrive d'avoir envie de faire quelque chose pour la paix en Casamance ?
Oui. Je me suis toujours dit qu'un jour, avec une caméra, je peux expliquer que cette paix est possible. Je crois que c'est possible de parler à un combattant, de lui dire : tiens, moi, je suis Sénégalais comme toi, dis moi qu'est-ce qui y a.
En général, ce sont les politiques qui discutent, mais pas les peuples. C'est quelque chose qui dure depuis longtemps. Les gens l'oublient. C'est terrible, 25 ans, c'est un quart de siècle. C'est une des tristesses de notre pays. Il est temps de demander aux uns et aux autres, c'est quoi le problème ? En fait, le peuple ne connaît pas le problème, personne ne le sait. On nous parle d'indépendance, d'autres parlent d'autres trucs. Mais personne ne sait rien, au fond.
Etes-vous prêt à faire ce film ?
Je crois que oui. Je suis prêt à le faire, même si ce n'est pas facile. Parce que cela nécessite des autorisations et autres. Mais, il faut que les gens sachent qu'ils ne sont pas là-bas pour aggraver les choses, mais pour rechercher et participer au retour de la paix. Nous qui voyageons assez souvent, avons honte parce qu'on nous pose souvent ce problème, et on essaye toujours de racoler. C'est comme une plaie pour nous.
1 Commentaires
Allons Y Molo
En Octobre, 2010 (18:37 PM)Participer à la Discussion