L’image du muezzin dans la société sénégalaise n’est pas des plus lisses. Elle dessine plusieurs univers de sens qui invoquent à la fois le matériel et la dévotion. Mais, au-delà de ces deux aspects, qui paraissent antinomiques, il y a les stéréotypes.
Amadou Hamed Baal est le muezzin de la mosquée de l’unité 19 des Parcelles assainies en travaux. Le natif de Podor, retraité depuis 2000, était venu à Dakar, en 1986, pour pratiquer son métier de jardinier. Il supervise aussi les travaux du lieu de culte devenu son univers de prédilection depuis qu’il a quitté son boulot en 2000. «Depuis 1994, j’assure la fonction de muezzin. Cette mosquée est construite en 1982. Elle est aujourd’hui soutenue par une association grâce aux financements venant de l’Arabie saoudite pour assurer le paiement des factures d’électricité et d’eau», confie cet homme d’âge mûr qui, malgré la passion qui l’anime, cache mal sa frustration causée par le «dédain de la société». Il en veut pour preuve la «modicité des aides de Tabaski et de Korité» allouées aux muezzins par les autorités municipales. La «reconversion» ne semble pas être des plus réussies. L’image que les Sénégalais ont de leur fonction n’est point plus reluisante. «Les gens pensent qu’on passe tout notre temps à se chamailler dans les mosquées pour de l’argent ou pour une question de préséance. C’est loin de la réalité même s’il peut exister quelques conduites inconvenantes comme dans tous les secteurs», soutient Amadou Hamed Baal, secondé dans sa tâche par un jeune dévoué pour éviter les impairs comme quand il a «appelé à la prière les fidèles musulmans plutôt que prévu», confie celui qui regrette que la création de l’association des muezzins ne soit pas couronnée de succès.
D’émigré à «Bilal»
Responsable de la grande mosquée du marché Dior, Moustapha Kane y fait aussi office de muezzin. Son parcours n’est pas des plus communs. «Je suis dans cette mosquée depuis des années. J’étais en Italie où je travaillais au groupe italien Pirelli comme conducteur de machine. Mais, en un moment, j’ai senti le devoir de revenir au bercail et de me concentrer exclusivement à Dieu». Cette fonction qu’il assume n’est rien d’autre, pour lui, qu’une manière de se rendre utile à sa communauté de foi. «Je suis toujours dans le transport avec mes camions. Le business est géré par mes enfants. Je suis peiné de voir certains muezzins dans une certaine précarité, mais il ne faut pas penser qu’ils le font juste pour survivre», dit-il, heureux de vivre sa foi.
À la grande mosquée Massalikoul Jinaan de Colobane, on dénombre sept muezzins qui se passent le micro à tour de rôle. «Au début des travaux, nous étions trois. Mais depuis que la grande mosquée est devenue fonctionnelle, le nombre de muezzins est porté à sept», indique Mouhamed Thioune, ajoutant qu’il n’attend aucune gratification autre que celle-là de son Seigneur. À la mosquée de Bopp, Alioune Badara Ndiaye est le muezzin titulaire. «Depuis des années, j’assure cette tâche que j’avais héritée de mes parents. Je travaillais à Colobane Transit, mais j’ai préféré tout abandonner pour me consacrer à la mosquée», explique le quinquagénaire, trouvé en train d’égrener son chapelet à quelques minutes de l’heure de la prière du crépuscule. Dans ces deux mosquées, un point commun dans le discours : l’appel à la prière est un instant de grâce. Loin des clichés.
«Mal loti»
Mawo Diop est un maçon de profession qui assure le rôle de muezzin à Grand-Dakar. Il en tire grand plaisir pour deux raisons au moins : le vieux, né en 1959, le fait dans une réputée mosquée vieille de 70 ans et il a la reconnaissance de la communauté. «La mairie nous accordait une subvention de 500.000 FCfa, maintenant elle est portée à 1.000.000 FCfa. Je reçois 25.000 FCfa de la caisse de la mosquée chaque année», confie celui qui a eu quelques déboires avec la fermeture des mosquées lors de la première vague de Covid-19. Cela avait valu au «récalcitrant» une convocation au commissariat de Grand-Dakar.
«Dans la religion musulmane, le muezzin est un des membres du personnel de la mosquée. Il est chargé de faire l’appel à la prière (azhan) cinq fois par jour», explique le «Bilal», Pape Guèye, de la mosquée Yoff Ngaparou. Il s’occupe aussi des lavages mortuaires. Mais, à l’en croire, seule cette volonté ardente de servir la communauté le guide même s’il ne cracherait pas sur les présents des fidèles. «Le muezzin est le plus mal loti de la mosquée», se plaint, quant à lui, un «Bilal» d’une mosquée de Yarakh. Tout est finalement une question de perception. L’imam de la mosquée de Soprim Extension, parlant des caractéristiques du muezzin, en dit ceci : «Il doit être un musulman doué de raison et avoir l’âge de la majorité. Il est permis de payer les muezzins, comme l’imam. Les bienfaits de cet acte de dévotion sont révélés par un hadith du Messager d’Allah. Tous ceux qui entendent ces appels vont témoigner le jour du jugement dernier. Dieu leur a même promis le Paradis». En attendant l’Eden, la communauté des muezzins doit vivre avec les stéréotypes.
5 Commentaires
C'est pas un métier
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En Août, 2021 (18:05 PM)Respect et bcp d'hommage à eux.
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En Août, 2021 (18:57 PM)ca risque de fausser le jeu Motakhite mosquée yi kheutio rek .
Jtendeng
En Août, 2021 (00:31 AM)Participer à la Discussion