Les rumeurs faisant état d’«offrandes mortelles» continuent de faire de malheureuses victimes. En plus de généreux donateurs pris pour ceux-là qui s'adonneraint à cette pratique cabalistique, et lynchés par des foules surexcitées, ce sont les mendiants qui pâtissent de cette situation.
Une offrande composée d'un billet de dix mille (10 000) francs Cfa, d'une portion de viande et d'un linceul blanc. Voilà qui ravirait tous ces mendiants qui pullulent, de jour comme de nuit, dans les rues de Dakar. Seulement, une folle rumeur qui a pris la capitale et le pays, ces derniers jours, voudrait que cette offrande soit… mortelle. Dégâts collatéraux : un peu partout, une ambiance électrique s'est installée, identique à celle qui a prévalu avec l'histoire des «rétrécisseurs de sexe», et a fait que les donateurs «normaux» rechignent à mettre la main à la poche, à juste raison d'ailleurs, pour ne pas se faire lyncher par erreur. Une réserve qui coûte chère à ces mendiants, qui d'habitude harcèlent automobilistes et piétons. La preuve par la soudaine baisse de revenus de ceux qui sont installés aux abords des deux axes routiers de Liberté VI qui desservent la Voie de dégagement nord (Vdn). Positionnés à quelques mètres des ronds-points, coins stratégiques pour guetter les nantis obligés de ralentir à cause des giratoires, ces mendiants mettent en avant leurs progénitures pour mieux ferrer les donateurs. Mais, depuis que cette folle rumeur a pris Dakar, avec les cas de donateurs pris pour ceux qui distribuent les «offrandes mortelles» et lynchés dans la rue, la donne a radicalement changée. «Depuis quelques jours, nous recevons moins d'offrandes. On sent même que les rares donateurs habituels qui osent perpétuer leur générosité, sont hésitants au moment de donner leurs offrandes. Ceux qui avaient l'habitude de descendre de leur voiture, de nous saluer, se limitent à tendre la main avant de s'éclipser», déplore Yaye Ndiaya, qui envisage de migrer vers un point réputé plus stratégique aux abords de l'hôpital Fann.
Le centre-ville, éloigné des zones populeuses, est épargné
«Là-bas, l'aumône est abondamment donnée par les parents des malades», dit notre interlocutrice. Revenant sur cette subite galère, Yaye Ndiaya précise que la baisse concerne surtout «la volaille et les habits que les gens nous offraient et qu'on avait le loisir de revendre pour augmenter nos revenus journaliers».
Le centre-ville, éloigné des zones plus ou moins populeuses, est apparemment épargné. Aux environs du théâtre national Daniel Sorano, sur le boulevard de la République, trois dames, handicapées installées sur des chaises roulantes, qui ne croient pas à cette histoire d'«offrandes mortelles», affirment qu'elle n'a eu aucun impact sur leurs revenus.
Quelques centaines de mètres plus loin, près de l'Assemblée Nationale, Serigne Thiam, Cheikhou Oumar Ba et Moussa qui guettent les mouvements des grosses cylindrées des parlementaires, ne disent pas autre chose : «Rien n’a changé. Nos revenus n'ont pas baissé mais, ils restent insignifiants pour des soutiens de famille pauvres».
Marianne NDIAYE (Stagiaire)
…la police met en garde les lyncheurs
La Direction générale de la Police nationale sort de sa réserve suite à la tournure prise par l'affaire des rumeurs portant sur les offrandes donnant la mort. La police «infirme l'existence de ces pratiques» et menace de traduire devant la justice toute personne impliquée dans des actes de violence.
Les proportions atteintes par la folle rumeur des aumônes mortelles a amené la Direction générale de la Police nationale à rendre public un communiqué pour démentir l'existence de ces éliminations mystiques et mettre en garde les populations contre l'atteinte à l'intégrité des généreux donateurs au bénéfice des mendiants. Le document dont copie est parvenue à notre rédaction relève que des rumeurs faisant état d'individus circulant à bord de véhicule 4x4 de couleur noire, qui seraient à l'origine d'offrandes semant la mort, sont diffusées depuis quelques jours dans le pays. La Direction générale de la Police nationale précise qu'«à ce jour, aucune plainte corroborant la mort de personnes ayant reçu une offrande n'a été enregistrée dans ses services» ; elle appelle en conséquence les populations à la sérénité et à la retenue et «infirme l'existence d'une telle pratique».
La Direction générale de la Police nationale ajoute : «Ces rumeurs, sans fondement, sont en train d'occasionner des scènes de lynchage dans divers endroits du pays». Selon, les garants de la sécurité des personnes et de leurs biens, «de telles réactions mettent en danger l'intégrité physique d'innocentes personnes dont le seul tort est d'offrir de l'aumône, comme il est de coutume dans notre pays». La police se veut claire et avertit «tous ceux qui seraient impliqués dans des actes de violences ou d'agression contre les personnes pour quelque raison que ce soit». Mieux, annoncent les patrons de la police, «les auteurs seront systématiquement arrêtés et déférés devant les tribunaux».
Abdoul Aziz SECK
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