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On économise pour prendre la mer, direction l’Espagne !…

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On économise pour prendre la mer, direction l’Espagne !…
Paupérisation, désœuvrement, refus de rester les bras croisés… La hantise de la pauvreté est l’alibi «pertinent» du désordre ambiant et un élément justificatif de l’émigration.

Le décor de Dakar est fait de chariots, de gargotes, de vendeurs de pacotilles, d’objets de construction… La circulation devient ainsi difficile voir même impossible du croisement Pikine à l’avenue Lamine Guèye en passant par le marché Hlm, l’avenue Pape Guèye Fall, le rond-point Petersen, l’avenue Blaise Diagne, Salle de ventes et Sandaga. Les responsables de ce désordre, conscients de cet état de fait, trouvent toujours des alibis «pertinents» pour justifier leurs actes. Les déclarations de Awa Ly, une vendeuse de gargote, trouvée sur l’avenue Blaise Diagne à hauteur du marché Tilène : «il n’est pas de notre volonté d’occuper illégalement la voie publique, mais pour quelqu’un qui a à peu près quarante ans et mère de trois enfants, vous comprendrez que…». Et d’ajouter : «depuis que j’ai divorcé avec mon mari en 2002, j’ai la lourde charge de nourrir mes enfants et je suis en même temps soutien de famille». Très déterminée, la pauvre femme en tee-shirt et pagne serré à la taille affirme braver quotidiennement le soleil pour espérer écouler ses produits. Elle pense que «c’est mieux d’affronter le regard médusé des gens ou de trouver une planque sur la chaussée vous permettant de faire tranquillement son commerce que d’aller faire des choses indécentes comme la prostitution». Malgré l’étroitesse du milieu dans lequel elle évolue, son environnement délétère et les risques encourus par sa proximité avec la chaussée, la pauvre Awa Ly ne trouve autres alternatives à la situation de précarité qu’elle affirme vivre que d’occuper la voie publique. La bonne-dame, très remontée contre les brimades qu’elle dit subir dans l’exercice de son activité, ne décolère pas contre le régime actuel. Selon elle le début des travaux de la réfection du pont de Colobane qui l’a obligé à déménager sur l’avenue Blaise Diagne a occasionné une baisse des revenus. «Quand je détenais une cantine à Colobane, j’avais un réfrigérateur qui me permettait de faire des bénéfices quotidiens de dix mille (10 000) francs Cfa avec la vente d’eau et de jus glacés. Maintenant je me retrouve avec une petite table qui ne rapporte même pas mille (1000) francs de bénéfices par jour».

Diplômé, père de famille, sans emploi

Pape Touré, vendeur de lunettes rencontré sur le croisement de Pikine, Il est âgé de 32 ans, marié et père d’un enfant. Pape Touré est topographe de formation. A l’en croire, il s’est lancé dans la vente des lunettes depuis 2002 date à laquelle il n’a pu décrocher un contrat avec les sociétés de la place pour mettre en œuvre ses connaissances topographiques. «J’étais manœuvre à Dagana dans un chantier de la société sénégalais de terrassement qui n’a pas voulu renouveler mon contrat malgré mes prouesses. Ce qui m’a obligé de décrocher un autre contrat avec la société Socère Lambert Somec (Sls) avec qui j’ai travaillé pendant un an. Depuis la fin en 2002 du projet de Manantali que gérait cette dernière société, je ne parviens pas à décrocher un nouveau contrat dans mon domaine de prédilection. J’ai déposé des demandes dans toutes les sociétés de la place mais sans suite. Chaque matin, je me dis que peut être qu’on va m’appeler mais en vain». Dans le souci de préserver son dynamisme, a-t-il dit, il s’est versé dans le commerce des lunettes. Une activité qui «ne rapporte pas grandes choses certes, mais est mieux que rien». «Je me suis lancé dans la vente des lunettes avec mes propres fonds. J’en achète une quinzaine dont 400 F Cfa l’unité pour les revendre à 1000 F Cfa» explique Pape. Des bénéfices qu’il affirme collecter pour espérer «envoyer quelque chose» à sa famille restée à Diourbel. Pape Touré se dit étonné de la pléthore de chantiers tant vantée par les autorités. «Je m’étonne quand j’entends les gens dire qu’il y a assez de chantiers dans le pays alors qu’ils n’ont aucun impact sur le marché du travail. Moi, je connais beaucoup de gens qui ont une connaissance dans le secteur du bâtiment et qui ne travaillent pas dans les chantiers. Je pense qu’ils ne recrutent que leurs militants ou leurs connaissances».Et notre jeune, diplômé et chômeur, de se désoler : «c’est cette situation de précarité qui m’a conduit à venir m’installer à Dakar pour trouver de quoi faire vivre sa famille restée à Diourbel».

La rue, un espoir

L’occupation anarchique est plus perceptible au marché Hlm où les vendeurs occupent la presque totalité de la chaussée, obligeant les passants à partager la ruelle avec les véhicules. «Nous n’avons rien à f… d’occuper la voie publique, l’essentiel pour nous c’est de trouver une source de revenu puisque les autorités ne sont pas en mesure de nous en trouver», lance un garçon, la vingtaine, qui ne nous a même pas permis laissé terminer notre question. Très bien installé dans son dossard de l’équipe marseillaise flanqué du nom de Mamadou Niang, notre interlocuteur qui n’a pas décliné son identité, est emporté par sa fougue. Le garçon n’a pas caché sa préoccupation face à la situation des vendeurs qui, selon lui, «doivent surmonter et l’obstacle du commerce et le problème de la conjoncture». Il estime qu’«il est inadmissible pour un jeune comme (moi) de quitter mon village, venir à Dakar pour ne rien faire». Avant de lancer amèrement : «Que les gens nous épargnent de ce qu’ils appellent occupation de la rue qui appartient à tout le monde. La rue est notre seul espoir pour réussir dans ce pays».

En attendant les «pirogues de l’espoir»

Avenue Lamine Guèye. Le long de ses deux bordures est jalonné de vendeurs d’antennes Tv5, d’objets recyclés, de pacotilles et autres. La place qui attire le plus est la salle de vente. Un espace qui regroupe des vendeurs de meubles, de portables et des démarcheurs. Une population constituée essentiellement de jeunes mus par le souci de gagner leur vie. Comme nous l’a annoncé Cheikh Abdou Khoudoss, vendeur de meubles établi au marché depuis 1992 en remplacement à son père. Lui qui affirme avoir la «responsabilité de gérer une vingtaine de jeunes composés d’apprentis, de démarcheurs et autres», juge le problème de l’occupation de la voie publique très complexe. «Les gens ne doivent pas pointer facilement du doit ceux qui exercent dans la rue», conseille-t-il. Et d’argumenter : «la majeure partie des jeunes qui exercent dans ces parages proviennent des villages mais également des quartiers désœuvrés de Dakar». Des villages qui, selon lui, «sont frappés par une pauvreté galopante qui touche des populations suffisamment désœuvrées et marginalisées par les autorités». A l’en croire, «ils sont nombreux des jeunes qui sont des diplômés qui ont au moins le niveau de la troisième secondaire». Khadim Badiane, vendeur d’antenne TV5 a son commerce en face. Il affirme avoir intégré le marché «après avoir obtenu son Bfem au lycée Lamine Guèye en 1995». Une situation qui est due «à la situation de précarité que traversait sa famille en majorité féminine». Mamadou Badiane quant à lui, est un chauffeur reconverti dans le commerce. «parce que le commerce des meubles marche le mieux». Son point de vue sur l’occupation anarchique de la voie publique : «l’occupation de la voie publique n’est que provisoire parce que la presque totalité des jeunes ne travaille que pour rassembler la caution exigée par les passeurs des pirogues de l’espoir pour aller en Espagne. Ici, nous sommes motivés par la centaine de jeunes du marché qui ont atteint les Îles Canaris par le biais des pirogues de l’espoir».

 



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