Wal Fadjri : Pourquoi avez-vous tenté de vous suicider ?
Ousmane Keïta : La vie n’a plus de sens pour moi. Je fais partie des rescapés du Joola. Un statut que nous vivons difficilement parce que les autorités nous ont complètement abandonnés. Aujourd’hui, nous vivons dans une marginalisation totale. On ne comprend pas qu’on organise un anniversaire sans nous inviter à la cérémonie. C’est ce qui s’est passé ce matin. Personnellement, je ne vois donc pas ce qui peut me donner le goût de vivre. C’est pourquoi j’ai tenté de me suicider. Cette tentative est d’ailleurs la énième, parce que j’estime que je n’ai plus de raison de vivre. Je veux rejoindre ceux que j’ai vu mourir la nuit du 26 septembre 2002.
Wal Fadjri : Vous avez pourtant reçu votre indemnisation.
Ousmane Keïta : Bien sûr. Mais, qu’est-ce que cet argent peut régler ? Vous savez que la prise en charge ne doit pas se limiter à cet argent. Nous avons besoin de plus que ça. Par exemple, de la considération, de l’assistance. Aujourd’hui, beaucoup de rescapés sont devenus fous, faute d’assistance et de soutien. Il y a au moins une demi-douzaine dans ce cas. Malheureusement, on nous a complètement oubliés aujourd’hui. Si bien que moi par exemple, j’en ai marre. J’en ai assez de cette vie. Je me sens abandonné, inutile dans cette société. Depuis quatre ans, ma vie a perdu son sens. Mieux vaut rejoindre les autres victimes, restées dans l’eau que de rester seul. J’étais étudiant au moment du naufrage. L’année dernière, j’ai été renvoyé de l’université. C’est avec le peu d’argent que j’ai que je tente de vivre, de nourrir ma famille et de payer mes études dans une école privée à Dakar. Si ça continue comme ça, je vais craquer.
Wal Fadjri : Avez-vous le soutien de l’Afv Joola ?
Ousmane Keïta : Cette association n’existe que de nom. Elle se limite à deux personnes : son président, Moussa Cissokho et son porte-parole, Boubacar Bâ. Il n’y a pas un seul rescapé dans le bureau de l’association. C’est inadmissible. Et pourtant, ils font beaucoup de choses au nom des victimes et de leurs familles. Je regrette, on ne peut pas appeler ça association de familles des victimes. Nous n’avons aucun contrôle sur eux et ils font tout ce qu’ils veulent en notre nom sans nous informer.
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