Pain akara et fataya face aux burgers : la tradition sénégalaise résiste-t-elle ?
Burgers, tacos, frites et packaging soigné : les enseignes de fast-food modernes séduisent de plus en plus les Sénégalais, au détriment des sandwichs locaux (pain fataya, pain akara, etc.). Dans les rues de Dakar comme sur les réseaux sociaux, les saveurs importées gagnent du terrain. Comment expliquer ce changement d’habitudes alimentaires ? Entre effet de mode, marketing agressif et désir de modernité, le fast-food local lutte pour rester visible.Populaires pour leur saveur particulière qui séduit les touristes découvrant pour la première fois la tradition culinaire sénégalaise, les sandwichs locaux, vendus dans chaque coin des rues dakaroises et à l’intérieur du pays, sont de moins en moins visibles.Des sandwichs faits maison : un fast-food de rue au fémininAïssata, vendeuse de pains akara et pain fataya, témoigne : « Je vends des sandwichs devant la maison depuis longtemps. J’ai constaté que beaucoup de mamans comme moi ne le font plus, les produits sont différents. J’ai toujours de la clientèle, majoritairement des jeunes en fin d’après-midi. Chacun achète ce que son porte-monnaie peut supporter », explique-t-elle. Ces repas rapides, souvent vendus entre 200 et 500 FCFA, séduisent les cœurs des plus jeunes sortant des écoles à 17h, ainsi que les étudiants et passants pressés. Au-delà du simple repas, ces sandwichs locaux représentent une activité économique féminine essentielle, permettant à des milliers de femmes de subvenir aux besoins de leur foyer. C’est un fast-food fait maison, avec des recettes simples mais généreuses, qui raconte une autre facette du quotidien sénégalais.Une activité peu rentable pour les enseignes de fast-food modernesPourtant, malgré l’accessibilité de ces sandwichs, certaines vendeuses manquent de visibilité et souffrent de la concurrence des structures plus organisées. Pour Mansour Cissé, manager du spot « O’Tacos », c’est une activité peu rentable : « Tout dépend de la demande de la clientèle. Mon spot est situé dans un endroit fréquenté par des étudiants et des étrangers blancs, ils aiment les tacos et les burgers. Mais si certaines structures décidaient de les inclure dans un menu varié, ce serait bien, avec une esthétique et une manière différente de les cuisiner sans modifier l’originalité du sandwich. »Blaise Diagne, propriétaire de « Blaise Food », pense que ce sont des recettes qui prennent du temps avec un faible bénéfice : « Je fais du fast-food depuis 2015, c’est facile à faire, ils se vendent comme des petits pains pour leur consistance et leur accessibilité rapide. »Entre tradition culinaire et modernisationYacine, 40 ans, vendeuse de pains locaux, confie : « C’est dur, ils prennent beaucoup de temps, je n’ai plus le temps de rendre visite à mes amies. Mais mes enfants les aiment bien et c’est notre culture, notre identité culinaire, donc on continuera à les vendre. »Pour Joseph Seck, consommateur de fast-food, les produits locaux manquent de visibilité par manque de marketing : « Lorsque je suis dehors, parfois j’en veux, mais on ne peut payer qu’en liquide, ils ne font pas de livraison. Les fast-foods modernes sont consistants pour une journée, car je ne mange pas de gros repas dehors. Il y a aussi ce côté hygiène qui joue beaucoup. Certes, c’est la tradition culinaire sénégalaise, mais parfois, ça ne donne pas envie d’en acheter. »Si l’on parle de modernité et d’héritage culinaire, au Sénégal comme ailleurs, la nouveauté séduit. Si les burgers gagnent du terrain, il ne faudrait pas que le pain akara, le pain fataya et les saveurs du quotidien disparaissent du paysage, car elles racontent bien plus qu’un repas : elles racontent une histoire.
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