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PIKINE GUINAW RAIL : DANS LES DÉDALES D’UN QUARTIER A PROBLÉMES

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PIKINE GUINAW RAIL : DANS LES DÉDALES D’UN QUARTIER A PROBLÉMES

L’endroit est aujourd’hui, surnommé Île de Gorée. Pour y accéder, il faut marcher sur des panneaux et des briques entreposés. Le faux-pas vous plonge dans l’eau dont la profondeur a atteint un mètre, selon un habitant. Mais les populations semblent s’habituer à arpenter ces ponts pour rallier les autres maisons de Guinaw Rail, un quartier de la banlieue dakaroise. Pour preuve, la dame Yacine Seck traverse le pont avec une bassine à la tête pour aller vendre des poissons et des légumes à côté de la route qui pénètre le cœur du quartier. “ J’ai fait faire ce pont pouvoir continuer mon petit commerce. Nous n’avons pas le choix.

C’est le seul moyen pour vaquer à nos occupations ”, confie-t-elle, la mine un peu triste. Notre interlocutrice ajoute : “ c’est une question de dignité pour nous. Nous n’allons pas abdiquer pour trouver de quoi nourrir nos enfants. Nous n’allons pas mendier. Nous voulons gagner notre vie de manière digne ”. L’eau est actuellement verdâtre. Elle est jonchée de tas d’ordures. Ce qui constitue une bonne planque pour les moustiques. “ Nous ne pouvons pas dormir la nuit. Une armée de moustiques nous attaque tous les jours ”, se désole Aïda Guèye, une vendeuse qui s’est installée à quelques mètres de l’eau, malgré l’odeur nauséabonde qui s’y dégage.

“Nos enfants sont tous les jours malades à cause des insectes ”, révèle-t-elle, exhibant la main d’une fille âgée de 5 ans. Le corps de celle-ci garde les stigmates des piqûres des insectes. Pourtant, Aïda Guèye n’ignore pas les remèdes contre les moustiques. “ Je sais qu’avec une moustiquaire imprégnée, nous sommes à l’abri des piqûres d’insectes. Mais nous n’avons pas les moyens de nous en payer. Je ne peux pas en acheter pour moi-même et laisser mes enfants. Et nous ne pouvons pas être tout le temps sous des moustiquaires. Les insectes piquent en plein jour ”, explique-t-elle.

La vie dans la zone touchée par les eaux est un véritable calvaire. Les rues sont difficilement praticables. “ Nous n’avons pas où aller. Mais la vie est précaire ici. Nous ne sommes pas à l’abri des malades. Car, hormis les moustiques, nous côtoyons tous les jours les microbes ”, indique Sidy Bocoum, vendeur de cures-dents.

Abdoulaye Traoré, un jeune du quartier, poursuit que les populations luttent pour se débarrasser de l’eau et des saletés, mais elles n’ont pas les moyens de réussir leurs objectifs ”. “ Nous avons creusé des tranchés pour que l’eau puisse aller à la mer, mais cela est bloqué par la nouvelle route ”.

Certaines familles ont plus de chance que d’autres. Des maisons sont toujours sous les eaux. Leurs propriétaires ont été obligés de les abandonner. Mais cette situation n’a apparemment pas déteint sur l’ambiance dans le populeux quartier. Vacances scolaires obligent, des jeunes jouent à côté de l’eau.

“ Nous jouons au baby-foot. Nous n’avons pas assez d’espaces pour jouer au ballon à cause de l’eau ”, confie un enfant. Des femmes font des va-et-vient entre les maisons. Tout en accordant une certaine attention à notre présence. “ Il faut penser à nous. Nous sommes fatigués.

Notre quartier est obligé. Les initiatives prises pour aider les gens victimes des inondations ne semblent pas nous prendre en compte ”, se désole une dame, âgée de la cinquantaine. Dès que les gens vous voient, ils pensent que vous êtes venus leur apporter un soutien ”, explique l’un de nos accompagnateurs, membre du comité de gestion de la mosquée.

Le lieu de culte, lové au centre de Guinaw Rail, n’a pas échappé à la furie des pluies. Mais les fidèles n’ont pas désarmé pour le conserver. “ La mosquée était inondée l’année dernière. Pendant plus de deux mois, elle était impraticable.

Nous étions obligés de nous rabattre ailleurs ”, indique Mansour Djigo, président de la Commission des finances qui poursuit : « avec les cotisations des fidèles, nous avons remblayé l’intérieur de la mosquée sur presque un mètre de hauteur ». Mais, le lieu de culte est toujours menacé, car avec les récentes pluies, ses alentours sont sous les eaux. C’est pourquoi, les fidèles en appellent au soutien de l’Etat et des élus locaux de Pikine.

DAOUDA FAM, CE CHEF DE QUARTIER ECOUTE : Le régulateur social hors pair

Il est âgé de 89 ans, mais jouit toujours de toutes ses facultés intellectuelles. Il n’est autre que Daouda Fam, chef écouté et respecté du quartier Darou Salam II de Guinaw Rail, dans la banlieue dakaroise. Père Daouda estime cependant qu’un assainissement du titre de chef de quartier renforcerait sa mission de médiateur social.

Un vieillard est toujours utile à la société. Cet adage s’adapte bien au vieux Daouda Fam, chef du quartier Darou Salam II, à Guinaw Rail, dans la banlieue dakaroise. Les conflits entre populations, qui atterrissent sur sa table, trouvent souvent une issue heureuse.

« Une femme a failli traduire son gendre en justice parce que ce dernier avait battu sa fille. Dès qu’elle m’a saisi, je lui ai suggéré de retirer sa plainte parce que ses petits-fils vont tôt ou tard lui en vouloir d’avoir emprisonné leur père. Elle a compris mon message et a retiré la plainte », raconte-t-il.

Des exemples de ce genre, Daouda Fam en a beaucoup. « C’est un véritable régulateur social. L’un des plus grands sages du quartier », témoigne un habitant. Une chose normale pour cet homme à la chevelure blanche et dont le temps est, aujourd’hui, en partie, occupé par la lecture du Coran. Mais le rôle de régulateur social trouve sa justification dans son rapport avec le quartier. Il est témoin de l’expansion démographique de Guinaw Rail fondé en 1963. Daouda Fam est l’une des premières personnes à s’installer dans cette contrée. « Les gens ne voulaient pas habiter dans cette zone qu’ils disaient très enclavée et éloignée », se souvient-il.

Croyant à la prophétie d’un ami chérif qui lui avait dit que la banlieue va bientôt connaître une forte explosion démographique, Père Daouda s’installa alors. Né en 1918 dans le Cayor, Père Daouda Fam a été nommé à la tête du quartier Darou Salam II en 1973 par le Préfet de Pikine d’alors, Latyr Ndiaye. « Nos terrains nous ont été vendus par les Lébous de Thiaroye-sur-Mer. J’avais acquis le mien à 40.000 Fcfa ».

Père Daouda nous révèle que les premières formes d’habitations étaient des baraques. « L’électricité y est venue suite à une cotisation des habitants d’une valeur de 1.300.000 Fcfa. Ce qui avait permis d’installer neuf (9) poteaux électriques. Certes, il y avait aussi de l’eau mais en quantité minime ». Aujourd’hui, Guinaw Rail est loin de cette période, car pour y disposer d’une parcelle, il faut débourser pas moins de 10.000.000 Fcfa. Ces avancées ne semblent pas suffire cet ancien combattant de la 2ème Guerre mondiale dépourvu cependant de pension pour avoir été réformé en pleine guerre suite à une blessure.

De nos jours, il s’insurge contre la cherté de la vie à Dakar. « La hausse répétée des prix des denrées de première nécessité accentue les difficultés de la banlieue, ce qui fait que les populations arrivent difficilement à joindre les deux bouts ». Mais ce qui irrite le plus Père Daouda Fam, qui fut restaurateur à l’Avenue Gambetta durant ses premières années à Dakar, c’est l’infiltration du métier de chef de quartier. Il est d’avis que cette fonction a perdu son lustre d’antan.

« Des gens se lèvent un beau jour pour s’autoproclamer chef de quartier et monter un drapeau de la République devant leur domicile. Je pense qu’il faut reconsidérer cette situation car, il faut des critères pour diriger ».

Il dit se rappeler que l’ancien président Léopold Sédar Senghor rendait des visites de courtoisie aux délégués de quartier et discutait avec eux de tous les problèmes liés au fonctionnement des lieux. Actuellement, ajoute-t-il, le régime du président Wade a fait des efforts pour rétablir les chefs de quartier, « même s’il reste encore à faire. Surtout dans le domaine du titre de chef de quartier, qui doit être assaini et que les chefs légaux doivent être assistés. Cela permettra d’éviter que certains conflits entre habitants n’atterrissent à la Police ou au tribunal ».

La prise de conscience mène au succès

Les difficultés ne sont pas une excuse pour verser dans la délinquance. Conscients de cette donne, des habitants de Guinaw Rail se battent pour occuper les premiers rôles dans leurs domaines respectifs. Un combat fructueux car les jeunes de Guinaw Rail font la fierté de la banlieue.

Ils font la fierté de Guinaw Rail, ce populeux quartier du département de Pikine, dans la région de Dakar. Il s’agit de Pape Diouf, Yves Niang, Bass Taye, musiciens, Bathie Séras, Mohamed Ndaw « Tyson », lutteurs, etc. Même si certains d’entre eux ne sont pas nés dans la localité, ils ont su nouer de bons rapports avec les populations. A cette liste, s’ajoutent d’autres jeunes banlieusards qui interviennent dans d’autres secteurs d’activités. Pourtant, cette réussite n’est pas une évidence. “ Nous sommes l’un des quartiers les moins lotis de Dakar. Les populations rencontrent des difficultés pour joindre les deux bouts ”, déclare, Mamadou Baal, un jeune de Guinaw Rail.

Mamadou Baal ajoute : “ le quartier est dépourvu d’infrastructures permettant un épanouissement des jeunes. Les écoles élémentaires qui y sont ne peuvent pas satisfaire la demande. Ce qui fait que bon nombre d’habitants sont obligés d’inscrire leurs élèves dans les établissements des quartiers environnants ”. La situation est la même aux plans sportif et artistique, selon Mamadou Baal.

Malgré ces difficultés, les jeunes de Guinaw Rail parviennent à faire de bons résultats dans leurs domaines d’intervention. “ Si on avait les mêmes conditions que les enfants des quartiers résidentiels, nous ferions mieux qu’eux ”, souligne-t-il.

Guinaw Rail serait aux yeux de certains, une zone d’agresseurs. Mamadou Baal s’offusque de ce cliché. “ Il y a partout des brebis galeuses. Des jeunes ont pris le bon chemin et ont réussi. D’autres ont préféré être des agresseurs ou autres. Ce qui est valable pour Guinaw Rail l’est pour les autres quartiers”, défend Mamadou Baal. Et notre interlocuteur d’insister : “ nous avons des grands artistes, des musiciens, des journalistes ainsi que des opérateurs économiques qui sont des modèles de réussite ”.

Analysant cette situation, le gérant de la Mutuelle d’épargne et de crédit de Guinaw Rail souligne que tout au début, il n y avait pas de sécurité.

Le quartier était dépourvu d’électricité. C’est pourquoi, il était le point de refuge des délinquants. Selon lui, le cliché faisant du quartier une zone d’agresseurs vient de ce fait, mais bon nombre de faiseurs de troubles qui investissaient le quartier n’y habitent pas.

Notre interlocuteur fait remarquer qu’il y a actuellement une prise de conscience chez les jeunes. Et cela a eu des résultats à travers les performances réalisées par des natifs du quartier dans beaucoup de domaines.

“ Le banditisme n’arrange rien. Seuls les médiocres pensent qu’avec les difficultés, on ne peut pas réussir ”, philosophe-t-il, avant de dénoncer le manque d’espaces de loisirs encore moins de voies de communication adéquates à Guinaw Rail. La réalisation de telles commodités impulserait davantage le développement de ce quartier.

 



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