PLEIN SUD: Demandeurs

Si l’on en croit notre confrère Sidy Lamine Niasse, envoyé spécial de « Walfadjiri » en Chine, Me Wade, notre président bien aimé est bien arrivé au pays de Hu Jintao. Nous nous en réjouissons, mais pas du niveau et de la qualité de l’accueil. Tout comme nous nous réjouissons de l’annulation de la dette sénégalaise pour un montant de dix milliards de nos francs. Bon, la subvention de quatre milliards que nos nouveaux amis chinois nous ont accordé est un peu mesquine à bien des égards. Sont-ils vraiment la superpuissance de ce troisième millénaire ou alors sont-ils simplement gênés
aux entournures, ou pire atteint de radinerie? Les milliards en veux-tu en voilà dont nos anciens amis taïwanais nous arrosaient nous manquent déjà. Que pourrions-nous bien faire avec ces pauvres milliards chinois, nous qui rêvons et comptons à présent en milliards de francs CFA ?

Cela ne nous bouchera même pas un trou dans notre trésorerie calamiteuse du plan Jaxaay. Cela ne pourra même pas nous réparer non plus un autre bout de notre « Pointe de Sangomar » nationale dont nous sommes si fiers. Et si on les mettait dans la cagnotte de l’organisation des prochaines élections législatives et présidentielle, officiellement prévues pour février 2007 ? Cela pourrait certainement mettre un peu de beurre dans certains épinards. Oui, mais. Dans cette perspective-là, si les besoins exprimés sont immenses, l’incertitude savamment entretenue sur la tenue réelle de ces élections du sursaut ne faciliterait pas son utilisation. A cette ambiguïté, il faut ajouter le dernier ballon de sonde en date sur une tentative de reporter l’élection présidentielle à une date précaire qui se situerait vers 2009. Mon excellent confrère Abdou Latif Coulibaly a bien lancé le débat public sur cette rumeur qui en dit long sur les intentions du régime de Me Wade d’organiser les conditions d’une impossibilité de tenir les élections déjà reportées de manière unilatérale. Latif Coulibaly marchait sur les pas du député socialiste Khalifa Sall, qui avait déjà annoncé la couleur : « Me Wade et les libéraux n’ont pas l’intention de tenir les élections ». On connaît le retors parlementaire comme un homme politique républicain et connaisseur des arcanes du milieu politique. Il ne parle pas pour ne rien dire. Le lanceur de ballon de sonde incriminé, le ministre d’Etat Djibo Kâ, a démenti avoir joué ce rôle de sondeur et suggéré cette mauvaise idée de report aux calendes grecques à Me Wade, notre président bien aimé. Qui vivra, verra. 2007 arrive à grands pas: il faudra bien que notre président bien aimé se décide. Il lui faudra décider à quelle sauce il mangera les électeurs sénégalais. Notre président bien aimé devra également prévoir plusieurs séances d’explication avec les bailleurs de fonds de la communauté internationale pour leur faire comprendre pour quelles raisons il voudrait nous priver de notre envie de lui dire dans les urnes ce que nous pensons de son régime. Toutes ces difficultés font que nous ne saurions utiliser ces quatre milliards chinois dans une affaire aussi compliquée que l’Arlésienne des élections sénégalaises. Peut-être après tout, Me Wade, notre président bien aimé pourrait les additionner aux six milliards que lui-même avait décidé d’offrir au gouvernement sénégalais « à condition que les ministres lui présentent des projets viables et fiables ». C’est-à-dire sans détournements ni abus ni corruption et pots de vin. Six milliards plus quatre milliards, cela fait par la magie de l’addition dix milliards. C’est-à-dire le montant de la réduction de notre dette que nos nouveaux amis les chinois viennent de nous accorder. La subvention de Me Wade est bien plus importante que celle de nos nouveaux amis. Il n’y a pas à dire, ils sont durs en affaires à Beijing. C’est vrai que, selon notre confrère Mamadou Seye du « Soleil » , nos amis vont nous construire un lycée, un centre de prévention anti-palu, nous envoyer une équipe médicale et discuter avec nous dans le cadre d’une commission mixte sur le priorités à accorder aux autres projets que nous leur avons soumis. C’est maigre sinon insignifiant comme bilan. Mais notre président bien aimé a bien insisté sur la fait qu’ « il ne conçoit pas le reprise des relations diplomatiques sous l’angle matériel et financier ». Il a raison: nos nouveaux amis ne sont pas demandeurs de cette reprise. L’essentiel est donc ailleurs. Notre président bien aimé l’a bien compris, il est dans « la marche dans le sens de l’histoire » . Il ne s’agit plus de vulgaires affaires de financements même mirifiques. Il s’agit de choses sérieuses, d’affaires de grand. Comme l’a dit l’ambassadeur d’Autriche à nos confrères de l’ « APS » , la reprise des relations diplomatiques sino-sénégalaises s’explique principalement par la nécessité pour notre pays de s’ « assurer le maximum de garanties pour un siège au conseil de sécurité de l’ONU ». Que le diplomate autrichien se rassure, il n’évente pas un grand secret. Notre brillant confrère Adama Gaye nous en avait déjà fait la confidence, il y a plus d’un an, dans un article sur la pertinence d’une reprise des relations diplomatiques entre nos deux pays. La problématique de la candidature du Sénégal à l’un des deux postes que la réforme des Nations unies va consacrer au continent africain, campe parfaitement les contours du réchauffement de nos relations avec la Chine Beijin qui dispose du droit de veto à notre encontre. Il ne s’agit plus tellement du temps des cerises, lorsque Pékin nous faisait les yeux doux et nous construisait à tours de bras des cathédrales de béton et des bijoux d’architecture. Il est maintenant venu le temps du busines pur et dur. Du donnant donnant, du win win si vous préférez. Nous voulons ce sacré siège au conseil de sécurité, nous devrons mouiller le maillot. Et cette fois, c’est nous qui ouvrirons grands les portes de notre Téranga nos nouveaux amis chinois. Quitte à leur envoyer moult délégations de haut niveau: notre ministre des affaires étrangères puis notre chef de gouvernement pour dans la foulée, déplacer à Pékin notre président bien aimé. Nous en profitons pour indiquer que délégation de haut niveau ne qualifie pas le niveau intellectuel des membres de la délégation, mais leur niveau de responsabilités. Quitte à leur ouvrir tous nos marchés et toutes nos ressources à devise étrangères licences de pêche, ressources minières, énergétiques et du sous- sol. Seul le tourisme sénégalais risque d’échapper à la boulimie chinoise. Notre président bien aimé ayant déclaré le peu d’intérêt qu’il accordait à ce secteur pourvoyeur de devises. Quitte enfin à souffrir que notre président bien aimé, honoré partout sauf dans son pays, attributaire de bien de médailles et récompenses, bien plus capé que ce cher monsieur Hu Jintao subisse l’affront d’être accueilli par l’homologue chinois de ce cher monsieur Gadio, notre ministre des Affaires étrangères. Bien sûr, certains pays le font. Ils n’ont pas de tradition de réception folklorique à l’image des républiques africaines. Mais nous doutons fort que le président Jacques Chirac ou le président Georges Bush seraient accueillis, le cas échéant, par le ministre chinois des Affaires étrangères. L’impératrice Farah Pahlavi, en visite officielle à Pékin où elle représentait le Shah d’Iran, avait été reçue avec tous les honneurs dus au rang de son pays.. Ce traitement de la part de nos nouveaux amis chinois situe bien l’importance qu’ils accordent à notre diplomatie, à notre pays et à son premier magistrat.

Dié Maty FALL.