Les agents de Police impliqués dans l’évasion de Omar Mandian priaient pour que ce dernier ne cite pas de noms devant les enquêteurs. Il l’a fait. Et mieux, il a donné le montant payé pour qu’on lui facilite son évasion. Au finish, trois limiers sont traduits devant la Commission d’enquête. Seulement, le directeur national de la Sûreté nationale s’émeut de la précipitation avec laquelle le dossier a été bouclé. Craignant ainsi une manœuvre tendant à protéger d’autres agents.
La hiérarchie policière ainsi que les agents avaient retenu leur souffle à l’annonce de l’interpellation de Omar Mandian, ce trafiquant notoire de drogue dure qui s’était évadé des locaux du Commissariat central de Dakar au mois de décembre dernier. Une évasion dans laquelle la complicité de certains limiers avait été agitée. Aujourd’hui, après que celui qui est considéré comme étant le chef du réseau de Dakar a lâché une partie du morceau lors de son audition, des têtes sont déjà tombées. En effet, trois agents alors en service au Commissariat central sont mouillés par le trafiquant. Il s’agit d’un nommé Jean, du chef de poste Sambou et du garde-clé, Pierre. D’ailleurs, ce dernier avait été mis aux arrêts le lendemain de l’évasion. Selon des sources policières, ces trois limiers ont été balancés par Omar Mandian, avant-hier, lors de son face-à-face avec les inspecteurs enquêteurs du Commissariat central comme étant parmi les complices de son évasion. D’ailleurs, ils sont relevés et seront traduits devant la Commission d’enquête de la Police. Laquelle est chargée d’étudier le dossier ô combien délicat. Cette sanction préliminaire infligée aux limiers s’explique par la gravité des révélations faites par le trafiquant. Nos interlocuteurs rapportent que «le chef du réseau de Dakar a déclaré avoir versé aux policiers la somme de cinq cent mille francs Cfa. Lequel montant représente un paiement pour qu’ils lui facilitent son évasion». Ainsi, précise-t-il aux enquêteurs que «ladite somme leur a été remis par le biais de (sa) femme qui a amené l’argent dans les locaux» du Commissariat central. Ces mots de Omar Mandian ont fait l’effet d’une bombe chez les inspecteurs.
«QUI PROTEGE-T-ON ?»
Après cette audition, le trafiquant a été déféré au parquet. Mais, «la précipitation avec laquelle l’enquête a été bouclée et le dossier transmis au procureur a semé le doute et réveillé des soupçons chez le directeur général de la Sûreté nationale, Léopold Diouf. Il est dans tous ses états», expliquent d’autres interlocuteurs. Selon les confidences de certains de ses plus proches collaborateurs, «M. Diouf s’est offusqué du fait que les policiers cités n’aient pas été confrontés avec Omar Mandian avant la clôture de l’enquête et son déferrement». En effet, le directeur général de la sûreté nationale aurait qualifié cette précipitation de «lacune coupable». «Dans son entendement, les personnes citées ne sont que la face visible de l’iceberg et qu’en précipitant l’enquête après les premières révélations de M. Mandian, l’on semble avoir d’autres motivations tendant à protéger d’autres policiers impliqués dans cette affaire», confie-t-on. Et de ces coupables tapis dans l’ombre, nos sources pensent à «certains cadres de la Police sur les ordres de qui les trois agents ont agi. D’où la colère noire de M. Diouf qui voudrait que toute la lumière soit faite autour de cette question» qui n’honore pas leur corporation.
Cette tournure que connaît le cas de Omar Mandian n’a, par ailleurs, «fait qu’établir la complicité toujours évoquée entre des agents de la Police et les trafiquants de drogue envers qui certains cadres sont, même, devenus très complaisants. S’ils ne se sont pas mués en leur protecteur», se plaignent nos interlocuteurs. D’ailleurs, rappelle-t-on, qu’outre le cas de M. Mandian, un autre trafiquant s’était évadé d’une manière spectaculaire au mois de novembre dernier. Ce qui avait conduit à la sanction d’un agent du nom de Sylla. Ce dernier avait été finalement muté dans la région de Kolda. Toutefois, l’on prédit que «le dossier de Omar Mandian risque de perdre d’autres personnes, de même qu’il fera tomber des masques derrière lesquels se cacheraient des cadres influents».
L’affaire Omar Mandian remonte au mois de décembre 2005 alors que ce dernier venait d’être cueilli au quartier de Fass en possession de 58 képas d’héroïne. (Voir le Quotidien n°890 du 13 décembre 2005). Au premier jour de sa garde à vue, le trafiquant était parvenu à se faire la belle sans effraction. D’où les soupçons de complicité qui avaient été agités. Sa cavale a pris fin vendredi dernier quand il fut vendu par un agresseur. (Voir Le Quotidien n°1030 du mardi 6 juin 2006) Son interpellation a fait trembler la Police qui redoutait un déballage et malgré les dénégations de la hiérarchie, les premières victimes sont connues en attendant les prochains développements de cette affaire qui gêne chez les policiers.
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