La tentative du Président de la République de scotcher les jeunes Sénégalais à travers le Réva semble véritablement voué à l’échec. A peine le projet Réva, a-t-il pris son envol pour un retour à l’Agriculture des jeunes candidats à l’émigration, que ses ailes sont plombées par la détermination de ces derniers à tourner à jamais le dos à la terre. « Réva » ne les fait pas du tout rêver. Les extradés de la malheureuse expédition de Céuta et Mélilia broient encore du noir et ont perdu patience. Acculés par un quotidien difficile, certains n’ont pas survécu, d’autres ont tout simplement repris le large, à leurs risques et périls, dans l’espoir de réaliser des lendemains enchanteurs dans un « eldorado » plus proche de l’au-delà.
Le rêve des expatriés de Céuta et Mélélia à travers le projet Réva s’est transformé en cauchemar. Alors que l’émigration clandestine est sous le feu de l’actualité avec des vagues de jeunes, la rage de quitter le pays en bandoulière, qui tentent via l’Océan Atlantique de rallier l’Europe dans des embarcations de fortune, le Ministre de l’Intérieur invoque comme solution miracle du chef de l’Etat contre ce fléau, le projet Retour vers l’Agriculture (Réva). En effet, lors du rapatriement des jeunes Sénégalais largués dans le désert après leur tentative vaine de rallier l‘Espagne en escaladant le mur en fer de Céuta et de Mélilia, le président de la République avait préconisé le « retour à l’agriculture » pour ces jeunes comme recette-miracle leur permettant de rester au pays. Alors que l’hivernage commence à pointer le nez à l’est du pays, les jeunes rapatriés attendent en vain les tracteurs et autres machines qu’on leur avait promis sur le tarmac de l’Aéroport de Dakar pour les inciter à rester au pays.
Des décès parmi les rapatriés
Depuis lors, rien de concret n’a été fait. Les régions de Tamba et de Kolda étant les plus touchées par ce phénomène du fait de leur paupérisation croissante se vident de leurs fils les plus productifs. Ces derniers convaincus maintenant qu’il ne s’agit ni plus ni moins que de chimères des centaines de rescapés avaient foulé le tarmac de l’Aéroport sans même un seul habit ou une paire de chaussures. Leur situation de dénuement était telle que certains n’ont pas pu retourner dans leur village, malgré la somme de dix mille francs Cfa qui leur a été allouée. Certains n’ont pas survécu, comme ce jeune H. BA, habitant le village de Bantan Nany, dans les fins fonds du Boundou. D’autres qui avaient accepté, malgré eux, de retourner au village, avec promesses de financement qu’on leur faisait miroiter, ont vite fait de déchanter. Selon eux, ce n’est que de la poudre sur le visage. « Nous n’avons été convoqués qu’une seule fois au Cedeps de Tamba, il y a plus d’un mois, depuis lors, rien », confie Souleymane Bâ, habitant de Bidiancoto à 26 kilomètres de Tamba.
« « Réva » n’est qu’un mirage, on repart »
Rescapé de Mélélia, le jeune Jules comme l’appellent ses amis, n’entend pour rien rester dans son village où il ne peut même pas se payer le thé. « Comment veulent-ils qu’on reste ici alors que même quand on nous invite au Cdeps de Tamba pour y être recensés, c’est nous qui nous payons nos billets pour le transport » fulmine, Cissokho originaire de Ndiapalé, à une trentaine de kilomètres de la ville qui se dit prêt à reprendre le large dès que l’occasion se présente. Quant à Ablaye BA, âgé de trente ans, père d’un garçon de deux ans, il regrette amèrement d’être revenu au pays après l’épisode du Maroc. En fait, ces jeunes, qui n’ont pas eu la chance d’atteindre l’autre rive, avaient mordu à l’hameçon du Réva. Convoqués pour recensement, ils s’y étaient rendus dans l’espoir que ce projet les sortirait de l’ornière. Voilà que, depuis lors, nous informent-ils agacés,ils scrutent l’horizon en continuant à vivre dans une pauvreté dévalorisante. Dès lors le projet constitue, a leurs yeux, un mirage, et « qu’importe ce que ça va nous coûter, nous allons partir. Nous n’attendons qu’une occasion », soutiennent-ils en chœur. Dans cette zone orientale de la région de Tamba, la pauvreté est telle que les jeunes ne croient même plus à l’agriculture. Partir, même s’il faut mourir, semble être leur slogan. Ils sont plus d’une centaine à avoir été refoulés du Maroc, à ne plus croire au Réva. La plupart, las d’attendre, ont repris les eaux avec les nouvelles vagues de migrants vers l’Espagne. Puisque Réva ne fait pas rêver, ils nourrissent toujours le rêve de travailler dans les plantations de tomates en Espagne où le ciel est plus clément.
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