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PR. MAMADOU DIOP « Pour un vrai centre anti-cancer, il faut un registre pour les tumeurs, former le personnel et des équipements adaptés »

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PR. MAMADOU DIOP « Pour un vrai centre anti-cancer, il faut un registre pour les tumeurs, former le personnel et des équipements adaptés »

Vingt mille ! C’est le nombre estimé de nouveaux cas de cancer au Sénégal. Un pays où le cancer constitue la deuxième cause de décès chez l’adulte après les maladies cardio-vasculaires. Dans l’entretien qui suit, le Pr. Mamadou Diop, directeur de l’Institut du cancer de l’Hôpital Le Dantec et Point focal « lutte contre le cancer » au ministère de la Santé, fait la situation de cette pathologie au Sénégal et revient sur les progrès et limites de la prise en charge.

Quelle est l’incidence du cancer au Sénégal ?

Chaque année, on estime à 20.000 le nombre de nouveaux cas de cancer au Sénégal, avec un taux de mortalité estimé entre 70 et 80%. Rien qu’à l’Institut du cancer de l’Hôpital Le Dantec, on enregistre à peu près 1000 cas de cancer par an. Ces chiffres sont inquiétants. C’est comme si rien n’a été fait. Il y a inquiétude dans la mesure où les moyens sont insuffisants par rapport à la prévention. Par contre, des progrès ont été notés avec le cancer du col de l’utérus, la gratuité de la vaccination contre l’hépatite B qui cause le cancer du foie. Depuis 2001, ce vaccin est gratuit et il est inclus dans le Programme élargi de vaccination (Pev). Il faut vraiment des mesures ponctuelles pour lutter contre le cancer. Dans ce cadre, il y a de bonnes intentions pour 2010, notamment la volonté de mettre en place au Sénégal un registre pour les tumeurs. Cela permet d’évaluer tout programme de lutte contre le cancer et de rechercher les facteurs de risque. C’est avec un logiciel qui va permettre d’enregistrer toutes les données sanitaires. Il y a aussi la formation des pathologistes, radiothérapeutes, oncologues. Il y a également les équipements de radio et les autres modalités thérapeutiques à mettre en place pour un vrai centre anti-cancer. Il faut aussi subventionner les médicaments anti-cancéreux. Car, une chimiothérapie peut coûter entre 500.000 F Cfa et un million. Mais, il y a des cancers -comme celui du col de l’utérus- qu’on peut prévenir. A ce niveau, on peut s’appuyer sur les districts sanitaires, former les sages-femmes, infirmiers chefs de poste.

Pour le cancer du sein, il faut continuer la promotion de l’auto examen du sein et décentraliser en passant le relais aux médecins-chefs de district. Il faut juste une formation de mise à niveau en s’appuyant sur les agents de santé communautaire et un programme d’équipements en mammographie et un petit laboratoire, lesquels peuvent aider à faire le diagnostic du cancer sur place et à mettre en place un programme de prise en charge des malades dépistés.

Quels sont les cancers les plus fréquents au Sénégal ?

Le cancer est la deuxième cause de mortalité chez l’adulte après les maladies cardiovasculaires qui enregistrent un taux de mortalité de 426 pour 1000. Ensuite suit le cancer avec 146 pour 1000, puis viennent les traumatismes avec 125 pour mille. Alors que l’incidence des cancers est en train de baisser aux Etats-Unis, au Canada, en Australie..., elle augmente en Afrique à cause de la tendance à la sédentarité, à la consommation de l’alcool, du tabac, à la prédominance d’une alimentation riche en protéines et pauvre en végétaux.

Sur les cancers les plus fréquents, nous avons en tête le cancer du foie avec une importante prédominance masculine. Et, généralement tous les cas de cancer du foie meurent. Voilà un cancer redoutable !

Le deuxième cancer est celui du col de l’utérus. Le troisième est le cancer du sein qui est suivi du cancer de l’estomac. Si le cancer du foie est prédominant, c’est parce que le Sénégal est une zone endémique de l’Hépatite B avec plus de 80% de la population qui sont porteurs du virus. Et parmi les porteurs chroniques, à peu près 30% vont faire un cancer du foie. Il y a aussi l’aflatoxine (champignons qui prolifèrent sur des graines (arachide, par exemple) conservées en atmosphère chaude et humide et qui ont un pouvoir cancérigène élevé). Ainsi, la consommation d’huile et de pâte d’arachide non traitées peut entraîner le cancer. L’Hépatite B va infecter le foie qui va développer un cancer. Il faut donc revoir les conditions de stockage de l’arachide, car il s’agit d’un problème d’hygiène générale.

Pour le cancer du col de l’utérus, il est causé par le papillomavirus humain. Une étude a montré qu’au Sénégal 18% des femmes sont porteuses de ce virus. Presque toutes les femmes sont infectées lors des premiers rapports sexuels, mais très peu d’entre elles garde le virus.

Que faut-il réellement pour assurer une bonne prise en charge des cancers ?

Des progrès sont surtout notés en ce qui concerne la radiothérapie. Les équipements complémentaires ont été enregistrés récemment. Il y a aussi des efforts qui sont faits dans la prévention, le dépistage. Il faut les poursuivre. Mais, il faut plus d’équipements, d’autres salles d’opération. Pour la radiothérapie, il nous faut un accélérateur de particules qui est beaucoup plus précis. Il permettra ainsi de traiter d’autres cancers plus profonds comme le cancer de la prostate. Le cobalt est bien pour les cancers superficiels. C’est la radiothérapie du pauvre.

Pour la chimiothérapie, il faut une infrastructure plus adaptée pour sécuriser les drogues nécessaires pour le traitement et qui sont notamment dangereuses pour le personnel de santé. Il faut des accessoires et des chambres implantables. Cela permettra d’éviter les inconforts pour les malades. Il faut également améliorer l’environnement dans lequel se trouvent les malades qui doivent être accompagnés par un psychologue, psychiatre, assistant social, etc.

Pour la chirurgie, il faut des équipements adaptés, renouveler les salles d’opération, avoir un service de réanimation adapté à la prise en charge et un laboratoire de pathologie, parce que jusqu’à présent, on envoie certaines analyses en France pour mieux caractériser le cancer. Car, c’est en fonction de tous ces paramètres qu’on va décider de la stratégie à mettre en place pour une meilleure prise en charge.

Les traitements sont-ils les mêmes pour tous les cancers ?

Ils ne sont pas du tout les mêmes. Par exemple, la chimiothérapie est préconisée pour le cancer du sang. Il y a des cancers où les modalités thérapeutiques doivent se succéder (chimiothérapie, radiothérapie, hormonothérapie et immunothérapie). Pour certains, la radiothérapie et la chimiothérapie suffisent. Parfois, il faut combiner. Tout dépend de la localisation du cancer, du stade d’évolution. Tous les cancers, quelle que soit leur localisation, sont classés. Mais, malheureusement, les patients viennent souvent à des stades avancés où le pronostic est difficile. Or, le stade détermine le pronostic et le traitement. C’est une question de stratégie thérapeutique. Il faut une approche multidisciplinaire : chimiste, radiothépareute, chimiothérapeute, radiologue. C’est cette équipe qui va décider de la stratégie thérapeutique à adopter.

Des séances de dépistage sont souvent organisées, mais assure-t-on toujours la prise en charge aux personnes chez qui un cancer a été décelé ?

On nous reproche de ne pas communiquer. Mais, j’estime que si on met en place un programme de dépistage, il faut assurer la prise en charge. Quand on parle de prévention, de diagnostic, il faut après le traitement. Ceci est fondamental. Il nous est arrivé de faire le dépistage, mais les promesses de prise en charge n’ont pas été tenues. Cette situation est embêtante pour le médecin qui ne peut qu’activer ses relations pour aider le malade qui ne voit que lui. Je crois qu’il est nécessaire de mettre l’accent sur la prise en charge, le traitement. La sensibilisation est importante car il ne faut pas laisser la population croire que le cancer, c’est une proportion de la population. Au contraire, il concerne tout le monde. C’est une question de mode de vie, d’environnement, d’alimentation, de stress, de prise de conscience, de connaissance. Il faut pousser les gens à ne pas perdre leur temps avec les charlatans. L’information et la sensibilisation sont fondamentales, surtout dans nos pays où le diagnostic est tardif. Il est important qu’il se fasse tôt.

Nous avons dit tantôt que le traitement est onéreux. Il ruine les familles. Certains sont obligés de vendre leurs maisons, terrains pour se soigner, car les médicaments coûtent cher. C’est pourquoi le mouvement associatif a un rôle important à jouer. Il faut fédérer les énergies pour pouvoir aider les plus démunis. Il faut aussi informer, sensibiliser pour aider l’Etat à la prévention. Mais, en aucune manière, les associations, Ong de lutte contre le cancer ne doivent se substituer à l’Etat.

Quelle est la part de l’alimentation dans le développement des cancers ?

L’alimentation explique le cancer dans certains cas. Il y a une alimentation qui protège contre les cancers. Une alimentation riche en viande rouge, grillée, séchée, mais pauvre en légumes favorise le cancer. Par contre, une alimentation végétarienne riche en légumes protège contre le cancer. Cela est prouvé. Et, il faut que les populations en soient informées. Il faut une alimentation équilibrée. Mais, ce qu’il ne faut pas, c’est de dire que tel aliment est riche en sélénium, je prends des médicaments contenant du sélénium. Il faut aller chercher les produits à la dose et à la proportion dans les légumes.

Avec une mortalité estimée entre 70 à 80%, les chances de guérir du cancer ne sont-elles pas minimes ?

Les chances de guérison sont réelles. Mais, cela dépend du moment où le diagnostic est fait. Plus le cancer est détecté tôt, plus il y a des chances de guérir. Pratiquement, tous les cancers peuvent guérir. Seulement, il y a des cancers plus méchants que d’autres. Il y a des cancers qui, même trop petits, sont agressifs, avec une survie faible.

Pour éviter d’arriver aux cas graves de cancer, la prévention primaire est importante. Elle consiste à lutter contre le tabac, les maladies sexuellement transmissibles et à avoir une bonne hygiène de vie, c’est-à-dire une alimentation équilibrée, une activité physique et lutter contre la pollution de l’environnement.



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