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[Focus] Prédominance de la politique dans les médias sénégalais : Les raisons d’un diktat

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[Focus] Prédominance de la politique dans les médias sénégalais : Les raisons d’un diktat
Nonobstant le contexte pré-électoral qui prévaut au Sénégal, force est de constater que les médias font très souvent la part belle à la politique. Entre la loi de « l’offre et de la demande » et la rentabilité de cette thématique pour certains organes, les raisons ne manquent pas pour justifier le « diktat » de cette thématique. D’un point de vue global, les Sénégalais paraissent friands de ces nouvelles mais ce raz-de-marée « politique », semble parfois les noyer dans un torrent de lassitude.      

La soupe politique, tous les médias au Sénégal, ou presque, en servent quotidiennement. En témoignent les actualités et les émissions proposées par les radios, les télévisions, les journaux et la presse en ligne. Mais cette prédominance de la politique dans le champ médiatique sénégalais est-elle du goût du public ? Pour tenter d’avoir quelques éléments de réponse, Seneweb a sollicité ses internautes sur ses différentes plateformes sociales avec l’interrogation suivante: « Pensez-vous que la politique est trop présente dans les médias ? ».

Résultat des courses : sur 1551 votants, une écrasante majorité, 1411, a répondu par l’affirmative contre 140 « non ». Parallèlement à ce sondage, une tribune a été ouverte pour recueillir leurs points de vue sur la question. « La politique est trop présente dans l'esprit des Sénégalais. Nous passons le plus clair de notre temps à parler de politique. Nous n'avons même pas le temps de travailler », précise Doudou Lahi Ndoye.

Cette présence accrue s’explique pour certains par une logique capitaliste de certains médias. « Non, c'est les médias qui sont trop présents dans la politique. Certains même ne vivent que de l'argent des politiques en vendant des articles, Unes, temps d'antenne, émissions au plus offrant. Une certaine presse écrite ne vit même que des Unes, parce que quasi inexistante dans les kiosques », pense Abdou Coly.

Pour Diop Baidy Samba, le véritable problème se trouve dans l’utilisation de l’outil « politique », qui selon lui, peut être problématique à la longue : « En tout cas, elle (la politique) est très présente, ce qui ne va pas déplaire aux doctes des éveilleurs de conscience. Le danger, c’est que la mauvaise politique risque de nous défaire, de nous façonner, de nous rendre fous, violents, sourds... ».

Parmi les partisans du « non », Ladyd Gueye tempère et pense que la présence massive de la politique est justifiée. « C’est le principe de la démocratie, informer le peuple pour qu’il puisse prendre des décisions », commente-t-elle.

Petit tour d’horizon des médias

Si la thématique semble saturer l’espace médiatique, sénégalais, c’est en grande partie à cause de la pléthore d’émissions politiques que proposent les médias sur leurs antennes. A l’exemple du mercredi soir où de nombreuses chaînes de télévisions proposent, après le 20h, des émissions au format interview avec des acteurs politiques. On peut citer: L’invité de MNF (7TV), Le Point (RTS1), Faram Facce (Tfm) et  « Question de l’heure » (Dtv) pour ne citer que celles-là.

La dernière citée est présentée par Mansour Sow et diffusée sur la DTV. Le présentateur définit sa tribune comme « l'émission des jeunes et pour les jeunes leaders ». Même s’il affirme traiter « l’actualité brûlante de l’heure », la politique revient très souvent. « J'ai voulu innover en ciblant la jeunesse. Et ils sont très nombreux ces jeunes qui font aujourd'hui la pluie et la tempête sur les plateaux de télé qui ont eu leur baptême du feu avec moi. J'en ai guidé beaucoup même », déclare-t-il. 

Sur la question de la guerre de l’audience du mercredi soir, le journaliste qualifie la concurrence de « saine » tout en démarquant son émission des autres. « Questions de l'heure est  co-animée par  deux journalistes, des promotionnaires de surcroît, sorties de la plus prestigieuse école de journalisme en Afrique Subsaharienne, le Cesti. Comparé aux autres, certes, je suis le benjamin mais l'As des As. La valeur n'attend pas le nombre d'années », lance-t-il.

Outre le mercredi, le dimanche est aussi un jour de ''fièvre politique'' dans les médias. On peut citer les émissions les plus célèbres : Le Grand Jury (Rfm) et le Jury du dimanche (Iradio). Les points communs entre ces deux émissions sont qu'elles ont été créées par la même personne, Mamoudou Ibra Kane et qu'elles passent à la même heure. L'ancien directeur général du Groupe Futurs Médias (Mamadou Ibra Kane) a depuis lors quitté le groupe de presse de Youssou Ndour et a pris les rênes de E-Média, où il y conserve la même casquette.

Créé en 2018, le groupe E-media, notamment avec sa chaîne de télévision, sa radio et son site en ligne, a pu gagner le cœur de bon nombre de Sénégalais en un laps de temps. L’une de ses voix les plus célèbres, Alassane Samba Diop, par ailleurs Directeur général de Iradio et Itv y présente une émission intitulée « L’air du temps ». « C’est une émission transversale qui traite des questions culturelles, politiques, économiques et sociales, sociologiques et anthropologiques », dit le journaliste passé par la Rfm. Là aussi, malgré que cette émission veuille aborder plusieurs thématiques, la politique n’est jamais très loin. « Moi, je n’invite pas des politiciens purs et durs, ce sont des experts qui réfléchissent sur la chose politique. C’est une émission qui permet aux experts d’analyser la chose politique », explique Alassane Samba Diop.

Les médias publics, plus modérés ? 

À la Rts, service public de l'audiovisuel, des émissions politiques il en existe aussi. On en compte 4 : Le point, Point de vue, Kassabor et Pluriel. Mais la dernière citée a été ''abandonnée'' car ne répondant plus aux critères édictées par le Conseil National de Régulation de l'audiovisuel (CNRA), organe chargé de réguler l'audiovisuel comme son nom l'indique.

« Si on voulait respecter le principe de l'équité, il fallait souvent changer les acteurs ou les mandataires des partis. Il fallait que tous les partis soient représentés d'une manière ou d'une autre et selon la périodicité de l'émission. Et on ne s'en sortait plus. On ne pouvait pas avoir une émission à une heure de grande écoute qui est supposée faire de l'audimat et avoir des invités qui viennent de partis politiques presque méconnus », raconte Mariam Selly Kane, journaliste à la Rts.

Quant au manque de représentativité d'acteurs de l'opposition sur cette antenne, Mariam Selly Kane affirme que la Rts a pris le parti de « faire focus sur l'action gouvernementale », ce, dans le but de laisser les médias privés évoquer « l'action politicienne ».

Au quotidien Le Soleil, bien que traitée, l'actualité politique ne semble pas primer sur les autres thématiques. Pour le traitement de l'information politique, le service public explique mettre l'accent sur les informations officielles provenant de tous bords, le tout avec une certaine retenue. « On fait très peu de commentaires car, c'est assimilable à de la météo. Notre but est de veiller à la stabilité du pays. On est dans une région en proie à de nombreux conflits et on ne peut pas se permettre d'envenimer les choses », dit Aly Diouf, chef du service politique et internationale au quotidien Le Soleil.

Et à Seneweb ?

« Charité bien ordonnée commence par soi-même », dit le dicton. A Seneweb aussi, la politique occupe une place de choix. Sur le site, en dehors des faits de société et de l'actualité people, la politique semble énormément intéresser les internautes d'où son traitement quasi quotidien. « L'actualité politique dépend du calendrier électoral et parfois, elle est intemporelle. On peut se retrouver du jour au lendemain avec un fait qui concerne un homme politique et les lecteurs seront attirés vers le site. S'ajoute à cela, le contexte pré-électoral marqué par la publication des listes, les rejets... Autant de choses qui poussent les gens à venir s'informer donc, à consulter le site », évoque Momar Mbaye, rédacteur en chef de Seneweb.

Depuis quelques années, Seneweb s'est diversifié en lançant sa web Télévision, Seneweb TV. La chaîne comptabilise plus de 600 mille abonnés sur Youtube. Pour cette année, la web TV compte 3 émissions phares : Bet Set, Ultimatum et Tolluway. Pour la troisième émission, présentée par Mohamed Diallo, elle ne traite que de l'actualité politique. « Parfois, on ne peut pas se passer de la politique, l'actualité sénégalaise est fortement marquée par la politique et le public sénégalais en raffole. Donc, on ne peut pas faire fi de ce besoin qui est manifesté par des internautes », pense le présentateur de Tolluway.

« Toute l'histoire du Sénégal est corollaire à son histoire politique »

Comme constaté, les informations politiques se taillent la part du lion dans l'univers médiatique sénégalais. Mis à part le ras-le-bol de certaines personnes quant à la prépondérance de ce concept, la population sénégalaise semble dissimuler son attachement à la politique. Ainsi, cette présence massive serait due à une forte demande du public, adepte du sensationnel. D'où « l'obligation » pour la presse à appliquer la loi de l'offre et de la demande.

« Quand on circule et prête l’oreille aux conversations des Sénégalais, vous entendrez certainement des sujets sur la dureté de la vie. Par contre, les gens ne cherchent pas à trouver les voies et moyens pour sortir de cette galère ou de cette misère, au contraire, les sujets ne tournent qu’autour de la politique. Et les médias sénégalais ont conscience de ça. Dans les médias, ce qui se vend le plus, ce sont les sujets politiques et les faits-divers », de l'avis de Georges Nesta Diop, chef du service politique à Walf TV et FM.

Pour comprendre cet engouement de la population pour la politique, il faut questionner le passé du pays, selon Mariam Selly Kane. « Toute l'histoire du Sénégal est corollaire à son histoire politique. C'est l'histoire du président Lamine Gueye, du président Mamadou Dia, du Président Senghor avec leurs bagarres depuis la lutte pour les indépendances avec les porteurs de pancartes, jusqu'aux alternances de 2000 avec le président Abdoulaye Wade qui est arrivé au pouvoir. Après, il y a eu le changement qui est intervenu avec le président Macky Sall. Donc, le pays est animé régulièrement par des joutes politiques et les médias suivent », dit-elle.

Elle ajoute : « Je crois aussi que c'est un héritage français, car, la politique y est très présente. Et la presse sénégalaise étant formée en grande partie à l'école française, elle a pris cette tradition de suivre la politique pas à pas et de rester collée aux acteurs politiques ».

Malgré cette relation historique entre le Sénégalais et la politique, Simon Faye, rédacteur en chef de Zik FM et SEN TV, pense que la suprématie de la politique dans le champ médiatique sénégalais est causée par la surmédiatisation des acteurs politiques. « Il faut souligner que les leaders politiques n’occupent pas 1% de la population sénégalaise, alors pourquoi ce fort intérêt autour de la politique ? Sûrement parce qu’il existe de fortes têtes qui occupent l’espace politique, des fortes têtes qui font vendre et ça pèse sur la balance. La présence massive de ces acteurs politiques sur les réseaux sociaux, les plateaux de télévision,… laisse croire que le Sénégal est foncièrement politique », dit le rédacteur de Sen TV et Zik FM, par ailleurs présentateur de l'émission quotidienne Les Grandes Gueules.

Le repositionnement face à la demande

Le paysage médiatique sénégalais est dominé par des organes de presse généralistes. Un choix qui n'est pas fortuit, puisqu'il semble répondre, là aussi, à une forte sollicitation du public. Et bien que ces médias se veulent généralistes, la politique prend toujours le dessus. « Il y a des journalistes qui ont eu à créer des presses spécialisées en sport, en économie, en culture,… mais elles n’ont pas vécu longtemps. C’est ce qui explique que ces médias virent aussitôt dans les quotidiens d’informations générales surtout en mettant l’accent sur la politique. Donc, c’est assez risqué de faire l’impasse sur la politique et de se consacrer exclusivement que sur une thématique, c’est aller tout droit vers l’échec », argue Georges Nesta Diop.

Avant de prendre les commandes de Itv et Iradio, Alassane Samba Diop a fait les beaux jours de la RFM. Et si cette radio a pu s'installer dans le clair conscient des Sénégalais, c'est en grande partie grâce au journaliste. La radio se nommait à l'époque Sport FM et face à une perte constatée de ses auditeurs, le propriétaire a dû revoir ses plans. « Cette radio qui avait été créée par Youssou Ndour offrait aux Sénégalais un programme sportif. Mais après la coupe du monde de 2002, il  (Youssou Ndour) a fait appel à moi en me disant que sa radio ne marchait pas. Je lui ai répondu qu'elle n’était pas adaptée au public sénégalais, ce qui marche au Sénégal se sont les radios généralistes et je lui ai dit de changer de format », se remémore Alassane Samba Diop.

La précarité de la presse, une brèche dans laquelle s'engouffrent les politiques

« Peut-être aussi que ces hommes politiques ont infesté les rédactions. Parce qu’il est aujourd’hui difficile de trouver des rédactions qui ne s’intéressent pas à la chose politique tout simplement parce que dans les rédactions, il y a des personnes qui ont des accointances politiques, des gens qui ont tendance à soutenir untel ou un autre ou même qui sont des acteurs », pense Simon Faye.

La théorie de « l'infiltration des politiques » est aussi évoquée par le journaliste-formateur Ibrahima Bakhoum. Selon lui, cette situation découle des difficultés de trésorerie constatées dans certains médias. « Il y a des acteurs politiques qui ont réussi à acheter des unes dans la presse, parfois des tirades dans les revues de presse et ils obtiennent aussi de longs temps d’antenne dans l’audiovisuel. Cela veut dire, qu’il y a maintenant la précarité dans les médias », de l'avis d'Ibrahima Bakhoum.

L'homme, par ailleurs analyste politique, alerte sur les dangers de cette présence motivée par des intérêts pécuniaires. « Ce qui fait qu’ils saisissent parfois les médias pour leurs règlements de comptes, c’est-à-dire qu’on fait mener les journalistes des combats qui ne sont pas les leurs. Car, il faut faire la part des choses, soit vous êtes un média d’information générale, en ce moment vous procédez à un traitement équilibré de l’information, ou alors vous êtes une presse d’opinion et en ce moment, les lecteurs sauront à quoi s’attendre. Mais l’arnaque se situe au niveau où ces médias disent qu’ils font de l’information générale, supposée être équilibrée; or, tel n’est pas le cas », met en garde Ibrahima Bakhoum.


9 Commentaires

  1. Auteur

    Lynx

    En Décembre, 2021 (16:49 PM)
    Politique et faits divers dans nos journaux TV et Radios, la raison est simple notre p(A)resse nationale préfère les sujets qui rapportent de l'argent soit par la corruption des politiciens ou par l'audimat des sujets de faits divers
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    • Auteur

      Passcientifique

      En Décembre, 2021 (19:54 PM)
      Je ne suis  pas sûr  que  les impressions  puissent remplacer de vrais sondages
       
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  2. Auteur

    En Décembre, 2021 (17:12 PM)
    Mon chien est toujours de bonne humeur , je comprend mieux pourquoi. 

    il ne regarde pas, ne lis pas les News 
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    Auteur

    En Décembre, 2021 (17:22 PM)
    Nul   beug lou yombou  ak corrumpu rek ils ne peuvent pas traiter d autres sujets
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    Auteur

    En Décembre, 2021 (17:25 PM)
    Predominance affaire de sexe aussi 
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    Auteur

    Hé!

    En Décembre, 2021 (18:57 PM)
    Des journalistes d'un niveau très très faible. Voire minable. Vous ne méritez même pas l'appellation JOURNALISTE pour l'écrasante majorité d'entre vous.

    Il ne s'agit pas d'une critique, il s'agit de ce que vous montrez vraiment.
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    Auteur

    V.

    En Décembre, 2021 (20:29 PM)
    Avec des articles aussi fouillés, je dis bravo. Cela change des trois ou quatre lignes insipides et superficielles souvent jetées ici. Il se trouve que dans une société de l'oralité où les gens passent l'essentiel de leur temps sous l'arbre à palabres à écouter des sornettes, il n'est pas etonnant que les politiciens deviennent des conteurs pour entretenir l'illusion.
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    Auteur

    En Décembre, 2021 (21:11 PM)
    La presse sénégalaise souffre de l'influence néfaste des politiques, Simon Faye fait bien de parler dans l'article d'infestation. Quand on voit que même dans l'organe où il travaille, un personnage tel que Ahmed Aïdara, journaliste et homme politique. Il se permet de tirer à balle réelles sur ses principaux concurrents monnayant quelques billets. Et il ose se dire encore journaliste, pfff
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    Auteur

    En Décembre, 2021 (09:24 AM)
    Journalists baol baol vous sites. Merci de nous rappeler qu'il y a toujours des idiots pour  classer les journalists suivant des règions du pays.
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    Auteur

    Soigneur De Fous

    En Décembre, 2021 (14:12 PM)
    Quand au Rwanda, au Botswana les leaders parlent de développement, au Sénégal nos "leaders" nous parlent de politique et nous acceptons d'entrer dans leur jeu. Pauvre Sénégal !
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