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Monday 01 September, 2025
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Pressions économiques, sociales et chocs émotionnels : Le quotidien douloureux des aînés au Sénégal

Auteur: Sokhna Faty Isseu Samb

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Au Sénégal, les aînés sont souvent perçus comme des piliers familiaux et les garants des valeurs traditionnelles. Pourtant, derrière cette image respectée se cachent des réalités complexes. Pressions financières, responsabilités émotionnelles et attentes sociales alourdissent leur quotidien, les plongeant parfois dans un stress intense.
Entre traditions et réalités modernes
Dans les familles sénégalaises, l’aîné occupe une place centrale. Il est à la fois mentor, médiateur et soutien financier pour ses cadets. Il doit assurer la stabilité du foyer, faciliter l’insertion professionnelle des plus jeunes et intervenir dans les décisions majeures, des responsabilités qui lui incombent naturellement.
Cependant, la transition vers un monde plus individualiste, marqué par des incertitudes économiques, complique ce rôle. Beaucoup se retrouvent tiraillés entre leur devoir familial et leurs propres aspirations, une dualité souvent éprouvante.
Une charge émotionnelle lourde à porter
Les attentes pesant sur les aînés peuvent avoir des répercussions psychologiques et physiques. La pression économique est omniprésente : l’aide financière aux cadets est souvent perçue comme une obligation plutôt qu’un choix. À cela s’ajoute un manque de reconnaissance, car leur dévouement est rarement considéré à la lumière de leurs propres besoins.
Ce poids varie selon les parcours, mais reste une constante dans de nombreuses familles. Fatou Touré, commerciale et aînée d’une fratrie de cinq enfants, témoigne de son combat quotidien :
« Je pensais que soutenir mes cadets serait temporaire, mais les demandes ne cessent d’augmenter. On me reproche parfois de ne pas en faire assez, alors que je n’arrive même pas à épargner pour moi. »
Le ressenti de Fatou est partagé par de nombreux aînés, qui peinent à concilier leurs aspirations personnelles et les attentes familiales. Abdou Sarr, entrepreneur quadragénaire, confie sa fatigue émotionnelle :  « On suppose que je vais bien, que je peux tout gérer. Mais au fond, je suis épuisé. Le respect qu’on me porte ne compense pas ce poids permanent. »
Ce stress touche aussi les aînés expatriés. Ansou Diatta, installé à l’étranger depuis quinze ans, raconte les pressions qu’il subit à distance :
« J’ai longtemps caché ma perte d’emploi à ma famille. À force d’être sollicité, j’ai fini par couper les ponts. Ce n’est qu’après avoir retrouvé un travail que j’ai pu renouer avec ma mère. Lui dire la vérité l’aurait anéantie. »
Ces témoignages révèlent une réalité souvent tue : les sacrifices des aînés, parfois perçus comme une obligation, peuvent devenir un véritable fardeau psychologique.
Réinventer la solidarité familiale
Face aux défis rencontrés par les aînés, certains acteurs sociaux, comme les marraines de quartier, proposent des solutions concrètes. Fanta Niang, figure respectée de sa communauté, plaide pour un équilibre : « Nous devons revoir notre façon d’interagir avec les aînés. Leur contribution à la famille doit être valorisée sans devenir un fardeau. Il faut encourager l’indépendance des plus jeunes pour alléger la pression sur leurs aînés. Trop souvent, nous nous reposons sur eux sans leur laisser le choix. »
Fanta insiste sur le droit des aînés à poser des limites :  « Ce n’est pas parce qu’ils sont plus âgés qu’ils doivent tout endosser. Sensibiliser à cette réalité est essentiel. Il faut promouvoir un dialogue ouvert sur la répartition des responsabilités familiales. La solidarité ne doit pas être unilatérale ; elle doit reposer sur la réciprocité. En nous engageant dans cette voie, nous préserverons l’équilibre familial et la santé mentale de ceux qui portent ce poids. »
Auteur: Sokhna Faty Isseu Samb

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