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PRISE EN CHARGE DE L’INSUFFISANCE RÉNALE CHRONIQUE : Le flot d’émouvantes confessions des malades

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PRISE EN CHARGE DE L’INSUFFISANCE RÉNALE CHRONIQUE : Le flot d’émouvantes confessions des malades

Les personnes atteintes d’insuffisance rénale chronique ont tout dépensé. Certains malades ont vendu leurs maisons et autres biens pour se soigner. Une séance d’hémodialyse tourne autour de 650.000 FCfa par malade et par mois. Aucune famille, aucune personne ne peut supporter une telle dépense, confessent les malades.

L’édifice à l’architecture coloniale situé derrière le Service de néphrologie de l’Hôpital Aristide Le Dantec grouille de monde, en ce jeudi 11 mars 2010. Des malades, des médecins viennent saluer, avec déférence, Ibrahima Diaw.

Vêtu d’un grand boubou jaune, cet homme, de teint noir et de taille moyenne, est une illustre figure de l’Association sénégalaise des hémodialysés et insuffisants rénaux (Ashir). Il est de tous les combats pour la réduction des coûts de traitement des maladies rénales qui coûtent les yeux de la tête.

« Le prix de la dialyse est très cher au Sénégal. Une séance revient à 50.000 FCfa à l’hôpital Le Dantec, alors qu’il faut 3 à 4 séances, par malade, par semaine. Je dépense 650.000 FCfa par mois », confesse le Secrétaire général de l’Ashir, Ibrahima Diaw, aujourd’hui âgé de 64 ans. Il porte la maladie depuis 2000. L’émotion emplit sa voix. Celle-ci transmet la compassion au fur et à mesure qu’il déroule des séquences de dialyse. « J’ai vu des personnes passer de vie à trépas dans la salle de dialyse. Ce sont des moments qu’on ne peut pas oublier. Le malade atteint d’insuffisance rénale chronique ultime, sans moyens, a toutes les chances de passer à l’autre monde. Tous les initiateurs de cette association sont partis », raconte le vieux Ibrahima Diaw. Il débourse 300.000 FCfa pour les médicaments et 200.000 pour les examens tous les mois.

Ibrahima Diaw et d’autres jeunes ont ravivé le flambeau de la lutte pour réduire le taux de mortalité liée aux maladies rénales. « Nous avions tapé à toutes les portes des autorités. Nous avons l’espoir que les prix vont baisser. Nous souhaitons même la gratuité des traitements comme dans les pays de la sous-région qui ne sont pas plus riches que le Sénégal », prêche-t-il. Le Sénégal compte 150 malades qui font l’hémodialyse pour 14 lits. Entre 3 ou 4 séances d’hémodialyse sont faites par semaine. « Il est prévu d’installer 10 lits supplémentaires. Mais, il faut surtout décentraliser la prise en charge. Les malades déjà éprouvés par les traitements onéreux quittent les régions pour venir faire la dialyse », suggère Ibrahima Diaw.

Parmi ces derniers, figure Maguette Thiam Diouf, une enseignante née à Thiès. Vêtue d’un boubou traditionnel bien amidonné, cette femme, qui va bientôt souffler ses 60 bougies, porte avec philosophie sa maladie.

9 millions de FCfa pour un an de vie supplémentaire

« J’ai vendu mes chaînes et boucles d’oreilles en or et les autres effets pour me traiter. Sans imputation budgétaire, je dépense entre 150.000 FCfa pour l’achat des poches pour la dialyse péritonéale. En plus des poches, j’achète régulièrement des médicaments pour traiter mon anémie. A cela, il faudra ajouter les bilans mensuels. Nous ne pouvons pas vous dire tout ce que nous vivons. Mais, nous remercions le bon Dieu », dit-elle.

Saer Seck, vêtu d’un T-shirt blanc sur lequel est écrit : « protéger vos reins, contrôler votre diabète », fait aussi partie de l’Ashir. A la seul différence qu’il n’est pas malade. Il se démène pour orienter les visiteurs et les malades. La souffrance des hémodialysés, le coût onéreux des traitements motivent son engagement sur le front de la sensibilisation.

« Plusieurs malades ont vendu leurs maisons, leurs biens. Chacun doit s’impliquer dans la sensibilisation pour la prévention, mais aussi pour baisser les coûts de traitement », plaide-t-il. Une opinion partagée par Abdoulaye Bâ Diop, membre de l’Ashir non malade.

La prise en charge de l’insuffisance rénale terminale reste onéreuse. Les experts, qui ont évalué le traitement avec minutie, ont conclu qu’il faut, au moins, 9 millions de FCfa pour traiter, de façon globale, un malade atteint d’insuffisance rénale chronique ultime.

« Lorsqu’on est atteint d’insuffisance rénale ultime, pour se soigner, il faut le générateur pour vider le sang. C’est l’une des issues. Les spécialistes et les experts ont estimé qu’il faut globalement 9 millions de FCfa pour qu’un malade vive un an supplémentaire », rapporte Saer Seck.


MAGUETTE THIAM DIOUF, HEMODIALYSEE : L’enseignante à la vie suspendue à 4 séances par jour

Maguette Thiam est née en 1950 à Thiès. Depuis avril 2009, elle dépense 177.000 FCfa, tous les mois, pour les poches de dialyse péritonéale, sans compter les bilans mensuels.

Maguette Thiam Diouf, femme frêle rongée, financièrement et peut-être psychologiquement par l’insuffisance rénale chronique, a ému ce beau monde qui écoute les conseils du néphrologue Abdou Niang. Cette enseignante, qui a commencé à servir à l’école El Hadji Ibrahima Sarr de Thiès, a contracté l’hypertension artérielle entre 1990 et 1991. L’évolution de cette affection l’a conduite à développer l’insuffisance rénale. « Je suis tombée en plein cours. On m’a transférée à l’hôpital Saint-Jean de Dieu de Thiès. Après des examens, les médecins m’ont fait savoir que j’ai l’insuffisance rénale. Depuis avril 2009, je fais la dialyse péritonéale 4 fois par jour », raconte l’enseignante.

Après avoir reçu une formation de 15 jours au service de néphrologie de l’Hôpital Aristide Le Dantec, elle est en mesure de faire toute seule sa dialyse. Elle connaît par cœur les médicaments et les appareils. « J’ai fait une hémodialyse avant de venir. Je le fais 4 fois par jour. Je m’absentais à l’école, les supérieurs m’ont compris parce, avant que je ne sois pas malade, j’assumais correctement mes tâches », confesse la dame, détachée comme surveillante au Cem de la Route de Mbour. L’enseignante souffre aussi d’une anémie chronique. Elle supporte son état de santé avec philosophie. Un brin de regret traverse tout de même son discours lorsqu’elle aborde la question de la prise en charge. « Mes fils s’évertuent, tous les mois, à régler mes frais de prise en charge. Ils n’ont rien pu économiser. Il en est, de même, pour mon mari. Je ne peux pas les payer. Ils ont tout fait pour moi. Je souhaite que Dieu leur accorde longue vie ; sans leur soutien, ma situation serait insupportable », s’exprime la dame.

L’émotion emplit l’entretien. Son débit devient soudainement saccadé. Elle poursuit la narration.

« Parfois, même si mes médicaments et mes poches sont terminés, j’éprouve de la peine et de la gêne à le leur dire ». Elle suscite plus de compassion lorsqu’elle sort de son sac une pile d’ordonnances. La dame suit, à la fois, les traitements pour l’anémie, l’hypertension et l’insuffisance rénale.


Pr ABDOU NIANG, NÉPHROLOGUE A L’HÔPITAL ARISTIDE LE DANTEC : « Des études ont révélé une mortalité nulle pour les donneurs de reins »

Le Pr Abdou Niang de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (Ucad) a relevé le manque criant d’équipements pour la prise en charge des personnes souffrant d’insuffisance rénale chronique. Au cours de cet entretien, le néphrologue a jeté la lumière sur l’innocuité du don de rein pour le donneur. Le plateau technique pour la prise en charge des insuffisances rénales chroniques n’est pas relevé. Le déficit des équipements est criant. Plus de 100 Sénégalais malades n’ont pas accès à la dialyse. « Le Sénégal ne dispose que d’un service de néphrologie équipé d’un seul centre de dialyse prenant en charge les insuffisants rénaux chroniques sur toute l’étendue du territoire. Moins de 100 Sénégalais n’ont pas accès à la dialyse », révèle le néphrologue.

Tout compte fait, le Sénégal s’achemine vers l’expérimentation de la transplantation rénale. La réalisation de cet acte chirurgical est suspendue au vote du texte par l’Assemblée nationale. « Il est important de constater aussi que les croyances religieuses majoritaires ne s’opposent pas au don d’organes au Sénégal. Il restera à éduquer, à informer les populations sur l’utilité et l’innocuité du don d’organes afin que cette culture s’implante dans notre pays », prêche le professeur.

Plusieurs études donnent des assurances pour la culture du don d’organes. Une équipe de chercheurs suédois, qui a suivi des donneurs de reins sur une période de dix ans, est arrivée à des conclusions surprenantes et rassurantes.

« Pour le donneur, une étude américaine a analysé ce risque chez 19.368 donneurs vivants et l’a chiffré à 0, 03%. D’autres études ont rapporté une mortalité nulle. Une compagnie d’assurance américaine a même estimé que le risque de décès lié à un don de rein était le même que le risque de décéder d’un accident de la voie publique au cours d’une période de 4 ans », rapporte le Pr Abdou Niang. Il ajoute : « une équipe suédoise a étudié la survie des donneurs vivants plus de 10 ans après le don et trouvé qu’ils vivaient plus longtemps que la population générale de même âge. Il est vrai que les donneurs vivants sont sélectionnés et de ce fait, constituent un groupe en meilleure santé que la population générale », informe-t-il.

Le receveur ne court pas de risque sinon le rejet d’organe que les praticiens peuvent aussi résoudre par d’autres interventions.

« Le bénéfice est total pour le receveur. Car, la greffe offre une meilleure qualité de vie. Elle est véritablement le traitement curatif de l’insuffisance rénale chronique. Le risque principal est l’échec de la greffe », fait remarquer le Pr Abdou Niang.


TRANSPLANTATION AU SENEGAL : Probabilité d’une première opération d’ici la fin de 2010

Le professeur agrégé en Néphrologie Boucar Diouf est clair. Il se garde d’avancer une nouvelle date de la réalisation de la première transplantation rénale tant souhaitée par certains malades. « Je ne veux pas donner une nouvelle date pour la transplantation rénale. Sur le plan technique, ce n’est pas un acte compliqué », a déclaré le Pr Boucar Diouf, lors de la conférence de presse tenue au Service national de l’éducation pour la santé (Sneips). Il insiste sur la sensibilisation. « Il faut faire comprendre aux populations qu’elles peuvent offrir un rein et cela ne comporte pas de danger, de même pour la récupération des reins cadavériques », estime le Pr Boucar Diouf.

Le coup de pouce des autorités est nécessaire pour accélérer la réalisation de la première greffe au Sénégal. « Les techniciens de la Santé sont absolument prêts pour réaliser la première greffe rénale au Sénégal. Il faudrait un appui logistique des autorités pour améliorer le plateau technique et acquérir certains médicaments essentiels à la pratique de cette activité de greffe », soutient le Pr Abdou Niang. Selon lui, les témoignages des malades, certains parents proches sont prêts à leur offrir un de leur rein.

1.000 à 2.000 Sénégalais auront besoin chaque année de traitement

Les taux de prévalence du diabète et de l’hypertension artérielle risquent de tirer celui des maladies rénales. Pour les spécialistes, les conditions sont réunies pour l’augmentation des personnes atteintes de maladies rénales. En réalité, les taux de prévalence du diabète et de l’hypertension prendront les courbes ascendantes.

Une bonne partie des diabétiques et des hypertendus court le risque de contracter les maladies rénales. « La prévalence du diabète est estimée à 12 millions de malades en 2010 en Afrique. Celle-ci va doubler en 2030. Au Sénégal, la prévalence, estimée entre 4 et 5 % de la population, est en augmentation constante. L’hypertension et le diabète, qui constituent les principales causes de l’insuffisance rénale chronique, connaissent la même tendance », argumente le Pr Abdou Niang de l’Ucad. Selon ce dernier, 3.000 à 6.000 Sénégalais seront atteints d’insuffisance rénale chronique. Parmi ces derniers, 1.000 à 2.000 auront besoin d’un traitement par la dialyse.

PRÉVENTION : Le code de conduite à suivre

Le régime alimentaire déséquilibré trop salé ou trop sucré est à éviter pour toute personne qui ne veut pas s’exposer aux maladies rénales telle l’insuffisance rénale chronique. « La lutte contre l’insuffisance rénale doit s’appuyer sur une politique rigoureuse de prévention. Une bonne éducation de la population permettra un changement de mode de vie par la réduction drastique de la consommation de sel, de l’huile, du sucre, moins d’intoxication tabagique et plus d’activité sportive », conseille le Pr Niang. La mise en place d’une politique cohérente de dépistage des diabétiques, des hypertendus, des femmes enceintes, offrirait, selon le néphrologue, toutes les chances de stopper la progression de la maladie vers l’insuffisance rénale terminale.



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