La célébration hier de la Journée de l'eau a servi de prétexte à
Caritas Sénégal pour poser le cas de certaines populations de Mbour et
de Fatick qui consomment une eau dangereuse. L'organisation caritative a
présenté, hier, une enquête épidémiologique faisant état de
statistiques assez révélatrices quant aux prévalences des fluoroses
dentaires et osseuses.
Célébrée hier, sur le thème de
«la qualité de l'eau», la Journée mondiale de l'eau a permis de faire le
point sur l'accessibilité du liquide précieux à travers tout le pays.
Si dans les grands centres urbains, les problèmes de la disponibilité et
de la qualité ne se posent pas avec acuité, la situation est différente
dans certaines localités de l’intérieur du Sénégal.
Face aux
autorités du ministère de la Santé et de la Prévention, de leurs
homologues de l’Urbanisme, de l’Habitat, de la Construction et de
l’Hydraulique, ainsi que des experts de la Sones et de la Sde, Mme
Rabier Cécile de l'organisation Caritas Sénégal a démontré que la
disponibilité d'une eau de qualité n'est pas encore effective sur toute
l'étendue du territoire national. Présentant une enquête épidémiologique
sur l'«impact du fluor ingéré via les eaux de boisson sur la santé des
populations de cinq communautés rurales des départements de Mbour et
Fatick», réalisée par Caritas Sénégal, Mme Rabier a indiqué que cette
recherche menée par une équipe pluridisciplinaire composée
d'universitaires a été effectuée dans les départements de Mbour et
Fatick dont la population totale fait 160 000 habitants. «Ciblant 900
personnes enquêtées dans 45 villages des communautés rurales de
Nguéniène, de Ndiaganiao, de Ndiop, de Niakhar et de Patar, l'enquête a
montré, d'après Mme Cécile, que 70% de cette population sont en contact
avec des sources d’approvisionnement en eau domestique dont les teneurs
en fluorures sont supérieures à 1,5 mg par litre, norme recommandée par
l'Organisation mondiale de la santé (l’Oms)». Pis, relève l'enquête de
Caritas, «83,6% des personnes sont touchées par la fluorose dentaire».
52,7% présentent des signes cliniques associés à une fluorose
osseuse handicapante
Le même document montre que «52,7%
présentent des signes cliniques qui pourraient être associés à une
fluorose osseuse handicapante». Un approfondissement du diagnostic
effectué sur certaines de ces personnes atteintes «révèle une teneur en
fluor dans les urines» et «la radiographie a montré des modifications de
la trame osseuse». Par exemple, a estimé Mme Rabier, 32 sur 34
personnes présentent une intoxication aiguë en fluorurie supérieure à 3
mg, et 26 sur 36 ont développé une fluorose osseuse. La même étude
informe que la fluorose osseuse concerne généralement les personnes
actives au plan économique. Ceci peut entraîner, selon Caritas Sénégal,
«conjointement au caractère invalidant de la maladie, une aggravation de
la pauvreté des populations rurales».
La banlieue de Dakar, la Médina et les Maristes en eaux troubles
Dans la banlieue de Dakar, les populations des
quartiers populaires de Thiaroye et de Pikine s'approvisionnent en eau à
partir de pompes artisanales. Au milieu de plusieurs domiciles de cette
partie de la banlieue, ces pompes font désormais partie du décor de
nombre de ménages qui assurent que l'eau qu'ils puisent directement de
la nappe phréatique sert aux tâches ménagères et non comme boisson. Pour
Cheikh Tidiane Fall, Directeur de la communication et de la coopération
de la Sde, «il n'y a pas de doute, l'eau des pompes artisanales de la
banlieue est dangereuse». L'année dernière, «le Service d'hygiène et le
ministère de la Santé et de la Prévention ont effectué des prélèvements
sur l'eau de ces pompes pour les comparer avec celle distribuée par la
Sde. Et la principale conclusion, c'est que l'eau qui est potable, c'est
celle de la Sde», révèle M. Fall, en marge des travaux de la Journée
mondiale de l'eau.
Quant à la coloration de l'eau et l'odeur
qui s'en dégage dans certains quartiers populaires de la capitale comme à
Thiaroye, aux Parcelles assainies et à la Médina, la Sde est formelle :
il n'y a pas de risque. « Le problème que nous avons, c'est qu'il y a
une partie de l'eau de la Sde que nous distribuons dans certaines zones
comme la Médina, les Maristes et la banlieue, qui provient de Pout et
qui est colorée parce qu'il y a du fer», explique le Directeur de la
communication et de la coopération de la Sde qui s'empresse de préciser :
«Quand une analyse est faite, on voit que c'est une eau qui ne présente
pas un danger pour les populations». Aujourd'hui, l'approvisionnement
de Dakar a été «nettement amélioré» par la distribution d'eau provenant
du lac de Guiers depuis 2004. C'est ainsi que certains quartiers de la
banlieue ont été déconnectés du réseau d'eau colorée pour une connexion
sur les conduites ayant leur source au lac de Guiers. «Avec la dilution,
le taux de satisfaction des personnes intéressées est passé de 45 à
90%», renseigne M. Fall.
À Dakar, l'équilibre est
précaire entre la demande et l'offre en eau
Il y a plus d'eau
disponible à travers le pays par rapport à la quantité dont les
populations ont besoin. C'est l'assurance donnée par le Directeur de la
communication et de la coopération de la Sde, Cheikh Tidiane Fall, qui
explique les «pénuries» enregistrées dans la capitale par une mauvaise
répartition géographique. Seulement, reconnaît M. Fall, malgré les
investissements ayant permis d'augmenter la capacité de production de la
Sde, à travers des usines comme Keur Momar Sarr pour faire plus ou
moins face d'ici 2015 à la demande de Dakar, «les prévisions qui sont
faites à cet horizon montrent qu'on va se retrouver dans une phase de
pénurie». Et des études sont en cours pour régler cette question, dit
notre interlocuteur : «Nous allons nous retrouver en 2015 dans une
situation tendue». Quoi qu'il en soit, défend-il, «on ne peut pas parler
de déficit à Dakar». Mais, ajoute-t-il, «on peut dire qu'actuellement,
la capacité de production permet de satisfaire la demande et qu'il y a
un équilibre précaire entre la demande et l'offre en eau, parce que
d'ici quelques années, on va se retrouver dans une situation difficile».
C'est pourquoi des solutions à mettre en oeuvre sur le court terme sont
cherchées à travers des études allant de la construction d'autres
usines, au projet de dessalement de l'eau de mer en passant par le
recours à d'autres sources, rassure le Directeur de la communication de
la Sde.
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