(Correspondance) - Quelques jours après les premiers rapatriements d’Espagne, la vie semble s’arrêter pour les dizaines de jeunes qui ont regagné Ziguinchor. Dans cette région où ils avaient un jour pris départ pour une aventure qui s’est terminée dans un océan de désillusions, ils tentent de chasser les images d’un voyage mouvementé, mais aussi d’un séjour qui s’est terminé dans la douleur en entrant dans la clandestinité. Le cas de Moustapha Wade, ce jeune ressortissant de Mbacké résume à lui seul cette parenthèse dans la vie de ces milliers de jeunes qui se sont un jour jetés à l’eau à la recherche d’un mieux-être qui s’est hélas transformé en désespoir.
C’est un 28 mai 2006 au petit matin que le jeune commerçant, domicilié à Dakar a pris le large en même temps que 171 autres passagers de différentes nationalités. Derrière lui, Moustapha laissera deux épouses et trois enfants. Une petite famille pour l’amélioration des conditions de laquelle il a pris cette difficile décision de s’embarquer dans une de ces pirogues de fortune qui bravent la mer pour les îles Canaries en Espagne. En poche, le jeune homme, né en 1977, avait un million 400 mille francs, des économies de toute une vie de travail qu’il a partagées entre ses épouses et ses frais de voyage. Pendant onze jours, le temps qu’a duré le voyage, il vivra dans l’espoir de retrouver une vie meilleure en Espagne, et cela, malgré les difficultés qui l’ont amené, à certains moments, à regretter son acte. Mais, l’Espagne, ou plutôt, les îles Canaries étaient enfin là. Pendant deux mois, Moustapha a vécu dans ce milieu avec le sentiment d’avoir réussi son pari. Un sentiment qu’il gardera jusque dans l’avion qui le ramenait au Sénégal. ‘On nous avait dit qu’on nous amenait à Madrid’, raconte-t-il, la mort dans l’âme. Mais avec l’atterrissage de l’avion sur le tarmac de l’aéroport de Saint Louis, l’espoir de ces centaines de jeunes s’envolait. Ce que certains craignaient déjà venait de se produire : le rapatriement. Le jeune commerçant de 29 ans débarque d’abord à Dakar, le temps de réfléchir sur son avenir immédiat. Il décida finalement de regagner Ziguinchor. Un choix qui trouve sa justification dans la volonté de Moustapha Wade d’aller loin de chez lui. ‘Je ne pouvais rester à Dakar, encore moins à Mbacké ou à Touba où réside ma famille’. Pour lui, il n’est pas question que ses parents sachent qu’il a été rapatrié d’Espagne.
‘Je préfère vivre pour le moment loin de mes parents. Je ne veux même pas qu’ils soient informés de ce qui m’est arrivé’. Pour ce faire, le jeune homme a trouvé refuge à Ziguinchor où il vit dans la clandestinité. ‘Ici, je n’ai pas de parent. Je n’ai qu’un ami qui m’aide moralement et financièrement à surmonter mes difficultés’, révèle-t-il. Dans cette ville où il avait pris départ le 28 mai dernier, Moustapha ne cesse de regarder dans le rétroviseur, comme pour effacer de sa vie cette mésaventure. Comme lui, beaucoup d’ex-émigrés clandestins préfèrent vivre loin des regards indiscrets en choisissant d’aller vivre, pour le moment en tout cas, ailleurs que chez eux. Peut-être le temps de retourner en Espagne, car, certains n’écartent pas la possibilité de retourner dans les îles Canaries. Ils guetteraient même la moindre occasion pour retourner sur leurs pas comme l’a promis d’ailleurs Moustapha Wade. ‘Je n’ai plus rien à perdre. Je vais tout faire pour retourner en Espagne parce que j’ai déjà tout perdu’, dit-il. Ce sentiment traduit, en fait, l’état d’âme de la plupart des ex-émigrés clandestins qui ne semblent pas prêts à abandonner la partie.
0 Commentaires
Participer à la Discussion