RAPATRIEMENT - Une soixantaine de Sénégalais ramenés d’Espagne : Air clandestin atterrit à Saint-Louis

L’un des deux appareils, qui devaient décoller de l’aéroport canarien de Fuerteventura, a atterri hier à l’aérodrome de Saint-Louis. A son bord, cinquante jeunes Sénégalais ramenés de force au pays par des policiers espagnols et des éléments de la Dic qui avaient fait le déplacement dans les îles Canaries pour identifier leurs concitoyens. Un autre vol est attendu cet après-midi pour un rapatriement dans les mêmes conditions.

Le premier acte du troc entre le Sénégal et l’Espagne a été signé hier. Loin des yeux indiscrets. A Saint-Louis. La vieille cité a accueilli hier à 19 heures soixante jeunes Sénégalais rapatriés par un vol charter de Aire Europa. Ces émigrés clandestins ont été ramenés par cinquante policiers espagnols et les éléments de la Division des investigations criminelles (Dic) du Sénégal qui avaient fait le déplacement pour identifier ces «indésirables». A l’arrivée, à l’aérodrome de Saint-Louis qui était hier quadrillé par les forces de l’ordre, ils étaient accueillis par le commandant de zone, les responsables de la gendarmerie et le gouverneur de la région, Ass Sogoufara, qui n’a pas manqué de saluer le courage de ces jeunes téméraires. Aussi, le gouverneur de Saint-Louis, en bon représentant du chef de l’Etat n’a pas manqué de souligner aux Espagnols que le Sénégal a respecté ses engagements et n’attend pas moins de la part de l’Espagne.

Et après les encouragements, chacun de ces jeunes rapatriés a reçu un sandwich et 10 000 francs Cfa pour le retour à leurs régions respectives, c’est-à-dire Thiès, Tamba, Kaolack, Diourbel, etc. Pour la majorité de ces clandestins, qui avaient embarqué à partir de Kayar ou Mbour.

Par ailleurs, ces jeunes rapatriés déplorent le traitement dont ils ont fait l’objet. «Nous avons fait sept jours en mer. C’est au huitième jour que nous somme arrivé à Teneriffe, sur place nous avons été jugé et emprisonné pendant quarante jours» raconte Talibou Sylla ressortissant de Missirah. Aussi, confient-ils, de Las Palmas à Saint Louis, ils ont été menottés. Cinquante autres Sénégalais risquent de connaître le même sort aujourd’hui, car un autre vol est attendu cette après-midi à 14 heures 30.

Pourtant hier, ces vols, avec à bord de chaque avion, «cinquante clandestins gardés par 80 policiers», devaient être annulés à la dernière minute, sur décision du Président Abdoulaye Wade. Selon le quotidien national espagnol El Païs qui a livré l’information, cette décision présidentielle était motivée par le fait que des «aéroports secondaires» comme Saint-Louis ne remplissent pas les conditions nocturnes adaptées. Une explication servie par le ministre espagnol des Affaires extérieures, Miguel Angel Moratinos. En visite, mercredi à Bruxelles, M. Moratinos invoquait des problèmes techniques pour justifier ce report.

En fait, l’arrivée des deux avions était prévue dans les premières heures de la matinée d’hier. Mais, M. Moratinos a assuré que «ces vols seront menés comme le veulent les autorités sénégalaises». Toutefois, poursuit El Païs, le Président du Sénégal a rejeté, mercredi, avoir autorisé l’atterrissage des deux avions.

Quoi qu’il en soit, note le journal espagnol, «plusieurs agents sénégalais travaillent aux Canaries à identifier 10 000 immigrés qui se trouvent dans le centre de retenue de l’archipel». Auparavant, seuls 2 000 ont été identifiés.

Il faut dire que la suspension de ces vols n’était pas du goût des autorités ibériques qui avaient l’occasion, selon le porte-parole des îles Canaries, Manuel Pardellas, de résoudre, en grande partie, la question. Ces retours aussi difficiles que leurs conditions de séjour dans les camps espagnols ne découragent point les candidats à l’émigration clandestine. Hier, ce sont 259 émigrants qui sont arrivés dans les Canaries dont deux femmes et 16 mineurs, un enfant de quatre ans. Ils sont tous des Sénégalais apprend-on dans les colonnes de El Païs. Alors qu’en début de semaine le secrétaire d’Etat aux affaires extérieures espagnol, Bernardino Leon en visite éclair à Dakar, avait promis une enveloppe de 13 milliards en guise de soutien au plan Reva (Retour vers l’agriculture), histoire d’encourager la jeunesse sénégalaise à rester au Sénégal.