Mercredi 24 Avril, 2024 á Dakar
Vendredi 01 Juin, 2018 +33
Societe

Rebeuss, un quartier- village au cœur du Plateau des origines

Single Post
Rebeuss, un quartier- village au cœur du Plateau des origines

Le quartier de Rebeuss était une cité hybride au flanc immédiat du Dakar des affaires et de ce qui reste du Plateau historique, dont il était une partie intégrante avant d’en être déconnecté à la faveur d’une paupérisation devenue endémique de ces milliers d’âmes qui y ont trouvé refuge. Cette conurbanisation qui défie toutes les normes urbanistiques modernes est un Sénégal en miniature. Le creuset d’une confluence socio-ethnique et réceptacle bigarré, mais riche de toutes les influences portées par les diversités dont Reubeuss est le lieu de convergence. 

 

Espace de tri social aujourd’hui en butte à une ghettoïsation forcée qu’il a dû accepter comme dans un reflexe collectif de survie, Rebeuss est, comme sa jumelle, la populeuse Médina tout juste contiguë, un monde singulier d’où des destins émergent avant d’irradier vers d’autres lieux de vie.  Mais la particularité de Rebeuss, c’est que ses enfants gardent, quoiqu’il advienne, ce qu’ils en ont en commun et qui tient à un fait qu’ils savent et partagent : ils ont été tous pétris dans ce même moule multiculturel fait d’une urbanité et d’un tempérament particuliers qui est la marque de fabrique du Boy Rebeuss…

 

Par canaux et par drains

Dakar et d’autres localités de l’intérieur du pays ont vécu, le week-end dernier, des inondations catastrophiques causées par des pluies diluviennes. Des morts et des blessés ont également été enregistrés. Le plan Orsec a immédiatement été déclenché par l’Etat pour le pompage des eaux et une formidable chaîne de solidarité est mise en place pour venir au secours des sinistrés. Depuis hier, les principaux axes de circulation ont été dégagés de l’emprise des eaux, mais les immenses dégâts matériels subis par les populations sont là pour prouver que la solution des motopompes ne peut qu’être conjoncturelle et d’appoint. Ce n’est pas la première fois, ces dernières années, que la capitale ou d’autres villes subit des inondations. Mais on est toujours frappé par l’absence de mesures qui permettent d’y apporter des solutions définitives. Les inondations sont un phénomène universel car elles touchent tous les pays, riches ou pauvres. A cet effet, on se rappelle les ravages de la tempête Katrina à la Nouvelle-Orléans (Etats-Unis) en août 2005. Toutefois, ce qui est important c’est de faire en sorte qu’à chaque fois qu’elles interviennent, que leurs effets négatifs soient minorés. C’est pourquoi pour rompre avec ces images de populations excédées nageant dans les eaux, il faut que l’Etat lance un vaste programme (créateur en même temps d’emplois) de construction de canaux dans  les zones les plus exposées afin de permettre l’évacuation des eaux vers la mer. Cela est d’autant plus urgent que les prévisions des météorologues parlent de retour de la pluviosité dans le Sahel.

Pourtant, force est de reconnaître que la pluie seule n’est pas la cause de ce qui est arrivé, si douloureux soit-il. Il existe de par le monde, des villes situées sous des latitudes plus pluvieuses et qui ne connaissent pas d’inondations. C’est dire que quelque part, il y a le fait de l’homme. Notre capitale a connu une urbanisation galopante, mais sans véritable plan d’urbanisme. L’Etat, dans le passé, a laissé les populations s’installer partout jusque dans les zones non aedificandi qui peuvent même être d’anciens marigots, alors que son devoir était de veiller au respect strict des règles d’urbanisme. Ces implantations humaines n’ont pas été également accompagnées le plus souvent par des ouvrages de drainage des eaux de pluies. Pire, certaines voies d’écoulement de ces eaux ont été obstruées par des ouvrages publics ou des maisons privées. La conséquence est que l’eau ne pouvant s’écouler naturellement, finit par envahir les maisons. Aujourd’hui dans certaines zones, la seule solution est le déguerpissement des habitants car aucun ouvrage ne peut les mettre véritablement à l’abri en cas de grosse pluie. 

Cependant l’Etat a beau apporter des solutions comme la réalisation de canaux, si l’incivisme des populations réduit tout cela à néant, on reviendra à la case de départ. On en veut pour preuve tous ces canaux, toutes ces bouches d’évacuation remplis d’ordures. Par exemple à Grand-Yoff, regardons dans quel état se trouve le canal qui longe le marché ! Un peu partout dans la ville, les plaques des avaloirs ont été arrachées par des voleurs qui ne voient que l’appât immédiat du gain, sans savoir que tout cela peut leur retomber un jour sur la tête.

Les responsabilités sont donc partagées, même si dans l’urgence il faut d’abord sécuriser les sinistrés. A l’avenir, il faudra penser à désencombrer Dakar, cette presqu’île qui peut se transformer en une gigantesque nasse en cas de danger majeur. Nous ne pouvons pas mettre tous nos œufs, c’est-à-dire toute notre richesse nationale, en seul endroit. Laisser perdurer cette situation relève d’une absence d’appréciation stratégique.

 

•  Par Ibrahima MBODJ

 

Instantané d'un patelin rebelle : Rebeuss ou le legs politique de ce que fut le « Quartier latin » de Dakar

Rebeuss a été, le temps de la campagne électorale passée, avec ces foules politiciennes venues à sa conquête, l’épicentre, malgré lui,  des adversités qui s’étaient faits jour dans ce pays et dont l’issue s’est soldée par la défaite du camp libéral et l’avènement de la deuxième alternance politique au Sénégal. S’il en a été ainsi,  c’est parce que Rebeuss n’est pas un quartier comme les autres. Il a vu naître ou grandir de figures illustres du pays qui ont pour nom : Habib Thiam, ancien Premier ministre, Lamine Diack,  actuel président de I’instance supérieure de l’athlétisme mondial, l’architecte de renom  Pierre Goudiaby  « Atepa », la famille de Ibra Kassé du « Miami » historique, temple de la salsa à la sauce sénégalaise ou encore Ousmane Sow le sculpteur des géants  Nuba et de « la bataille de Little Big Horn », entre autres.

Sous l’immense panneau publicitaire long de près d’une demi-centaine de mètres et qui porte l’effigie, en poster plus géant que de raison du candidat-président et les messages des thèmes-phares de sa campagne électorale menée tambour battant, au pas de charge et à coups de millions et de millions de nos francs, des jeunes gaillards bien baraqués, veillent au grain. A leurs pieds et à côté du feu de bois sur lequel bout la théière, trainent quelques gourdins et machettes. Mais aussi des objets contondants et autres armes blanches rouillées par les âges mais dont ils savent se servir avec dextérité. 

 Au même moment, un peu plus en bas, sous les falaises qui s’ouvrent sur l’immensité océane, d’autres oisifs qui ont trouvé aubaine en la campagne,  grillent  cigarettes et pétards sur pétards. Elle est très stricte la consigne qui avait été donnée à ce lumpenprolétariat des banlieues dakaroises venu, contre quelques appuis et promesses qui leur permettraient de sublimer  leur misère et espérer d’un meilleur lendemain, monnayer leurs muscles et leur art rompu à la  castagne. Il ne fallait surtout pas que s’approchent des lieux des gosses turbulents, venus de Reubeuss de l’autre côté de la « plus belle corniche d’Afrique » qui risqueraient de vandaliser l’affiche et enfreindre la portée du message. 

 Dans ce qui reste de Reubeuss intra-muros, d’autres loubards, mus par le même appât du gain, veillent à la devanture de quelques maisons. Celles de leaders politiques du patelin impliqués, au premier chef, pour le triomphe de leur candidat, dans cette guérilla larvée dont Reubeuss, le quartier derrière les hautes murailles de l’éponyme citadelle du  silence où croupit ce que le Sénégal et d’autres pays du continent et d’ailleurs comptent de gros caïds et de truands. Mais sans doute aussi, d’innocences meurtries et incarcérées qui n’auront fauté que pour avoir eu le malheur d’avoir été prises et déférées lors des émeutes nombreuses durant ces jours de profonde crispation politique lors des affrontements avec les forces de l’ordre. 

Nous étions au soir d’un de ces jours, parmi ces folles journées qui ont vu Reubeuss et le tout Dakar, parfois de nombreuses bourgades et hameaux de l’hinterland sénégalais, basculer dans des scènes inédites de violence. Ce jour là, il y a eu des échauffourées dans le quartier. 

Trois ou quatre jours précédents, un dirigeant d’un grand parti en lice dans la compétition électorale avait été attaqué par des nervis dans les rues populeuses de Reubeuss au moment où son cortège était venu, comme d’autres, à la pêche des voix. 

Un autre jour où l’atmosphère délétère et la tension sociale semblaient avoir baissé d’un cran, après qu’eurent fini de tonner les bombes lacrymos et que la meute se fut éclipsée entre les rues de Belfort, Mangin, Dial Diop et autres Grasland, un autre candidat aux moyens de campagne plus fournis est venu parler aux gens de Reubeuss. Sa promesse de ce jour tient à ce que d’aucuns ont beau jeu de considérer comme le slogan d’un jour : « Faire de Reubeuss un Manhattan ».C'est-à-dire de ce luxueux quartier new yorkais des grosses affaires et de la finance mondiale où les gratte ciel toisent les cieux.  Une seule condition exigée pour que ce rêve (fou ?) devienne réalité par sa volonté promise : que les Reubeussois votent en masse pour lui. Reubeuss vota  mais le sort en était déjà scellé par les urnes.

 

Un creuset d’influences plurielles

Reubeuss…  Quand on  nait dans ce patelin, on a mille chances d’être polyglotte avant l’âge. Mais, épiphénomène de ce brassage culturel source de cet enrichissement que seul sait créer le véritable « melting-pot » comme celui qui est vécu dans ce quartier-village, à Reubeuss, pour peu que l’on soit un peu doué et que les parents vous en laissent la possibilité, sans évoquer les tabous que l’on connait, on peut jouer à la guitare ou taper du « Assiko ». C'est-à-dire de la percussion en bandes mixtes chantant et battant sur ces peaux tannées que connaissent bien les habitués des stades et terrains de navétanes où la turbulente mais non moins brillante équipe de football du Xandalu de Reubeuss a imposé, des années durant, sa loi, sur les aires de jeu. Mais sans doute aussi en dehors de celles-ci…

Un bon Boy Reubeuss peut allégrement, à 15 ans, vous parler le Peul du Fouta, le Seereer Safi de la côte ou sa variante du Baol et des terres plus hautes de l’hinterland sénégalais, le Malinké du Mandé éternel. Mais aussi et sans doute et cela en fonction de l’ampleur et la configuration démographique de la concession où cet enfant vit avec ses parents le soussou de Guinée forestière, le wolof des villes ou le lébou des villages traditionnels de la presqu’île ou encore le Créole de Bissau et le pidgin « portuguese » des Cap-Verdiens dont le quartier-village de Reubeus a été le premier point de chute. Avant qu’à la faveur de la création des Sicap (logements à habitat modéré créé par le régime senghorien pour loger les fonctionnaires sénégalais devant former la classe moyenne émergente du pays post-indépendant), ils n’y aient migré vers d’autres lieux de vie comme les Sicap Baobab et autres Karack et Amitié où cette communauté à pignon sur rue. Mais dont les plus anciens parmi eux gardent jalousement encore leurs attaches reubeussoises.

 

Un milieu en osmose parfaite avec ses filles et fils : Dans les arrières-cours, se réfugiaient les praticiens de la guérilla maoïste

On peut être, à Rebeuss, un sportif éclectique. Tantôt athlète, tantôt footballeur ou hand-balleur ou  champion nageur. Car la plage de Koussoum contiguë  était, pour tous, plus qu’une piscine à ciel ouvert,  mais une école de vie où on peut apprendre en donnant aux autres et en apprenant en retour d’eux. Garang Coulibaly ne dira pas le contraire, lui l’homme poly-dimensionnel, le sportif accompli qui intervient dans les émissions de salsa, qui sait gratter à la guitare et jouer du saxo. Lui aussi qui, comme Lamine Diack ou  Habib Thiam, tous deux anciens ministres sous Senghor, a été brillant sportif, coach et manager hors pair de sport sur l’international.

Pour ne pas être trop exhaustif on peut citer quelques noms, tous des Boys Reubeus, sortis de ce moule et creuset fécond de créativités généreuses. Celui que l’on peut considérer comme le clone et frère siamois de Lamine Diack,  Habib Thiam, ancien premier ministre et ancien champion de France d’athlétisme, ancien énarque  et ami intime comme Lamine Diack de Abdou Diouf l’ancien Président de la République est un enfant de…Reubeuss. C'est-à-dire de ce quartier qui comptait le plus grand nombre de salles de spectacles (Miami le légendaire temple pour ne citer que celle-là), mais aussi des salles de cinéma au kilomètre carré (Corona, Empire, Alaambara devenu El Malick sans compter Roxy et Médine juste quelques rues après dans la Médina).  Mais  Reubeuss, c’est aussi le quartier qui  s’était imposé comme le  Quartier latin de  Dakar. Ceci pour l’effervescence intellectuelle qui s’y était créé autour de grands foyers d’idées. C’est à Reubeuss où se trouvait la  mythique Librairie « Xamle », la sœur jumelle de la librairie « Sankore » de  Pathé  Diagne, disciple et compagnon de feu le Pr Cheikh Anta Diop qui tous les deux fréquentaient cet abreuvoir intellectuel. Lequel est devenu, par la force des choses, le point de convergence de ce que ce pays et les élites intellectuelles africaines venues d’autres pays comptaient de militants de la gauche historique parmi lesquels ces marxistes d’obédience maoïstes, militants « caadaistes ». C’est-à-dire des recrues du mouvement affilié à la révolution culturelle prolétarienne que connaît bien notre confrère Moussa Paye. Tous des militants condamnés à la clandestinité pour leur farouche opposition à la politique de  cet autre homme de culture qu’était Senghor. Les arrières cours des maisons de Reubeuss servant, à l’époque, de refuge et de lieux à partir desquels ces adeptes de Gramsci et praticiens de la théorie de la guérilla maoïste de « l’encerclement des villes à partir des campagnes », menaient nuitamment leur combat politique.

Le sculpteur de l’Universel, auteur de « La bataille de Little Big horn » et des  figures géantes de Massai des Nuba et ses ancêtres Peuls qui lui ressemblent le grand Ousmane Sow est aussi un enfant de Rebeuss. Tout comme son compatriote et autre figure célèbre des arts et des affaires l’architecte Pierre Goudiaby Atepa qui, quoique né en  Casamance, a vécu enfant entre la Médina et ce quartier

 Reubeuss a aussi adopté un certain Laba Socé. Le salséro planétaire est venue y terminer sa triste fin de vie dans une lugubre maison de ce Reubeuss auquel était viscéralement attaché cet artiste hors pair. Celui-là même qui a fait les beaux jours du « Super star » des Dexter  Johnson et le « Star Band » des Amara  Touré. Et qui, par le « Miami » de  Reubeuus où d’autres dont les Abdoulaye Mboup, Thione Seck et un certain Youssou  Ndour ont fait leur classe, a entamé son odyssée à travers le globe avec Abidjan des années de lumière comme étape avant et après New York aux côtés de ces autres mohicans latinos de la musique cubaine que sont  Johnny Pacheco, Eddie Palmieiri et les « Fania All stars ». Laba, le rossignol à la voix de bronze, comme son ami, feu notre confrère  Sambou Cissé brillant journaliste et philosophe généreux de la fange féconde, est au même titre qu’un certain Bouba Chinois, un des icônes de Reubeuss.

  Le quartier de  Lamine Diack, c’est aussi ces figures historiques plus controversées, mi caïds, mi-justiciers, des sortes de Robins des bois  au charisme et à la notoriété forgés dans l’adversité des rues et nuits chaudes de cette cité-village  et qui, dans le sillage de leur mentor légendaire « Yaadikoon » n’ont pas bravé l’autorité, à leurs corps défendant, pour la défense des causes des plus faibles dont ils se sont fait les chantres. 

Des figures de légendes dont les  Garang  Coulibaly, Lamine Diack,  Habib Thiam ou encore Yatma  Diop, le célébrissime buteur de l’équipe nationale de football et symbole vivant de l’odyssée d’Asmara des années 66 qui en ont côtoyé bon nombre étant enfant. Mais dont  Diack sait aussi qu’ils sont avant tout des symboles. Les symboles de ces « Mozart assassinées », c'est-à-dire de ces génies écrasés et  talents éteints par la volonté des choses.

 


Lamine DIACK, ancien ministre et président de l’IAAF : Le sprint singulier d’un enfant de Rebeuss monté sur le toit du monde

Si Rebeuss s’était invité, malgré lui,  dans la campagne électorale qui battait son plein en ces jours encore frisquets du mois de février 2012, ce n’est pas pour une kyrielle de raisons. Mais, seulement pour deux ou trois : ce que représente d’abord Rebeuss et ce qu’y représente un de ses fils, Lamine Diack. La seule évocation de son nom, associé, pendant un temps à une candidature à la présidentielle, a suscité des frayeurs justifiées ou non dans les états majors respectifs des différents camps en concurrence sur l’échiquier électoral.

Reubeuss c’est la somme de tous ces apports que des Sénégalais, venus des quatre coins de ce pays, y ont donné, mais aussi ce qui ont fait confluer d’autres femmes et hommes issus de diasporas de toutes les communautés du monde représentées à Dakar, et dont la rencontre a donné naissance à cet esprit de combativité et de loyauté à son appartenance et à ses origines. C'est-à-dire de ce « jom», vertu reubeusienne par essence et avatar localisé de ce « fighting spirit »  qui a prédisposé le jeune natif de Reubeuss qu’est Lamine Diack à cette trajectoire singulière qui a été la sienne. Un champion, en tout et partout, dont il est difficile de retracer les parcours élogieux sans donner l’impression de verser dans le panégyrique et le dithyrambe. A preuve, notre jeune consœur Boly Bâ en a eu pour sa propre gouverne. Elle a été témoin d’une cérémonie de graduation de la seconde cohorte sortie du Master en management du sport délivré par la Faculté des sciences juridiques et politiques de l’Université Cheikh Anta Diop où, pourtant, Lamine Diack, le parrain, n’était venu humblement, comme il l’est dans sa vie de champion, porter un message sur « l’organisation et la gestion d’une structure internationale ». C’était le grand amphithéâtre du Cesag, en un après-midi de Décembre 2011. 

  Ce que la journaliste Boly Bâ raconte dans son compte rendu de l’événement est un instantané des relations d’osmose entre l’ancien athlète devenu patron de l’athlétisme mondial et son milieu d’origine. Mais aussi un condensé des trajectoires plurielles d’un sprinter qui a su glaner sur plusieurs registres des lauriers nombreux sur son long marathon de l’excellence mais qui a su rester, malgré tout, un boy Reubeuss au milieu des siens. Un homme du peuple que n’eurent guère, et pas une seule fois, grisé les mille et une victoires au bout de ses courses à succès.  « L’assistance est sublimée par cet homme exceptionnel » qui a traversé les âges sans fléchir. Un homme de convictions. Un sportif humble et fidèle. Des valeurs en voie de disparition, mais qui continuent d’escorter le personnage. A 76 ans, Lamine Diack a fini d’être un modèle mondial et une référence nationale. Le portrait dressé par ses jeunes compatriotes contraste avec les figures qui s’imposent sur la scène politique et sportive sénégalaise, et qui n’ont pour seule préoccupation que de servir la Nation ! Lui a hissé haut le drapeau national et a honoré sa patrie. Champion de France universitaire en 1955, footballeur talentueux, coach de la fameuse équipe d’Asmara 1968. Mais, relève-t-il : « Je n’ai jamais rien gagné en football. Je n’ai pas de palmarès et je ne regrette rien ».

 

Homme du présent et de l’avenir

Le public reste cependant admiratif et lui réserve un standing ovation pour l’introduire et le raccompagner à la fin de son speech. Dans un discours digeste, où les anecdotes ont teinté l’après-midi au relent épique, Lamine Diack reste un sportif. Pendant plus de 20 minutes, il se tient droit au prétoire pour répondre aux différentes questions. Revisiter l’histoire de l’athlétisme mondial, son dada, le dopage et le professionnalisme, ses combats. Son cours magistral est ponctué d’éloges. Le hors sujet fut plébiscité par les professeurs d’université. Le recteur de l’Ucad à l’époque, Abdou Salam Sall, a donné l’exemple. A son image, des sommités universitaires tombent dans l’hagiographie et se prosternent devant sa compétence. Cette belle envolée lyrique d’Isaac Yankhoba Ndiaye « Jacob », professeur de droit civil et modérateur du deuxième mercredi du Master en droit du sport, résume la trajectoire exceptionnelle de cet homme presque hors norme : « Homme du présent et de l’avenir après avoir marqué le passé ». Il est normal alors que le jury lui accorde une mention excellente. Ndiaw Diouf, le doyen, élève de cet ancien étudiant de la Faculté de droit au rang de parrain honoraire de ladite faculté pour avoir décroché le titre de champion de France de saut en longueur sous les couleurs de cette dite faculté. » L’esprit « Boy Reubeuss » est, pour beaucoup, dans ce qui a permis de forger ce charisme propre à l’homme qui fait de lui le premier africain de France médaillé olympique. Mais cela fait aussi que cette personnalité exerce encore cette fascination à subjuguer les foules, des décennies après qu’il arpente les plus somptueux stades du monde et les renommées arènes de l’olympisme international. Cette fois-ci, non plus en s’élançant comme un bolide des « starting blog » mais en surplombant de sa haute et svelte stature que toise sa belle canitie, crinière argenté du vieux lion qui est demeuré, les pistes et tartans, pour  venir remettre, à la fin des prestations de ses ouailles et dignes épigones, c'est-à-dire des athlètes sur les toits du monde, leur auréole et colliers d’or. 

 Pour  Lamine Diack, Reubeuss regorge de ressources humaines de qualité qui auraient connu des destins plus radieux si la chance leur était donné de faire éclore leurs dons innés au moyen de ce que le natif de Reubeuss, devenu président de Iaaf, a fait son sacerdoce. C'est-à-dire du sport en général et de l’athlétisme en particulier dont il a réussi à convaincre le monde des vertus émancipatrices. 

 « L’une de mes principales missions a toujours été de transformer l’athlétisme au point qu’il fasse partie intégrante de la vie des jeunes enfants », affirme avec force conviction Lamine, pour qui « l’athlétisme qui est le sport fondamental qui forme les enfants de manière complète et équilibrée et permet leur épanouissement dont la presque totalité des activités physiques devrait être intégrée au programme d’instruction de l’enfant, au même titre que les mathématiques, la science et les langues. »

 

Ces tours jumelles sur le site du stade Assane Diouf, les évenements du 23 juin…

Un beau matin, les Reubeussois se sont réveillés et ont vu des bulldozers démolir et raser les tribunes du stade Assane Diouf. Au moment même, des ouvriers chinois entamaient, sur ce qui était le gazon de l’aire du jeu, des excavations devant porter les fondations de ce qui était irrémédiablement parti pour devenir la charpente des deux tours géantes calquées sur le modèle des défuntes  «Twin towers » de New-York.

La riposte fut instantanée et la résistance s’organisera. Une bien longue  première mi-temps. Malgré l’omniprésence des forces de l’ordre sur le site. Lamine Diack, tout naturellement, était désigné par certaines franges du pouvoir comme à l’origine, au devant de cette levée de boucliers qui s’organisera autour d’une structure de combat dénommée « Collectif Sanchez »…Les rapports de force vont peser malheureusement à leur détriment et de guerre lasse « Kawsara » (du nom du complexe et centre d’affaires qu’abriteraient les deux tours) triomphera pour cette mi-temps. Reubeuss reste stoïque, mais n’abdique point.

Pour nombre de natifs de ce quartier, plus qu’un simple combat citoyen auquel il fallait donner une réponse prompte et énergique à la mesure de l’affront que cela représentait, la décision de l’ancien gouvernement d’édifier un centre d’affaires sur les décombres de ce lieu mythique qu’est le stade Assane Diouf a été une occasion, pour eux, de démontrer autre chose. Prouver à la face du monde qu’il existe bien un esprit « Boy Reubeuss ». Ils le disent allégrement durant ce combat, le Boy Reubeuss se sait leader-né, ne se réalise et ne fait rien que dans la pleine conscience de son quasi statut d’investi. Etre premier, toujours et partout, et comme pour signifier la force première de ce qu’il doit comme legs, à ce bout de terre, symbole de cette diversité riche de tous les apports.

 C’était un épisode comme cet autre qui n’est pas moins important. Celui qui a vu Reubeuss et son idole de fils se propulser au-devant de cette scène politique sénégalaise viciée par une crispation des positions adverses est consécutif à l’héroïque descente du peuple à la place Soweto qui abrite l’Assemblée nationale où, en ce jour légendaire du 23 juin 2011, les mandants demandèrent aux parlementaires qui portaient leur mandat de lui restituer sa volonté violée. Ce jour du 23 juin est rentré dans l’histoire, où suite aux violentes altercations avec les forces de l’ordre et les émeutes qui en ont suivi, il y a eu ce déclic du long combat-marathon qui a abouti à la chute du régime d’Abdoulaye Wade. Lamine Diack était ce jour-là à Lomé, capitale du Togo. Il rapplique dare-dare sur Dakar et veut dire ses vertes vérités au président d’alors. 

 Le reporter du quotidien dakarois « Sud » rapporte : « Le président Wade ne veut rien entendre au sujet du pays qui brûle. Enfermé dans sa tour d’ivoire, le chef de l’Etat sénégalais n’entend jamais renoncer. Hier, il n’a pas voulu écouter Lamine Diack, le président de la Fédération internationale des associations d’athlétisme (Iaaf) qu’il a reçu lors d’une audience expéditive. Le président Diack était pourtant venu le sensibiliser sur la gravité de la situation et la nécessité de prendre des initiatives hardies à la mesure du contexte. C’est de Lomé, où il se trouvait, que le patron de l’athlétisme mondial suivait, inquiet, les événements des deux folles journées des 27 et 28 juin derniers avec les émeutes de l’électricité qui avaient embrasé la quasi-totalité du pays. Dans la suite de la journée du 23 juin, lors de laquelle, toujours à l’étranger, il avait appelé les radios pour manifester son adhésion à la lutte contre le projet de loi controversé. Diack qui estime ne pouvoir rester les bras croisés devant les périls qui s’annonçaient, décide alors de différer son retour sur la France prévu hier soir, afin de faire le déplacement à Dakar ». « Non, il faut faire quelque chose, je ne peux pas laisser le pays dans cette situation », dit-il à ses proches, en soulignant que les « gens qui disent au président que tout ceci est un épiphénomène, ça va passer, se trompent ou le trompent ».

 

•  Une enquête de Moustapha SENE



11 Commentaires

  1. Auteur

    Zoom

    En Août, 2012 (19:30 PM)
    Un plaisir a vous lire, meme si le passage sur Diack a quand meme un peu servi votre crainte a en faire une envolee lyrique et dithyrambique! Le passage et un peu long, ca aurait vraiment servi dans un livre sur Rebeuss; mais pour un article de cet acabit il fallait juste en faire un synopsis. Mais dans l' ensemble c' est un tres bon article. Merci!
    Top Banner
  2. Auteur

    Une Belle Plume

    En Août, 2012 (21:04 PM)
    A lire ce texte, on sait que ce pays regorge de talents qui allient l'approche interdisciplinaire, la rigueur de la demarche et la prose... Malheureusement les pouvoirs que nous avons connus et que nous connaissons preferent s'entourer de "conseillers" superficiels manquant de vue holistique et de rigueur
    {comment_ads}
    Auteur

    Gayis

    En Août, 2012 (21:29 PM)
    GAYIS, comprenez aussi que Reubeuss était le premier quartier indigène de DAKAR
    {comment_ads}
    Auteur

    Waru

    En Août, 2012 (21:34 PM)
    sa waye deeg ngeen faranse dee

    xannaa deggee ngenn nii wolof ?

    da may laac rek. :sn: 
    {comment_ads}
    Auteur

    Oubli

    En Août, 2012 (21:49 PM)
    félicitations! mais vous avez oublié omar daff qui est un rebeussois d'adoption, sa famille a vécu à rebeuss pendant des années avant qu'elle ne déménage aux almadies.

    Top Banner
    Auteur

    Xandalou

    En Août, 2012 (00:31 AM)
    Xandalou,koul la benn yallah na deh, ha ha ha sisekko yeugueul :up: 
    {comment_ads}
    Auteur

    Joobajubba

    En Août, 2012 (09:20 AM)
    C'est un plaisir d'avoir lu cet article sur Rebeuss, le quartier où je suis né... Malgré sa longueur, malgré les thèmes les plus variés abordés, il restera toujours à dire sur Rebeuss... Quelques omissions de poids quand même: Papa Gallo THIAM, champion de France de saut en hauteur, Sadibou Ndiaye, commissaire de police suicidé; des lieux emblématiques: le camp militaire avec des centaines de milliers de soldats, en partance ou de retour du front, avec les infrastructures stratégiques telle: Kër Laxas, le plus vaste camp de prostituées maures pour les bidasses juste accolé à la maison d'un grand marabout: les Diaby... Bien sûr, on sent le melting-pot entre wolof, ndiago, purtugès et un quartier animé 24h/24... Quand ma famille a quitté ce quartier pour des lieux plus salubres, il m'a été difficile, très difficile de m'y faire... Merci d'être revenu sur mon royaume d'enfance  <img src="https://images.seneweb.com/content/seneweb/generic/images/smileys/jumpy.gif" alt=":jumpy:">  
    {comment_ads}
    Auteur

    Delgado

    En Août, 2012 (11:41 AM)
    né a rebeuss et presque grandi, le quartier me manque tt le temps.
    {comment_ads}
    Auteur

    Boys Rebeuss

    En Août, 2012 (13:55 PM)
    C'est très bien , Merci de noter qu'il n'y a pas agressions comme les autres quartiers , et les anciens de reubeuss n'ont jamais étais en prison malgré la prison est à REUBEUSS ,

    VOUS AVAIS OUBLIE AUSSI DE NOMME LES BRILLANTS CHEFS DE QUARTIER QUI ON FAIS TRAVAILLE REMARQUABLEMENT POUR CE QUARTIER .

    Les rebeussois savent nagé,dancé,thioki ,football . MAIS PAS VOLE



    Niou gui gnibi hé hé Rosa .
    Top Banner
    Auteur

    Tavarés Alberto ((don Bétou)

    En Août, 2012 (14:01 PM)
    OH là Trés chers fréres, dans vos commentaires vous oubliez beaucoup de vrais Reubeussois, il est vrai que vous ne pouvez pas mentionner tous le Monde, mais tout de même parler de Reubeuss sans citer ceux là c'est impossible; car avec ceux là ce n'est pas l'image d'égradante que vous lui donnez, car dans ce quartier il y a toujours eu de la Joie et du Bonheur avec lnos moyens, Reubeus à toujours eu de grands comme de petits sportifs trés doués, je cite; Joseph Mendés, Farah Gomis, Adrien Gomis (grands stratéges de la jeanne d'arc), les grands Artistes tels que Maguaye Niang et son frére Prospert, Blanc Blanc, Amath Thiam, Plinthiou, Baba sarr, Edouard gnacadja, et coucou les fréres Valéra Pierre, Paul, Jean, Diouga Grand Goal de France, Joe badiane, Faniou, les fréres Tavarés Alberto (don bétou),Tony (Papa de Michael) et Manou, Ameth sow, Cheval fou ect ..ect j'en passe qui ont fait la gloire du trés Grand Xandalou, et du Grand Orchestre du Xalam de Dakar nos plus Belles Années de notre vie ou que nous soyons nous n'en aurons jamais une si Belle, nous les avont eu et passés dans cet Unique et Magnifique et Resplendissant Quartier de Reubeuss je précise Aussi que cette génération n'a jamais connue la déchéance, ni le déshonneur, notre devise était de vivre avec le respect, la fierté et la gloire de lla Pachangua, la Charangua, la Guaracha, a travers deux belles Associations que sont " Neige, Cadet Neige, et le Sympathiqua " et notre Amphétamine le Football, rien que le Football Nos Ainés nous guidez avec respect et considération, comme nous nous avons par la suite guidés ceux qui arrivaient, alors croyez moi mes Fréres, je vous souhaitent de vraiment vivre ce nous nous avons vécu à Reubeuss, qui n'existe et qui n'existera nulle part ailleurs nous nous avons XANDALOU
    {comment_ads}
    Auteur

    Wa Rebeuss

    En Août, 2012 (16:14 PM)
    Mais ana wa rebeuss way quel grand lieu d'apprentissage de la vie , la solidarite ,le courage l'abnegation et la soif de reussite est la marque de fabrique de ce quartier multi culturel multi ethnique.BALA KOY KHAM,nga am mbecté wala nakhar.Et puis que de beaucoup d'exemple de reussite dans tous les domaines,des intellos,sportifs medecin qui dans des conditions pas toujours faciles a vivre au quotidien ont reussi a se hissé au sommet,n'est ce pas le docteur Cheikh lo churigien dentiste ,feu Babacar ndene ndiaye Thiam papa gallo bien sur Lamine Diack Habib Thiam Atepa ,mais y a aussi cette nouvelle generation de rebeussois qui emmergecomme le jeune Yakham Mbaye ,l agent de joueur Thierno Seydi, Oumar DAF ,le jeune Baba diawara footballeur a seville ... ect Donc mes freres rebeussois vous devrez etre fiere de votre quartier car tous ces exemples ne sont pas nés avec une cuillere en or dans la bouche,ils allés chercher la reussite au prix d'efforts et de courage pour s'en sortir dans un environnement pas toujous facile,et il fut une epoque il n'etait pas bon de s identifier rebeussois car pour une grande partie de l'opinion,rebeuss egal banditisme,insalubrite et la prison.Merci pour tous ces pôrte drapeau.ALLEZ KHANDALOU?ROSA EN PUISSANCE. BEUGUé....... :sn:  :up: 
    {comment_ads}

Participer à la Discussion

  • Nous vous prions d'etre courtois.
  • N'envoyez pas de message ayant un ton agressif ou insultant.
  • N'envoyez pas de message inutile.
  • Pas de messages répétitifs, ou de hors sujéts.
  • Attaques personnelles. Vous pouvez critiquer une idée, mais pas d'attaques personnelles SVP. Ceci inclut tout message à contenu diffamatoire, vulgaire, violent, ne respectant pas la vie privée, sexuel ou en violation avec la loi. Ces messages seront supprimés.
  • Pas de publicité. Ce forum n'est pas un espace publicitaire gratuit.
  • Pas de majuscules. Tout message inscrit entièrement en majuscule sera supprimé.
Auteur: Commentaire : Poster mon commentaire

Repondre á un commentaire...

Auteur Commentaire : Poster ma reponse

ON EN PARLE

Banner 01

Seneweb Radio

  • RFM Radio
    Ecoutez le meilleur de la radio
  • SUD FM
    Ecoutez le meilleur de la radio
  • Zik-FM
    Ecoutez le meilleur de la radio

Newsletter Subscribe

Get the Latest Posts & Articles in Your Email