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Recrudescence de la violence à Dakar et banlieue : Les agressions sous tous les… couteaux

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Recrudescence de la violence à Dakar et banlieue : Les agressions sous tous les… couteaux

La grande banlieue dakaroise a retrouvé depuis quelques semaines les démons de la violence avec des agressions meurtrières tout azimut. Les drames successifs permettent de braquer les projecteurs sur certains quartiers à la réputation sulfureuse et souvent pointés du doigt pour la violence exacerbée et les agressions meurtrières qui s’y passent.

A ce rythme, les différentes rues de la grande banlieue dakaroise risquent de devenir des domaines privés, accessibles seulement aux agresseurs qui font la loi et le beau temps à Pikine, Guédiawaye. Chaque jour, les scènes d’agressions se racontent à longueur de journée. Les populations, transies de frousse, ne savent plus quelle voie emprunter pour aller au boulot et revenir à la maison en toute tranquillité. Dans tous les grands-places, les lieux de rencontre, les jeunes, les vieux, les femmes et même les enfants continuent de conter, au quotidien, le drame.

Au mois de septembre (16), les populations du paisible quartier Cité 3 de Pikine Icotaf ont vécu un début de matinée très dramatique : deux agresseurs se sont attaqués à un taximan et à une dame pour essayer de les dépouiller de leurs biens à une heure de grande affluence. Les jeunes du quartier sont alertés par les cris des victimes alors qu’ils revenaient de la prière du matin à la mosquée. La foule déchaînée s’attaque aux deux loubards qui seront, finalement, battus à mort. Plusieurs jours après ces agressions avortées, les lieux du crime portaient encore les stigmates de cette aube meurtrière avec des murs tachetés de sang. Abdou, élancé et voix grave, refait le film de l’horreur qui continue d’étreindre son quartier. «Nous revenions de la mosquée quand nous avons été alertés par des «au secours !» Tous les fidèles ont accouru pour leur apporter leur soutien. C’est là que nous avons appréhendé les agresseurs. On les a battus avec des téléviseurs d’un atelier qui était à côté. Les gens ne frappaient que sur la tête et leurs yeux étaient enflés. Il y a même un agresseur qui disait : «Tuez moi s’il vous plait.» Finalement, ils sont tous morts», explique-t-il. Les Sapeurs-pompiers sont venus pour seulement récupérer les corps sans vie des deux victimes.

Quelques jours auparavant, le pire a été également commis dans les mêmes environs. Avant le lynchage de ces agresseurs, les populations de Guinaw Rails avaient découvert (le 11 septembre) sur la voie ferrée le cadavre d’un jeune ressortissant guinéen, livreur de pain, lâchement assassiné et jeté sur les rails. Depuis ces deux crimes, les deux quartiers mitoyens séparés juste par le chemin de fer vivent dans l’horreur. Aujourd’hui, les agressions se décuplent, les meurtres se multiplient. Bref, c’est la frousse. La grande banlieue se terre et s’écœure devant cette infernale meurtrière dans ses propres entrailles. Les populations crient leurs ras-le-bol et les agressions vont crescendo dans les différentes rues et les milieux de grands rassemblements de la banlieue.

LE REGNE DES HORS LA LOI

Dans le populeux et populaire quartier de Guinaw Rails, avec ses maisons lézardées et qui s’effondrent, toutes les rues bruissent de la dernière tentative de cambriolage d’une boulangerie du coin. Dans la nuit du jeudi 18 au vendredi 19 septembre, un évènement, digne d’une série hollywoodienne, s’y est passé. Une dizaine de jeunes essayent de dupliquer les méthodes américaines pour attaquer une boulangerie vers 21 heures avec des gaz asphyxiants. L’opération va échouer devant la détermination des populations à faire face au règne de la terreur imposée par les agresseurs. Un travailleur de la boulangerie ressasse : «C’est incroyable parce que c’est la première fois que j’assiste à une telle opération. Les agresseurs pénètrent dans la boulangerie et utilisent leurs pompes à gaz pour essayer de neutraliser les gens. Tout le monde s’est barricadé pour ne pas subir les attaques de ces bandits. Nous avons appelé la Police qui est venue les chercher.»

Pourtant, tous les membres de cette bande de jeunes agresseurs résident dans ce coin qualifié tout simplement, de nid de malfaiteurs. Car les jeunes du Texas, avec ses ruelles austères et anarchiques, ses bâtiments glauques, ont fait des agressions leurs étendards et taillé leurs légendes dans la violence et utilisent les armes blanches pour gagner leurs vies. «Ici, si les jeunes ne te reconnaissent pas, tu es foutu parce qu’ils vont s’attaquer à toi sans états d’âme. Il est déconseillé d’y passer au-delà de 19 heures parce que c’est un coin très dangereux. Il y a tellement d’agresseurs et de dealers que même nous, les riverains, avons peur», explique cet habitant de Guinaw-Rails.

Dans ce quartier où le pain quotidien n’est pas évident, les veinards et les honnêtes citoyens, qui gagnent leurs vies à la sueur de leurs fronts, vivent dans la psychose et la peur de se retrouver face à face avec des caïds qui règnent en maître le long de la voie ferrée. Depuis la construction d’un mur, comme cloison autour du quartier, les agressions vont crescendo. Ils attaquent sans ciller à n’importe quelle heure de la journée. Les populations, à la solde de ses tueurs froids, vivent dans la hantise.

Physique de lutteur, visage bouffi et natif du quartier, Pape traverse chaque matin les rails, la peur au ventre : «Passer par les rails à 5 heures du matin est devenu la croix et la bannière pour nous. Il faut toujours regarder dans tous les coins avant de passer. Tu ne peux rester deux jours sans qu’il n’y ait d’agressions à hauteur du chemin de fer.» Farmata Thiam, une rescapée, raconte son horreur : «Il y a moins d’un an, je devais partir à l’hôpital pour un rendez-vous. Je passe au niveau des rails, où je croise deux gaillards qui s’approchent de moi et essaient de me prendre mon sac. Je résiste et l’un d’entre eux me poignarde deux fois au niveau des fesses. Ce sont des passants qui m’ont trouvé en train de giser dans du sang parce que j’étais seule sur les lieux. J’ai perdu 100 000 Francs et mon portable ainsi que mes pièces d’identité. C’était vers 5 h 15 du matin.» C’est l’heure la plus épiée par les agresseurs pour commettre leurs forfaits. En ce moment, les rues sont vides et les populations sont encore dans les bras de Morphée.

Les habitants s’organisent, désormais, en petits groupes pour éviter de croiser les malfrats prompts, surtout, à se jeter sur les solitaires. «C’est l’unique solution parce que si nous sommes en groupes, ils hésitent à nous attaquer. L’autre solution est de se faire escorter par un de ses enfants jusqu’à la route. Cependant, on ne s’en sort pas toujours», se désole Sagar Fall.

SI T’ES PAS AGRESSEUR, T’ES DEALER

Il crève les yeux que le Marché central au poisson, l’Arrêt Bountou Pikine et la Seras sont les autres lieux de prédilections de ces gens à la recherche du gain facile. Dans cet univers de chevillards, le sang coule souvent devant le regard médusé des populations. Ici, c’est le règne du plus fort et de la terreur. Les règlements de compte sont légions, les agressions meurtrières sont fréquentes. C’est toute la zone qui est réputée comme un repère de caïds et de dealers. «Seras ? Ici, on frôle tout le temps la mort. Avant-hier (Ndlr : samedi 20 septembre), il y a eu deux agressions. On a dépouillé deux femmes de leurs portables et de l’argent vers 13 heures. Depuis que je vends ici (un an et demi), j’ai assisté à deux meurtres à Seras. Personne n’a pipé mot pour les dénoncer parce que c’est risqué de le faire», révèle une femme qui tient à «son anonymat» comme à la prunelle de ses yeux.

L’intervention est interdite quand un agresseur commet son forfait. Personne ne réagit et tout le monde se transforme en spectateurs pendant que d’honnêtes gens sont en train d’être dépossédés de leurs avoirs, acquis de façon licite. «Ici, c’est be for yourself. Je ne vais jamais risquer ma vie pour sauver quelqu’un parce que si l’opération échoue, les agresseurs vont se retourner contre moi. On regarde impuissant. C’est trop risqué», entonne Zaccaria qui s’éclipse facilement dans les dédales de ce souk à ciel ouvert. En tout cas, son raisonnement certifie davantage les suspicions des populations : les agresseurs sont de connivence avec les travailleurs.

Parfois, ce sont des personnes qui simulent des agressions pour attirer une proie pourtant sensible aux complaintes de la victime. «Personne ne peut dire que les agresseurs ne sont pas protégés par les chevillards parce qu’ils opèrent ici tranquillement et de façon impunie et simulent même des agressions. 11 h ou midi, c’est la même chose. Ce sont les travailleurs qui sont les vrais agresseurs. Si tu n’es pas agresseur, tu es un dealer et ils se protègent mutuellement», révèle Ndatté Fall.

L’accusation de la jeune fille, bien sculptée dans son jean bleu et son body rouge, habituée des lieux et témoin oculaire de plusieurs agressions, irrite les chevillards soucieux seulement «de gagner leurs pains». «Nous ne protégeons personne et nous ne sommes de connivence avec personne. Je viens pour gagner ma vie et je ne gère pas le reste. Personne ne va prendre les risques de dénoncer un agresseur parce que s’il tombe, demain, il va te balancer. C’est vrai que les gens regardent faire sans intervenir de peur surtout que les agresseurs ne se retournent contre eux, parce que c’est nous qui sommes ici tout le temps», se défend Zaccaria.

NID DE MALFRATS

A Guédiawaye, paisible quartier au boom démographique et immobilier extraordinaire, on continue de faire le deuil. En un mois et demi, il y a eu quatre meurtres dans ce vaste quartier dont une jeune femme du nom d’Amy Niang assassinée à Wakhinane Nimzatt. «Elle revenait des Parcelles assainies lorsque trois agresseurs se sont jetés sur elles pour prendre son téléphone portable. En voulant résister, ses bourreaux l’ont poignardé à la cuisse et elle a succombé au moment de son évacuation au centre de santé du Roi Baudoin» témoigne Samba Ndiaye.
Comme Pikine, la ville de Guédiawaye a ses lieux criminogènes où les agresseurs installent la terreur. A plus de deux kilomètres du Lycée Limamou Laye, se profile le Marché Boubess. A une heure de forte affluence (11 h), le marché suffoque et l’armée de ménagères slaloment entre les étals anarchiques pour trouver de quoi remplir le panier. La cohue laisse peu d’espace aux pousses-pousses qui ravitaillent les différentes cantines du marché.

Au fond de l’une d’entre elles, pendent de magnifiques étoffes bariolées alors que les étagères sont empilés de thermos, de sacs et de cadenas. Edouard Diatta, père de deux enfants et propriétaire de cette cantine, rejoint chaque matin son lieu de travail transi de frousse. «Que voulez-vous ? Marché Boubess ou Arrêt marché boubess c’est le risque quotidien. Peut-être que les agresseurs sont derrière toi parce qu’ils passent la journée avec nous, entrent dans nos cantines. Il y a eu tellement de meurtres dans ce marché, que finalement tout est banal» relate le commerçant.

Tout le monde à Guédiawaye cite le Marché Boubess et l’Arrêt marché Boubess comme les lieux les plus dangereux du quartier. A la lisière de la ville, les Filaos sont également considérés comme le nid des malfaiteurs qui se replient dans ces lieux hostiles et presque inaccessibles après leurs forfaits. Il faut dévaler une pente raide avant de tomber nez-à-nez sur un inextricable encerclement de filaos et de cactus, avec aussi un vrombissement de mouches et de moustiques qui sert de fonds sonores à l’endroit. C’est là que nous avons rencontré un homme qui est redouté par les populations. Car, il a développé, au fil des ans, une forme de légende taillée dans la violence et le sang. Visage bouffi, silhouette longiligne, cigarette entre les mains, Meuz a la tête pensante. Le jeune homme, natif de Guédiawaye, opère en compagnie de son gang sur un rayon de 10 kilomètres et parfois il descend même au Centre-ville. «Nous opérons entre Guédiawaye et Parcelles Assainies et très rarement à Pikine. Dans notre cas, nous poignardons rarement même si j’ai fait cinq fois la prison pour agressions», explique-t-il.

Dans la brume matinale apparaît en même temps que les honnêtes citoyens cette meute de jeunes aiguillonnés tout simplement par l’appât facile du gain. En cette période de veille de la Korité, c’est la traite pour les agresseurs. Silhouette trapue, regard d’acier, haleine alcoolisée, bouche édentée, un jeune homme d’une trentaine d’années poireaute autour des étals pour «flairer» un nouveau coup et une nouvelle victime. Il se fond dans la masse, multiplie les allers-retours pour revenir ensuite sur ses pas. Thio explique : «C’est une période aussi favorable pour faire le job parce que c’est la veille de la Korité. En ce moment, nous arrivons à récupérer beaucoup d’argent.»

L’information est de taille : la plupart des agresseurs, qui opèrent présentement dans la banlieue, viennent à peine de sortir de détention. Les deux agresseurs battus à mort à Pikine ont humé l’air de la liberté seulement pendant deux semaines avant de replonger. «J’ai quitté la prison il y a 20 jours, je suis resté pendant une semaine avant de reprendre le travail. Que faire sinon nous n’avons aucune qualification professionnelle. C’est plus fort que moi», confesse-t-il.



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