RECRUDESCENCE DES AGRESSIONS A THIAROYE : Les populations entre psychose et résignation

En cette période, on assiste à une recrudescence des agressions à Thiaroye. Un phénomène qui, certes, est loin d’être nouveau. Cependant, au rythme où se signalent des cas d’agressions dans cette partie de la banlieue, beaucoup de personnes croient dur comme fer qu’il y a lieu de mettre les bouchées doubles pour remédier à cet état de fait. Récit de quelques cas d’agressions survenus dans l’indifférence générale.

Dans le courant de ce mois en cours, plusieurs cas d’agressions ont été signalés à Thiaroye Gare. De quoi coller la trouille aux personnes obligées de se lever très tôt pour aller au travail. Deux cas d’agressions se sont produits en l’espace d’une semaine dans une même rue et, tenez-vous bien, vers un peu moins de sept heures du matin. Malick Fall est témoin de la première agression. « Comme d’habitude, j’étais assis à l’intérieur de chez moi, plongé dans mes « wird » (incantation divine) quotidiens. Subitement, j’entends la voix d’une femme qui criait continuellement depuis la rue », confie-t-il. « Pourtant, je n’avais que mon chapelet, mais je ne pouvais pas m’abstenir de venir à sa rescousse, même si j’étais conscient du danger qui me guettait. Heureusement, un jeune du quartier est sorti, lui aussi, avec une machette. Mais, c’était trop tard, parce que les agresseurs ont pris la pochette de la femme, contenant 45.000 francs Cfa ainsi qu’un téléphone portable », se souvient-il. Malick Fall se désole de l’indifférence des populations à ce qui venait d’arriver à la femme. « Cette dame avait passé plusieurs minutes à crier. Alors que l’agression a eu lieu vers sept heures du matin ». Ces faits remontent à moins d’une semaine de la fête de Tabaski. Dans la même semaine, un ressortissant guinéen est, lui aussi, attaqué à la même heure, dans la même rue, à environ deux cents mètres des lieux où a eu lieu la première agression. M Thiam, intervenu juste après le départ des agresseurs, raconte. « Ce sont les cris de la victime qui m’ont tiré du sommeil », explique-t-il. « Quand je suis sorti, les agresseurs étaient déjà partis, mais la personne agressée m’a révélé que les bandits ont emporté ses 15.000 francs ainsi qu’un téléphone portable », raconte-t-il.

M. Thiam se souvient que l’agression s’est produite à quelques minutes de sept heures. Dans la même veine, le boutiquier Amadou Diallo annonce que vers la fin du mois de novembre, deux jeunes kaolackois ont été blessés, (l’un a eu les côtes gauches cassées, l’autre s’est retrouvé avec le cuir chevelu de la nuque écorché). Ces jeunes victimes raccompagnaient un homme âgé qui, au moment de l’agression, détenait 350.000 francs Cfa dans sa poche. Et, c’est justement parce qu’ils voulaient sauver le vieil homme que les deux jeunes kaolackois ont dû faire face aux agresseurs, pour permettre à leur « proie » de pouvoir s’éclipser. Le vieux héla un taxi qui roulait de l’autre côté, à bord duquel il s’éloigna finalement. Les deux jeunes kaolackois ont su tenir la dragée haute aux agresseurs. Malgré leurs blessures, ils ont obligé les malfaiteurs à battre en retraite. En effet, la liste des cas d’agressions signalés en cette période est loin d’être exhaustive. Ce qui a pour conséquence de semer la peur chez certaines populations qui refusent de s’aventurer dehors à des heures où ils ont l’habitude de circuler aussi librement que le vent. C’est le cas de Babacar Sarr. « J’ai cessé de me rendre à la mosquée à l’aube. Je juge que c’est suicidaire ». Si pour Babacar Sarr la solution c’est de ne pas sortir à certaines heures, Abdoulaye Samb pense que les gens doivent trouver les moyens de se rendre mystiquement invulnérables. « De toutes les façons, je vais essayer de me procurer le « toul » (défense mystique rendant le corps invulnérable). Ce qui fait qu’en cas de tentative d’agression, le premier bandit qui se rendra compte qu’il ne peut pas me faire saigner aura du pain sur la planche, je vais simplement le faire passer de vie à trépas », prévient-il.

Complicité de certains jeunes du quartier

Selon des avis concordants, certaines agressions sont perpétrées par des jeunes du quartier. D’ailleurs, il arrive même dans un quartier que des individus soient conscients que tel jeune est un agresseur. Seulement, par crainte de représailles, on préfère s’abstenir de toute dénonciation à la police. « Moi, je peux confirmer cette allégation », peste Modou Sow. « Récemment, je suis intervenu en faveur d’un jeune, attaqué en plein jour par des agresseurs. Au cours des échauffourées, je reçois des coups partout au corps, à l’indifférence d’un groupe de jeunes qui sont à l’affût. A la fin de la bagarre, j’ai demandé à ces jeunes que je connais (parce qu’ils sont du quartier) pourquoi ils ne sont pas venus à ma rescousse. Ils se sont contentés de répondre que c’est parce qu’ils connaissent les agresseurs ».

Pour combattre le phénomène des agressions dans la banlieue, l’idée de mettre sur pied des comités de vigilance avait été agitée. Saluée et encouragée par tout le monde, elle avait abouti à sa concrétisation. Malheureusement, la pérennisation de ces comités de vigilance avait buté sur l’impossibilité de mobiliser des moyens financiers. Parce que les éléments qui composent le comité devant faire le travail de surveillance nocturne doivent être payés. Or, peu de familles s’acquittaient de la modique contribution mensuelle sur laquelle le comité compte pour fonctionner. « C’est pour cette raison que le comité qui, au début, faisait un excellent travail dans notre quartier, a fini par se disloquer », se désole Abou Ndiaye. Au grand bonheur des délinquants qui s’estiment en terrain conquis.