Si la question de l’émigration clandestine trouve une explication dans la conjoncture économique et la précarité des conditions de vie d’une jeunesse exposée aux affres de la pauvreté, d’autres facteurs sociologiques et sociétaux peuvent l’expliquer. Au prétexte d’une table ronde initiée mardi dernier par l’Association pour le co-développement (Ascode), historiens, sociologues et juristes ont échangé sur cette question qui revient avec acuité ces derniers jours.
«Après le drame du bateau Le Joola, cette situation (Ndlr : la question de l’émigration clandestine) est celle qui m’aura le plus marqué, quand je vois des jeunes tenter l’expérience au risque de leurs vies (…) Il faut que les autorités et toutes les forces vives de la Nation se retrouvent pour discuter autour de la question. Il n’est pas question de fermer les yeux sur une question aussi brûlante.» Cet aveu de l’historienne Penda Mbow a été livré hier lors d’une table ronde sur l’émigration clandestine organisée par l’Association pour le co-développement (Ascode). Une rencontre qui se justifie par l’acuité avec laquelle le problème de l’émigration clandestine, avec des départs massifs de jeunes Sénégalais qui prennent d’assaut des pirogues au prix de leurs vies pour les îles Canaries.
Un phénomène qui interpelle plus d’un et nécessite un débat serein et approfondi. Et les échanges sur le thème de «l’émigration clandestine, nécessité ou mirage : quelles alternatives pour les jeunes aventuriers ?», introduit par Mamadou Agne, le secrétaire exécutif de l’Ascode, mettent en exergue l’incapacité des autorités à engager une réflexion stratégique sur la question pour trouver des solutions efficaces. «On passe tout notre temps à faire de la politique, en laissant la société à elle-même. Avec tout ce débat autour des milliards qui crée des frustrations surtout du côté des jeunes confrontés à une situation de désillusion», analyse Mme Mbow, convaincue aussi que ce problème n’est que la face visible de l’Iceberg.
Au-delà du fait que le Sénégal soit en train de vivre les conséquences de l’instabilité africaine qui ferme la destination Afrique aux candidats à l’émigration au profit de l’Europe, et de la difficulté de la situation économique, la réflexion a été orientée vers la société sénégalaise en tant que telle, qui favorise de tels actes au vu du rapport malsain que ses composantes peuvent entretenir avec l’argent. «Ces jeunes sont la plupart frustrés du fait que l’homme idéal et idéalisé soit dépeint sous les traits de celui qui s’émigre et revient avec beaucoup d’argent. C’est celui-là qui fait l’objet de beaucoup de respect et de considération dans la société d’où il est issu, au détriment des autres», argumente le sociologue Lamine Ndiaye. En outre, du fait de la pluralité des causes de l’émigration clandestine, il est nécessaire d’y trouver des solutions plurielles, précise-t-il.
Dès lors, la création d’emplois pouvant freiner l’important flux migratoire des jeunes vers les îles Canaries se révèle être l’une des solutions, après l’échec du plan Reva qui semble avoir étalé toutes ses limites. «Il faut que l’Etat crée des emplois qui retiennent ces jeunes», préconise-t-on. Mais aussi, l’opportunité de nouer de véritables rapports de coopération avec les pays ciblés par ces candidats à l’émigration s’impose, au vu des proportions prises par le problème.
0 Commentaires
Participer à la Discussion