RUFISQUE : Ces cadavres qui empêchent de dormir !

Rufisque, quand l’actuel député maire et son prédécesseur s’affrontent, toute la ville retient son souffle. Maître Ndiawar Touré (il est fait maître es science en mai dernier par une université canadienne) remet sur la table l’affaire dite des ossements de Rufisque. Pour ceux qui ne le savent pas, il s’agit de cadavres découverts en 2005 dans l’enceinte de la mairie lors de travaux d’extension entrepris par l’actuelle équipe municipale. L’état dans lequel ces cadavres se trouvaient, avait suscité d’énormes interrogations auxquelles, jusqu’à présent, aucune réponse formelle n’est apportée. 

Parmi ces interrogations figure celle qui fait allusion à des pratiques de sorcelleries qu’on croyait disparu depuis belle lurette sous nos cieux. Mais nenni semblent rétorquer les premières observations faites autour de ces découvertes. D’où l’importance, voir même l’obligation à faire toute la lumière sur la question car, si de tels obscurantismes sont encore d’actualité, aucun citoyen n’est à l’abri d’un enlèvement à but de sacrifice humain. Appelons un chat un chat ; nous sommes, dans un tel cas de figure, tous des condamnés à mort (par assassinat) en sursis.

L’institution municipale, si l’on en croit son maire Ndiawar Touré, réclame la lumière. Maître Mbaye Jacques Diop fait aussitôt une sortie pour clamer son innocence et faire dans des attaques politiques d’un autre âge. « Qui est entré dans la cuisine ? » Semble demander la mairie. Pourquoi, sortant de son mutisme, paraît-on dire « Ce n’est pas moi qui ai mangé le poisson. » C’est quoi ce spectacle ? Ces cadavres, on doit pouvoir savoir qui ils sont, quand sont ils morts, de quoi, par qui au cas où, il est confirmé qu’ils sont victimes d’un assassinat ? C’est une affaire non pas de Rufisque ou de quelque politicien que ce soit mais du Sénégal, une affaire aussi du monde entier car on ne sait pas encore qui ils sont, de quelle nationalité ils sont. C’est une affaire que toutes les organisations de défenses des droits de l’homme doivent chercher à étayer par principe et pour que la vérité, en éclatant un jour, puisse servir de leçon à certains et décourager d’autres qui seraient tentés d’agir de la sorte s’il est avéré, encore une foi, qu’il s’agit de sacrifice humain.

Rufisque nous a tellement habitué au combat politique entre Mbaye Jacques Diop et Ndiawar Touré (avant ce dernier, entre Mbaye Jacques Diop et d’autres leaders politiques comme le maire Kora Fall) qu’on a l’impression qu’aucun problème d’ordre national et citoyen ne doit être résolu dans cette ville sans qu’il y est une connotation politique, disons même politicienne. Cette découverte macabre, s’il s’agit d’un crime, doit être traitée autrement par la justice. Quant au combat politique entre ces deux là, qui ne date pas d’aujourd’hui, qu’il se déroule sur le terrain politique sans salir l’âme de ces morts.

Que je sache, personne n’a accusé Maître Mbaye Jacques Diop jusqu’ici. Alors pourquoi sort-il de cette manière peu chevaleresque de son silence ? Pourquoi cette empressement ? Cette sorte de nervosité mal placée ? J’aurai compris, en tant qu’ancien député maire et actuel quatrième personnalité de l’Etat du Sénégal, s’il sollicitait seulement la même chose que les autres : la lumière sur cette affaire, et en le faisant sans avoir besoin de faire dans l’agression verbale vu la fonction qu’il occupe dans l’attelage gouvernemental même si le CRAES est du n’importe quoi. Mais, l’alternance survenue au Sénégal en mars 2000 encourage aussi la banalisation des titres : l’homme qu’il ne faut pas à des fonctions élevées.

En suivant le parcours politique de ce monsieur ces dernières années, je me rends compte que ce qui fatigue notre pays en ce moment découle aussi d’un problème lié au choix des hommes effectué par notre cher président. Politiquement parlant, qui est ce monsieur depuis ces dernières années ? Responsable politique du parti socialiste, il sera battu dans sa propre ville avec un écart de plus de quatre mille voix par ses adversaires de la CA 2000 au premier tour des présidentielles de 2000. Pourtant, que n’a-t-il pas fait à l’époque pour donner la victoire à son candidat Abdou Diouf allant au front jusqu’à être accusé d’avoir tiré sur le cortège du président actuel à balles réelles et à accuser aussi ses adversaires d’avoir brûlé sa maison. Entre les deux tours, après avoir clamé haut et fort son encrage irréversible au PS, il fera volte face dès le lendemain, malin comme un lapin, en allant s’allier au FAL (CA 2000 plus l’AFP de Moustapha Niass et les autres nouveaux souteneurs de Wade). Il passera d’ailleurs par Niass. Après les présidentielles, rusé comme un vieux renard, il quittera Niass pour créer son parti. Il ira se mesurer à ses adversaires aux législatives et sera humilié avec une distance de plus de vingt huit milles voix dans le département de Rufisque ; dans la commune, c’est le désastre total pour lui. Il sera élu député grâce au plus fort reste, son parti ayant, dans tout le Sénégal, un nombre de voix très en dessous de la moyenne (autour de quatorze milles). Il mûrit sa leçon et se dilue au PDS aux élections locales de 2002. Ce parti lui offre des conseillers municipaux, ruraux et régionaux dans ses listes comme récompense. Le monsieur poursuit sa ruse en devenant presque l’ombre du président partout où ce dernier se déplace. Il veut hériter du poste de quatrième personnalité du Sénégal avec la création du CRAES annoncée par le président. Et un tel poste mérite bien de faire dans la génuflexion constante, et de chanter les louages de son sauveur de façon démesurée. Cet homme, comme tant d’autres, a offert à la jeunesse de ce pays une image médiocre de la politique. Si j’ai relaté ce qui précède, c’est pour me désoler de cette absence d’éthique qui caractérise ce type d’homme.

Malheureusement, ils font foison aujourd’hui dans le gouvernement et minent les avancés démocratiques et économiques du pays. Ce n’est pas parce qu’un tel personnage montre des signes de nervosité en faisant presque dans l’agression verbale qu’une ville ne doit pas continuer à réclamer la clarté dans une affaire aussi importante pour notre pays. Mais, entendons nous bien ; que le seul souci de transparence guide les élus de Rufisque. Autrement, ils auront tort de faire de ces cadavres des armes politiques contre X. Et ce serait vraiment dommage car Rufisque a besoin aussi de ses élus sur d’autres sujets très importants tels que les problèmes d’assainissements, de salubrité, d’avancé de la mer, de chômage des jeunes qui bravent la mer au péril de leur vie etc. Beaucoup de travail à abattre attend cette mairie pour éradiquer les maux dont souffrent les populations de cette ville de Mame Coumba Lamb depuis des années. Et ce n’est pas en perdant du temps à répondre au coup par coup ou à faire dans des attaques politiciens tout azymites contre leurs adversaires que les élus de Rufisque vont réussir le pari du développement de cette localité. Nos populations sont fatiguées. Pensons y !

Tafsir Ndické DIEYE

Ecrivain sénégalais

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