Un vendeur ambulant dans une rue de Saint-Louis du Sénégal, le 23 mai 2006 © AFP Seyllou |
Ce périlleux voyage par voie maritime vers l'archipel espagnol alimente toutes les causeries dans cette ville pauvre, où la crise engendrée par la chute des revenus de la pêche laisse peu de raisons d'espérer un avenir meilleur sur place.
"L'eldorado, c'est l'Espagne ou rien", estime Mactar Faye, manoeuvre au quai de pêche de Guet Ndar, un des quartiers les plus déshérités de la ville.
"J'ai hâte de partir, il n'y a rien ici!", râle Oumar Diallo, un jeune habitant du même quartier.
Assis devant une fabrique de glace, arborant un vieux tee-shirt noir, Daouda N'Diaye, 26 ans nourrit la même ambition.
"Je n'attends que le moment favorable pour embarquer. Ici, je gagne moins de 80.000 FCFA (122 euros environ) par mois, ce n'est rien comparé aux maisons et voitures que possèdent ceux qui sont déjà partis en Espagne", dit-il, les yeux rivés sur la mer.
Ablaye Diagne à Saint-Louis du Sénégal, le 23 mai 2006 © AFP Seyllou |
Fin 2005, les départs pour les îles Canaries étaient principalement organisés à Nouadhibou (nord de la Mauritanie), mais avec le renforcement des contrôles, clandestins et passeurs ont peu à peu fait de Saint-Louis un point de départ privilégié, indiquent les autorités sénégalaises.
Dakar a donc renforcé les mesures de surveillance sur les côtes grâce à des patrouilles terrestres et aériennes et a annoncé lundi avoir arrêté en trois jours plus de 1.500 candidats clandestins, dont de nombreux avaient embarqué à partir de Saint-Louis.
"En dépit des dispositifs mis en place, les passeurs parviennent toujours à tromper la vigilance des contrôleurs pour partir", explique un pêcheur de Guet Ndar.
"Quels que soient les moyens de surveillance, il sera difficile d'empêcher ces départs", murmure Djiby Guèye, un diplomate à la retraite dont un des fils a réussi à entrer clandestinement en Espagne.
Une embarcation de pêcheurs à Saint-Louis du Sénégal le 23 mai 2006 © AFP Seyllou |
Selon la police de Saint-Louis, les réseaux de clandestins sont entretenus par des personnes qui jouissent d'une certaine "notoriété" dans le milieu de la pêche et capables d'acheter le matériel nécessaire pour faire partir une pirogue pouvant contenir plus de 80 passagers.
Les passeurs "sont d'excellents navigateurs, connaissent bien la mer et utilisent le système de navigation par satellite (GPS)", admet le chef d'état-major de la marine sénégalaise, le colonel Ousame Ibrahim Sall.
Les frais pour le voyage s'élèvent à 400.000 à 500.000 FCFA (de 610 à 762 euros environ) par passager et le voyage vers les Canaries peut durer de 5 à 7 jours.
"Aidez-nous à faire partir notre fils dans des conditions plus sûres qu'en la pirogue", lance l'une des rares habitantes à avoir pris conscience des dangers de l'immigration clandestine via la haute mer.
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