Beaucoup d’eau a coulé sous les ponts depuis que Peinda Sy a été arrêtée pour infanticide. Seize années plus tard, elle s’est présentée à la barre de la Cour d’assises pour être jugée. A l’arrivée, elle a été acquittée au bénéfice du doute.
C’est une Peinda Sy devenue aveugle qui s’est présentée
hier à la barre. Placée sous le mandat de dépôt le 25 novembre 1994,
elle a ensuite bénéficié d’une liberté provisoire le 28 avril 1995. Son
infirmité elle l’a contracté bien après sa détention, comme elle l’a si
bien précisé. En effet, même si elle a reconnu avoir mis au monde un
enfant courant novembre 1994, à Dondou (département de Matam), elle a
cependant précisé que ce dernier n’était pas né vivant. C’est le 15
novembre 1994 que les gendarmes de la Brigade mixte de Matam ont été
informés par une lettre anonyme qu’un pêcheur du nom de Harona Guèye
avait découvert dans les eaux du fleuve, un corps sans vie d’un bébé en
état de putréfaction avancée.
Une enquête a permis l’arrestation de Peinda Sy, qui a servi plusieurs versions devant les enquêteurs et devant le magistrat instructeur. A la barre, ce même Harona Guèye, qui avait repêché le corps a confirmé avoir récupéré le corps, mais ignorait si l’enfant était né vivant. « J’ai vu le cadavre du bébé flottant sur l’eau. Je l’ai repêché avec une pelle parce qu’il était dans un état de putréfaction qui ne permettait pas qu’on le saisisse avec la main. Et avec l’aide d’un passant, je l’ai enterré sur la berge du fleuve avant d’aller avertir le chef du village », a dit Harona, tout en précisant que l’enfant présentait tous les aspects d’un prématuré.
Même si elle a servi plusieurs versions, Peinda Sy a indiqué que le jour des faits, elle avait senti un coup de chaleur et avait voulu se baigner dans le fleuve. C’était aux alentours de 20 heures 30 minutes. Une fois dans l’eau, elle a senti des douleurs à la tête et dans le dos et est aussitôt ressortie. C’est à ce moment qu’un chat noir l’a effrayée.
Cette peur a provoqué son accouchement. Et après avoir
mis au monde un enfant dont elle ignorait le sexe, elle a, selon ses
dires, pris la fuite. Poursuivant, elle a soutenu que l’enfant n’était
pas vivant, parce qu’il « n’avait pas crié et avait les pieds devant. »
Une déclaration qui était loin d’avoir convaincu l’avocat général, Adama
Guèye, qui lui a demandé comment elle avait fait pour couper le cordon
ombilical de l’enfant. Mais, la dame lui a fait comprendre, que son
enfant n’en avait pas. En réponse aux chapelets de questions du
représentant du ministère public, l’accusée a rétorqué que durant toute
sa grossesse de sept mois, l’enfant n’avait pas bougé dans son ventre.
Mais, pourquoi avoir donc caché cette grossesse à tout le village et
aussi refusé d’effectuer ses visites prénatales ? Juste pour éviter la
honte et la raillerie de ses voisins et parents, a soutenu Penda, qui a
quelques fois déclaré être sujette à des crises. Dans son réquisitoire,
l’avocat général s’est dit convaincu que le cas d’infanticide est
avéré. Selon lui, Penda Sy a accouché d’un bébé, l’a abandonné.
Et qu’elle a caché son état à tout le village. Selon le représentant du ministère public, Penda Sy qui a déjà accouché, savait bien qu’il y avait des signes annonciateurs et qu’en quittant sa maison pour aller à la berge, elle savait bien qu’elle allait accoucher. Elle s’est isolée, sachant qu’à cette heure-là, personne ne serait là-bas et a profité du calme des lieux pour accoucher et abandonner l’enfant. De l’avis de l’avocat général, la thèse de l’enfant mort-né évoquée par l’accusée ne saurait prospérer. Elle a mis au monde l’enfant, n’a même pas cherché à savoir s’il vivait ni à s’enquérir de son sexe. Pour lui, le crime d’infanticide est bien établi. Tout en demandant à la cour de lui reconnaître les circonstances atténuantes, l’avocat général a requis 10 ans de travaux forcés contre elle. Pour sa part, le conseil de l’accusée, Me Touré, le ministère public n’est pas convaincu qu’il y a eu infanticide.
A en croire l’avocat, pour que Penda Sy ait donné la mort, il faut d’abord qu’il donne la vie. Selon lui, il n’existe aucun élément dans le dossier qui prouve que l’enfant était né vivant. Il a ainsi demandé l’acquittement de sa cliente pour absence de preuve. La cour a suivi la défense et a acquitté Penda Sy au bénéfice du doute.
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