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SAINT- VALENTIN AUJOURD’HUI : Les folies de l’amour

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SAINT- VALENTIN AUJOURD’HUI : Les folies de l’amour

Des fêtes pour célébrer des événements particuliers, il en existe. De plus en plus, il est noté un regain d’intérêt pour la Saint-Valentin dont on dit qu’elle est la fête des amoureux. Célébrée ce jour, 14 février, la Saint-Valentin semble faire partie, depuis quelques années, des événements qui allient à la fois folie dépensière et affection sentimentale.

Mardi 12 février. Adja, une jeune fille, a très tôt pris d’assaut cette boutique de cadeaux en ville. « Il n’y a que le 14 février, jour de la Saint-Valentin, pour exprimer toute l’amour et la tendresse que j’éprouve pour mon copain », lance-t-elle. Un tour en ville, hier et avant-hier, montre comment cette fête commence à occuper une place prépondérante dans l’esprit des Sénégalais les plus jeunes. Le spectacle est jovial dans les magasins où l’on peut s’approvisionner en cadeaux. Dans les magasins visités, tout, absolument tout, renvoie à cette fête...

Les décorations, pour la plupart, représentant « ce cœur si rouge, si tendre qui véhicule le message de l’amour sont présentes ». Pour la circonstance, les boutiques font des provisions en quantité énorme pour satisfaire une clientèle jeune. « J’ai fini mon stock et il n’y aura pas de nouveaux arrivages », explique Abdallah, commerçant libano-syrien, spécialisé dans la vente de porcelaine. Comme ayant compris le rush des clients pour offrir des cadeaux à l’élu de leur cœur, les vendeurs ornent les devantures de leurs magasins pour rappeler aux passants la nécessité d’acheter un cadeau pour sa copine ou son mari. Des vendeurs de matériels électroménagers aux fleuristes en passant par les pâtissiers, les parfumeries, les boutiques de prêt à porter et les librairies, tout le monde semble conjuguer ses activités avec le mot amour. Quant aux restaurants et autres boîtes de nuit, ils proposent un « spécial Saint-Valentin » aux clients. Et tout porte à croire qu’un rush sera noté. « Je préfère un dîner à la chandelle avec mon amoureux dans un restaurant pour la Saint-Valentin », déclare Marianne, étudiante gabonaise. A l’inverse, les plus jeunes ont pris d’assaut, comme nous avons pu nous en rendre compte, les librairies à la recherche de cartes pour, « une nouvelle fois, montrer l’attachement à l’être aimé ». A la Galerie Sahm, la librairie était prise d’assaut lors de notre passage par les jeunes en grand nombre avec une forte présence de filles. Dans un tel décor, on vole quelques confidences d’élèves en blouse : « Choisies cette carte, elle est belle... » ; « Non, je préfère celle-là, car je sens qu’elle va bien lui plaire ». Des cartons vides qui jonchent l’entrée de la librairie montrent la quantité importante de cadeaux proposés aux fêtards venus s’approvisionner. Des cartes de toutes natures et de différents prix y sont exposées. Les uns chantent les vertus de l’amour quant on les ouvre tandis que les autres brillent de mille feux. Pour une responsable de la libraire, « à chaque fois que la Saint Valentin, approche nous mettons en place un système spécial pour ravitailler les nombreux clients ».

Astou, une élève qui a choisi une peluche au design spécial, explique que « la fête demeure le moment de consolider les relations amoureuses que l’on a avec son copain, mais aussi d’évacuer certaines incompréhensions ». Tout le contraire de Sokhna pour qui la Saint-Valentin est le moment de faire part de son amour, « pas seulement à son copain ou copine, met à tous les membres de la famille et de l’entourage ». Ablaye Diallo, un agent de banques, ne voit pas l’intérêt de tout ce cérémonial. « L’amour, tel qu’il est vécu en Afrique, ne peut en aucun cas être quantifié à travers des fleurs, des chocolats ou des cartes », déclare-t-il, sûr de lui. Et d’ajouter : « il existe tout un cérémonial autour du langage des fleurs qui nous est étranger, que nous ne maîtrisons pas. Je pense qu’à l’origine, Valentin a voulu signifier tout son attachement à une personne. Donc, aujourd’hui, cette fête devrait être celle de l’attachement que l’on a pour toutes les personnes qui gravitent autour de nous ».

FLEURS, GATEAUX, CHOCOLATS, PARFUMS, CARTES ET AUTRES : Un geste ou un acte pour faire plaisir

C’est comme si le dieu de l’amour a fait irruption chez les vendeurs. Chez les fleuristes, les roses rouges, plus connues comme les fleurs de l’amour, sont très présentes. Une odeur sublime taquine les narines à l’entrée du magasin de fleuristes situé sur l’avenue Pompidou. Sublimes sont ces fleurs variées exposées dans la vitrine. Les prix sont différents. Chacun peut y trouver son compte. « Nous avons des bouquets de fleurs de 80 cm à 7000 Cfa, de 70 cm à 6000 Cfa, et d’autres de 50cm à 5000 Cfa », déclare Mme Hussein. A part ces bouquets, on peut trouver des roses à 3000 Cfa l’unité. « Elles s’écoulent plus vite, car le prix est plus accessible pour la majeure partie des gens », ajoute Mme Hussein.

Plusieurs personnes ont appelé au téléphone pour passer des commandes. Pour plus de variétés, des mélanges sont proposés à certains clients avec une rose à l’intérieur de ce mélange. C’est ainsi que l’on retrouve des bouquets à 15000 Cfa dans lesquels il y a une variété de fleurs. A côté de ces fleurs, on peut retrouver des peluches qui discutent de plus en plus la place aux autres articles. « Cela fait plus intime d’offrir une peluche à sa copine et se dire qu’elle va le serrer contre soi en allant au lit », confesse Bocar, jeune étudiant.

Dans les pâtisseries, la fièvre de la Saint-Valentin sévit aussi. Comme par enchantement, les gâteaux et autres glaces de pâtisseries se métamorphosent en petits cœurs pour coller à l’événement. Des banderoles incitent les gens à ne pas oublier cette fête si « importante ». Fête assez spéciale pour les romantiques. « Chaque année une nouvelle gamme de pâtisseries est créée pour la Saint-Valentin », explique une employée d’une pâtisserie. Il est aussi noté de nouveaux types de cadeaux comme les parfums ou le chocolat. Devant la parfumerie qui se trouve dans la galerie commerciale Sahm, une affiche bien mise en exergue rappelle aux passants « la fête de l’amour ». A l’intérieur de la boutique, des bouteilles avec un design magique qui se réfère à l’amour sont très visibles.

DR DJIBY DIAKHATE, SOCIOLOGUE : « Il est possible de chercher dans notre agenda culturel des moments qui permettent de valoriser ces genres de fêtes »

La Saint-Valentin devrait être le moment de surmonter toutes les fractures qui étaient survenues. Elle devrait permettre de ramener la paix, la convivialité et l’entente au niveau de la communauté, estime le sociologue Djiby Diakhaté. Dans un entretien qu’il a accordé à notre reporter, il souligne qu’il est possible de chercher dans notre agenda culturel des moments qui nous permettent de valoriser ces genres de rencontres. Il faut que les gens comprennent l’esprit de la Saint-Valentin qui est de ressouder les relations entre les individus d’une même société et non pas de développer un amour érotique durant une journée avec tous les risques que cela comporte, prévient-il dans l’entretien.

Comment expliquer aujourd’hui l’importance donnée à la Saint-Valentin ?

Nous sommes dans un monde interconnecté. Donc il n’est plus possible pour un segment de s’enfermer totalement sur lui-même. C’est cela que nous appelons la mondialisation qui a été accélérée et facilitée par les réseaux de communications devenus de plus en plus denses. En conséquence, aujourd’hui, on parle de surfer, de toile d’araignée. Et toute cette sémiotique montre que le monde tend à constituer un village planétaire. Ce qu’il faut ajouter, c’est que, dans ces villages planétaires, nous avons des sociétés au centre et des sociétés qui sont dans les périphéries. Ceux qui sont à la périphérie sont les sociétés africaines et asiatiques. Elles ont tendance, de plus en plus, sur le plan culturel, à subir l’impérialisme et l’hégémonie des sociétés occidentales. Ces valeurs venant de l’Occident ont tendance à se sédimenter et à se présenter comme des modèles structurants. Ainsi, ces sociétés africaines et asiatiques, pauvres sur le plan économique, se contentent d’absorber les valeurs qui viennent de l’Occident. Or, dans le modèle occidental, il y a un phénomène qui devient de plus en plus dominant, c’est cette aspiration à la liberté. Et cette dernière se traduit sur le plan de l’amour et s’exprime sous la forme d’une remise en question de toutes les règles qui, jusque-là, ont structuré le fonctionnement de la vie du couple.

... Aujourd’hui, les jeunes qui aspirent à cette liberté, au même titre que ces jeunes occidentaux, veulent d’abord et avant tout se révolter contre ces contraintes qui accompagnent la vie sexuelle. Donc, la Saint-valentin, c’est l’occasion pour eux de dire à la société enfin nous voila. Enfin nous osons protester, nous ériger contre toutes les contraintes établies et qui entourent la vie sexuelle. Au-delà de la dimension festive avec les cartes, les couleurs et la musique, vous allez voir des attitudes déviantes dont l’objectif est de montrer la révolte et la récrimination qu’éprouvent ces jeunes.

Donc, un mauvais exemple aux conséquences fâcheuses...

On ne peut déconnecter la Saint-Valentin de tout ce qui se passe dans la vie de tous les jours. En réalité, nous avons un espace social qui perd ses repères traditionnels. Cette perte se déroule à tous les niveaux, aussi bien dans l’activité économique que dans celle politique, socioculturelle et au niveau même des représentations surnaturelles. On est arrivé à un niveau où nous avons perdu une bonne partie de notre agenda culturel. Et nous nous alignons sur le model occidental qui se présente de plus en plus comme un paradigme dominant au monde. A partir de ce moment-là, il est clair que l’organisation de la fête est un élément qui intervient dans cette occidentalisation de notre société. Maintenant, ce qu’il faut voir comme conséquence, c’est un fossé qui devient de plus en plus grand entre les gens d’une génération avancée et les jeunes. Ainsi, on assistera à la naissance de conflits de générations qui s’étaient déroulés durant la période coloniale. Et, d’autre part, on verra des jeunes qui vont revendiquer une sexualité agressive, excessive, qui peut conduire à un certain nombre de dérapages. Ainsi, à partir du 14 février, il est possible qu’il y ait beaucoup de grossesses indésirées, des cas de maladies, etc. C’est comme s’il va y avoir une sorte de folie et de névrose érotique collective qui va s’emparer des jeunes et qui va les pousser à s’adonner dès fois à des actes qui dépassent la distance raisonnable. Et vous voyez que le monde rural est un peu déconnecté de la Saint-Valentin. C’est parce que les modèles occidentaux qui se développent en milieu urbain n’ont pas encore agressé le milieu rural. Mais, il est clair qu’avec ces phénomènes de conurbation, il faut s’attendre à ce qu’il soit gagné par ce que l’on appelle la fièvre de la Saint-Valentin.

Pouvons-nous trouver des espaces de fêtes dans notre agenda culturel en lieu et place de la Saint- Valentin ?

C’est vers cela qu’il faut aller. Mais, cela demande un travail qui permet de mettre en place un répertoire culturel se référant à notre tradition, et aux jeunes d’être socialisés autrement. A ce niveau, c’est plus le ministère de la Culture qui est indexé. Est-ce qu’on peut rompre désormais avec le folklore. Si nous voulons être présent au rendez-vous du donner et du recevoir, nous devons venir avec notre propre culture. Il faut tout faire pour revaloriser les contes qui constituent un moyen pour changer d’orientation sur l’éducation des enfants dés le bas âge. Les légendes, les contes, les représentations surnaturelles, les mythes sont de nature à recréer un univers culturel qui n’est pas replié sur lui-même, mais qui est conscient de ses forces et faiblesses.

Quels sens peut-on donner aux cadeaux ?

Je ne suis pas certain que le sens premier et culturel du bouquet de fleurs en Occident est le même que nous lui donnons ici. On va assister à une sorte de maquillage où les jeunes vont manipuler des objets dont ils ignorent le contenu. Ils le font simplement par mimétisme, sans pour autant savoir qu’une fleur, suivant les couleurs, signifie des sentiments différents. Et alors, là évidemment, tout au moins, il y’a un apprentissage à faire pour qu’ils soient en phase avec le modèle qu’ils essaient d’imiter. Donc, l’on se rend compte qu’ils sont en train d’imiter un modèle dont ils ignorent les tenants et aboutissans.



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