SAINT VALENTIN SUR FOND DE MAGAL: A la découverte de l’autre « magal » à Mbacké

En dépit du son des «xassaïdes» de Serigne Touba distillé à volonté, Mbacké, la turbulente voisine de Touba, n’a pas daigné mettre sous le boisseau les attirails qui ont fini d’être sa marque de fabrique : alcool, yamba et autres maisons closes.

Cette année, dans presque tous les quartiers de la remuante ville de Mbacké, les tentes sont dressées pour accueillir des chants religieux. De «Niary Baye Fall» au quartier Escale, les «xassaïdes» de Serigne Touba résonnent de partout. Du fait de la puissance des hauts parleurs, il était presque impossible de s’entendre. Curieusement, ces chants religieux n’ont pas «mobilisé» les pèlerins. En tout cas, comme on pouvait, de prime abord, le penser. «Kouy yengou sa neeg ngay doug»

Malgré cette atmosphère de religiosité, Mbacké a essayé de «sauver les meubles». C’est ainsi que des couples enlacés sont visibles un peu partout. Bras dessus, bras dessous, les tourtereaux profitent de la pénombre pour flirter ou partager quelques câlins. Venu expressément de Dakar, M. S soutient avoir l’esprit tourné au dieu de l’amour. Pas question pour lui de ne pas fêter la Saint-Valentin. «Comme je ne peux pas profiter de la fête des amoureux, je me mets au moins aux côtés de l’élue de mon cœur. Avec le Magal, je prie pour que notre idylle se termine par un mariage», confie notre interlocuteur. Il soutient avoir offert un cadeau à sa dulcinée, mais n’en précisera pas la nature.

La scène la plus cocasse s’est passée à Mbacké Khéwer, plus précisément au quartier Escale. Interpellées par nos soins, histoire de connaître les endroits «chauds», des femmes fortement dépigmentées, qui renvoient par leurs «feem» (attitudes) aux célèbres Laobés de Mbacké, nous servent, en riant aux éclats, une drôle de réponse : «Kouy yengou sa neek ngay doug» (ceux qui veulent faire la fête s’enferment dans leurs chambres). Comprenne qui pourra, sauf qu’après quelques conciliabules, nos interlocutrices lâchent le précieux morceau : «Tous les fêtards et autres amateurs de sensations fortes savent que le rendez-vous est au quartier «Teenou Ndiago» (le puits des Manjacks). Qu’il s’agisse des autochtones ou des visiteurs qui, disent-ils, sont venus pour le Magal.

«Teenou Ndiago», repaire des malfrats

Pour satisfaire notre curiosité, nous avons fait une descente sur place. Le premier boutiquier trouvé dans ce quartier lugubre a, d’ailleurs, eu un commentaire qui en dit long sur la triste réputation du coin : «ici, il ne faut pas s’embarrasser de fioritures. Toutes les concessions sont des maisons closes ou des débits clandestins de boissons alcoolisées. Il y a aussi de la viande de porc. Faites un tour dans le quartier pour vous en rendre compte». Et le moins que l’on puisse dire est que «sa science infuse» s’est révélée, au finish, d’une rare exactitude. Des jeunes, en fait de gros bras, sont assis devant les demeures. Ils auraient pour mission de filtrer les entrées. Sans parler des disciples de Bacchus qui titubent et des racoleuses attendant un étalon passager aux portes du septième ciel.

Le décor «hot» a fini d'être campé. Des bouteilles vides de «wine» (bière) «Le Vieux» sont visibles par terre, sans parler de l’odeur étouffante du «yamba» (chanvre indien). Force est de dire que le quartier «Teenou Ndiago» est une sorte de no man’s land pour pervers. Pourtant, d’aucuns croyaient qu’avec la pause observée par les boîtes de nuit (Ngalam Night Club, Théâtre de verdure, Niani, Dunyaa…) les noctambules allaient se terrer chez eux. Il n’en fut rien. Ainsi va, hélas, la vie dans cette turbulente bourgade qui, aussi loin qu’on remonte dans le temps, a toujours été, dans un environnement tout de pureté, une base de repli pour débauchés.