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SANTE DES FEMMES : Les femmes fistuleuses abandonnées à leur sort dans le sud

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SANTE DES FEMMES : Les femmes fistuleuses abandonnées à leur sort dans le sud

DAKAR, 17 juin (IPS) - Dans la région du sud au Sénégal, 58 pour cent des accouchements se font à domicile sans aucune assistance médicale, ce qui explique la fréquence des fistules, affirment des responsables de la santé de la reproduction à Kolda, une ville située à 425 kilomètres de Dakar, la capitale.

Dr Charles Antoine Diatta, président de la Commission médicale de l’hôpital régional de Kolda, indique que sur 20 accouchements, au moins neuf femmes deviennent fistuleuses. La cause, selon lui, est le manque de suivi des femmes pendant la période de leur grossesse.

«Dans nos contrées, les filles sont données en mariage entre l’âge de 13 et 15 ans. Cette tranche d’âge coïncide avec la pleine adolescence et sur le plan morphologique, leur bassin osseux n’est pas encore arrivé à maturité. Ce qui constitue l’une des causes des fistules parce que lors des accouchements, le travail est prolongé», explique-t-il à IPS.

«Par exemple, lorsque la tête de l’enfant qui sort peut être coincée entre l’os du pubis et le sacrum des cosys : le bébé ne s’engage donc pas normalement à sortir par la voie basse. A la longue, les tissus de la paroi du vagin, pas suffisamment vascularisés, peuvent lâcher et causer une névrose. Ce qui provoque une communication entre la vessie et la paroi vaginale», souligne Dr Diatta. Conséquence : «La femme perd involontairement ses urines et ses matières fécales à travers le vagin».

Selon Diatta, le coût de la prise en charge d’une fistule se situe entre 70.000 et 150.000 francs CFA et il n’a jamais été question de gratuité pour ce traitement. «L’extrême pauvreté de la population dans ce milieu fait que les femmes fistuleuses fuient les structures de santé et ne reviennent pas souvent après une consultation. Elles s’isolent aussi parce ayant honte de leur maladie et de l’odeur qu’elles dégagent», déplore-t-il.

Fatou Sow, 55 ans, et originaire du village de Sarré Kémo, dans le département de Kolda, est fistuleuse. Le visage ridé et triste explique la souffrance intérieure de cette femme qui croupit sous le poids de la maladie pendant plus de 15 ans.

Selon Sow, c’est lors de son sixième accouchement qu’est survenue la fistule. «Mon mari, qui a déjà deux autres femmes, m’a abandonnée. Je sentais mauvais, ce qui fait que je passais mes journées loin des regards inquisiteurs qui faisaient de moi une pestiférée», témoigne-t-elle.

Elle explique à IPS que c’est une de ses voisines qui l’a informée du traitement de la fistule. «Je suis donc allée à l’hôpital, à Kolda, pour me faire examiner. Là, j’ai rencontré l’équipe de sensibilisation de l’UNFPA (Fonds des Nations Unies pour la population) qui m’a retenue. J’ai été opérée gratuitement avec succès», se réjouit-t-elle.

Mais, toutes les femmes fistuleuses de la région du sud du Sénégal n’ont pas cette chance. Roukhia Ba, 24 ans, mère d’un enfant, a eu sa fistule à 13 ans. «C’était lors de mon premier accouchement que je suis devenue fistuleuse. Mon mari m’a abandonnée, ma famille aussi. Je vais parfois à l’hôpital, mais souvent, c’est l’argent qui me fait défaut. Que notre Etat nous aide. Nous sommes nombreuses dans cette situation», déclare-t-elle à IPS.

Selon Dr Jacques Diamé Ndour, médecin-chef de district à Kolda, la région du sud du Sénégal est très enclavée et les hôpitaux manquent cruellement de personnel et de matériels de travail.

Selon l'Organisation mondiale de la santé (OMS), il existe au Sénégal sept médecins pour 100.000 habitants et une sage-femme pour 400.000 habitants. Dans la région de Kolda qui compte 847.243 habitants, il y a neuf médecins et quatre sages-femmes. Et la région de Ziguinchor, dans le sud-ouest, a cinq médecins et deux sages-femmes pour une population de 557.606 habitants.

Mais ces ratios sont insuffisants par rapport aux normes de l’OMS. Par exemple, le Rapport sur la santé dans le monde en 2006, estime que les pays ayant une densité de moins de 2,28 médecins, infirmières et sages-femmes pour 1.000 habitants, n’atteignent en général pas la cible de 80 pour cent de couverture pour les accouchements en présence de personnels qualifiés et de vaccination des enfants.

«Le personnel qualifié fait défaut dans cette localité. Pour preuve, toutes les sages-femmes du Sénégal sont entre Dakar, Thiès vers le centre et Saint-Louis, l’ancienne capitale coloniale dans l’extrême nord du Sénégal. Il va falloir envoyer plutôt de sages-femmes dans les régions enclavées du sud et réduire les complications lors des accouchements», explique-t-il à IPS.

Adama Ndoye, chargé de la santé de la reproduction au bureau de l’UNFPA, pense que s’il y a beaucoup de femmes fistuleuses dans la région du sud au Sénégal, c’est parce que cette localité est réputée très conservatrice et très ancrée dans les traditions.

Ousmane Baldé, imam à la grande mosquée de Kolda, regrette les conditions de vie des fistuleuses dans sa région, mais dégage en bloc la responsabilité des chefs religieux par rapport à la maladie.

«Si un parent veut marier sa fille de 10, 11 ou 12 ans à un octogénaire, ce n’est pas à nous de refuser. Nous allons seulement les accompagner pour que cela se fasse comme la tradition l’exige, c’est tout. Je pense que c’est l’Etat qui ne joue pas son rôle. Le personnel soignant est insuffisant», déplore-t-il à IPS.

Selon Assane Diagne, responsable de la santé publique à Kolda, l’Etat a souvent entrepris, avec l’aide de l’UNFPA, des campagnes d’élimination et de lutte contre des fistules au Sénégal.

«Entre janvier et mars de cette année, l’Etat a organisé des campagnes de sensibilisation et de prise en charge des fistuleuses. Les docteurs avaient traité une dizaine de femmes à Ziguinchor, plus au sud, et à Saint-Louis, dans le nord du pays. Ces campagnes sont également une occasion de former les gynécologues et chirurgiens exerçant dans les régions», souligne-t-il à IPS.

Ousmane Diaw, un élève en classe terminale au lycée de Kolda, estime qu’il faut davantage sensibiliser à la fois les jeunes et les parents.

«Ici, on ne laisse pas les filles aller à l’école. Elles sont envoyées en mariage très tôt. J’ai des camarades de classe qu’on a fait sortir de l’école pour cause de mariage. Certaines sont mortes lors d’un accouchement et d’autres sont devenues fistuleuses. Je pense qu’il est important de faire changer de mentalité aux parents, mais aussi de punir sévèrement les femmes exciseuses», déclare-t-il à IPS.

(FIN/2009)

Source: Inter Press Service News Agency



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