C’est l’histoire d’un homme de 41 ans, habitant la Médina, marié et père d’un enfant d’un an. Peintre de profession, il a failli perdre la vie du fait d’un estomac perforé par un méchant ulcère. Son sauveur, l’hôpital Aristide Le Dantec, le poursuit pour 136 000 FCfa. Il lui a même envoyé un commissaire priseur, menaçant de le traduire en justice. L’homme n’a même pas de quoi nourrir sa famille, a fortiori des biens susceptibles d’être saisis par l’hôpital comme on l’a menacé de faire.
Djim Ndiaye fait partie de la race des «goorgorlu». Ceux qui ne résignent pas à travailler, mais qui ne sont pas trop favorisés par dame nature. Peintre de profession, il a fini d’être un «homme aux 12 métiers» pour pouvoir tirer son épingle du jeu et trouver des moyens de subsistance. De Dakar à Saly où il a effectué des travaux de peinture, il a bourlingué partout jusqu’à contracter un méchant ulcère du fait des produits qu’il inhalait.
L’argent ne suivant pas les sommes d’efforts fournies, il a commencé à perdre son embonpoint. La maladie l’a rongé petit à petit. Faute de moyens, il n’a pas pu se soigner très tôt. Il allait épisodiquement dans des dispensaires de quartiers et se gavait d’Aspirine et d’Effaralgan pour calmer ses accès de douleurs.
Le 06 mars 2009, la douleur a failli l’emporter à l’au-delà. Son épouse et son ami Abdoulaye Ndao ont alors décidé de l’acheminer à l’hôpital. Djim, lui, ne savait plus où il était, tellement la douleur lui était insupportable. Il n’a pu que montrer à sa femme les 45 000 FCfa, représentant toutes ses économies. Somme que la dame a prise pour le conduire à l’hôpital. Au Samu social où on l’a acheminé, le médecin de garde a diagnostiqué une perforation de l’estomac. Il fallait alors l’opérer séance tenante. Faute d’avoir le matériel adéquat sur place, le médecin affrète lui-même une ambulance et l’achemine de toute urgence à l’hôpital Aristide Le Dantec. Là-bas, il est opéré. Ce qui l’a sauvé d’une mort certaine. Pour qu’il puisse passer au scalpel, sa femme a versé les 45 000 francs qu’elle gardait par devers elle et son ami Abdoulaye Ndao a déposé sa carte nationale d’identité en guise de garantie.
Au bout d’une semaine, Djim est libéré par l’hôpital, à charge pour lui de venir à des rendez-vous de suivi. Avant de quitter, on lui présente une facture de 181 000 (30 000 pour l’hospitalisation, 51 000 pour la fourniture de médicaments et de produits sanguins, et 100 000 pour les actes et examens réalisés). Comme sa femme avait versé 45 000 francs, il reste devoir 136 000 FCfa.
N’ayant pas la somme demandée, Djim se rend à la préfecture de Dakar où on lui remet un certificat d’indigence qu’il apporte au service de la facturation de l’hôpital A. Le Dantec. On lui répond que l’hôpital ne reçoit pas ce type de document. Il se rend ensuite à la Direction de l’action sociale pour solliciter l’aide de l’Etat. Réponse : «Les prises en charge sont terminées pour cette année (2009 : Ndlr). Attendez l’année prochaine.» Le 31 août 2010, encore acculé par l’hôpital, il se rend à nouveau à la Direction de l’action sociale pour déposer un autre dossier. On lui a servi la même réponse qu’il y a un an.
Quelques jours auparavant, il avait reçu la visite de Me Mounirou Diop, commissaire priseur, mandaté par l’hôpital Aristide Le Dantec, pour recouvrer la créance et s’il y a lieu de le faire, déclencher une procédure contentieuse. Le commissaire venu jusque chez Djim s’est rendu compte que le bonhomme ne refuse pas de payer, il n’a pas les moyens de le faire. Et même si l’hôpital voulait saisir ses biens, il ne pourrait pas, car Djim n’en a pas. Malgré tout, l’hôpital continue à lui réclamer son argent, retenant ainsi la carte nationale d’identité de son ami Abdoulaye Ndao qui ne voulait qu’aider un Sénégalais et ami en détresse.
Depuis son opération, Djim n’a pas reçu de soins. L’hôpital lui demande de passer à la caisse d’abord. Qui disait qu’il y avait au Sénégal un délit de non assistance à personne en danger ?
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