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SCANDALE 2006 - Célébration de l’Année Senghor : Le Sénégal «ignore» son fils

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SCANDALE 2006 - Célébration de l’Année Senghor : Le Sénégal «ignore» son fils

L’an 2006 tire à sa fin et avec elle s’achève l’Année Senghor, année au cours de laquelle, ici comme ailleurs, avec joie, tendresse et ferveur, a été célébré l’Orphée noir, le pionnier et le bâtisseur que fut Léopold Sédar Senghor. Au Sénégal, la célébration est restée sans phares.

2006, dénommée Année Senghor, a servi de crénaud pour une célébration exceptionnelle, multidirectionnelle et multiculturelle dans le monde entier, jusqu’en Amazonie, du centenaire du Président Léopold Sédar Senghor. Partout ailleurs (selon le voeu de la Francophonie), cet événement, qui s’est étalé sur toute l’année 2006 et décidé par décret présidentiel(au Sénégal), devrait être une occasion de revisiter l’œuvre littéraire, philosophique et politique et humanisme de Léopold Sédar Senghor dans un double mouvement d’hommage et d’interprétation critique. Ce fut en tout cas le vœu pieu des autorités sénégalaises, en l’occurrence du chef de l’Etat Me Abdoulaye Wade qui a annoncé en avril dernier que l’œuvre de Senghor étant un viatique précieux pour «notre jeunesse», il conviendrait de célébrer l’Année Senghor à partir d’un programme réaliste et mobilisateur. Ailleurs, c’est fait. Ici, au Sénégal, c’est le camouflet.

Le 26 janvier dernier à Joal, un séminaire de concertation sur le programme national de célébration du centenaire de la naissance de Léopold Sédar Senghor s’est tenu. Cette rencontre qui avait pour but d’appliquer le décret présidentiel du 10 janvier 2005, ayant décidé de célébrer cet événement, avec la création d’une Commission nationale composée de six commissions, «Colloque», «Expositions», «Spectacles», «Cinéma et Images», «Communication-Marketing», «Jeunesse-Education». L’installation de cette mission, dont le chef est, Moustapha Tambadou, a été suivie par des séances de travail, à Paris, avec des institutions partenaires comme l’Oif, l’Unesco. Des réunions ont également eu lieu dans la capitale française et à Dakar avec des autorités d’institutions, ainsi qu’avec les ambassades de France et du Canada à Dakar qui ont manifesté de l’intérêt pour le programme national de célébration du Centenaire de la naissance de Senghor. Tout le monde a ainsi attendu l’événement avec engouement au vue des discours qui se tenaient. Le chef de l’Etat a dit sa ferme volonté de célébrer cet événement avec l’éclat approprié. Et son ministre de la Culture de préciser qu’il s’agira d’une occasion «non seulement de nous réapproprier des balises utiles et puissantes du Maître regretté mais aussi, et surtout, de faire connaître à la jeunesse une œuvre et un itinéraire exemplaires». «2006, proclamée Année Senghor, devra rester à jamais gravée dans nos mémoires comme celle où une Nation a prouvé sa totale solidarité en honorant un homme qui avait fait de l’unité nationale son ambition première et même son leitmotiv», avaient-ils souligné avec conviction, précisant que l’’œuvre de Senghor étant est un viatique précieux pour la jeunesse, l’objectif global visé par cette célébration est de revisiter l’œuvre littéraire, philosophique et politique de Léopold Sédar Senghor dans un double mouvement d’hommage et d’interprétation critique.

Mais quel bilan tirer au terme de cette année, à l’analyse et au regards des différentes manifestations qui ont ponctué l’année Senghor ? Est-ce une réussite ou un échec ? Le Sénégal est-il fier de la manière dont il a célébré le centenaire de son premier Président ? Tout le monde, presque, s’accorde sur le fait que les autres pays dans le monde, ont trouvé les meilleurs formules pour cette célébration, contrairement à la terre natale de Léopold Sedar Senghor qui est «restée carrément à la traîne».

Falillou Ndiaye, le coordonnateur des conférences, jetant un regard critique sur l’ensemble de l’année reconnaît que «le Sénégal pouvait mieux faire». Et c’est pourquoi, ôtant son chapeau de membre de la Fondation Senghor, pour celui de Professeur de lettres, Falillou Ndiaye a indiqué que «l’Etat du Sénégal, le gouvernement du Sénégal en particulier, a raté une occasion de pouvoir véritablement revisiter la pensée critique d’un des pères fondateurs de la République sénégalaise, pour ne pas dire de la Nation sénégalaise». Pour lui, cela aurait été très utile de partir de cet événement, pour évaluer à mi-chemin la construction de l’Etat de droit de la Nation sénégalaise. Surtout que «comprendre l’histoire de Senghor ne consistait pas à réunir tout le temps, les adulateurs et les contradicteurs de Senghor pour des débats, mais simplement faire en sorte que le débat soit pluriel et ouvert».

Et, c’est aussi la conviction du Pr Oumar Sankharé, pour qui au niveau de l’Etat, rien n’a été fait véritablement dans le cadre de cet anniversaire. «Ils ont véritablement saboté l’Année Senghor. Et cela pourrait se justifier peut-être par le fait qu’on tend vers une année électorale ou parce que les autorités sont très prises.» Il est clair, selon Sankharé que si le gouvernement du Sénégal n’a pas voulu célébrer l’Année Senghor comme cela se devait, c’est simplement pour que cela ne lui porte pas ombrage. «Wade, son obsession, c’est de passer pour le premier à tout faire, à tout savoir et à tout mériter. Abdoulaye Wade, veut s’ériger visiblement à la hauteur de Senghor et ce qui le prouve, c’est qu’il parcourt le monde, à la recherche de distinctions honorifiques. Mais il ne pourra pas véritablement accéder à la cheville de Senghor. Me Wade a reçu dernièrement un Prix à la Sorbone et a dit publiquement qu’il est le premier à être honoré par la Sorbone, alors qu’il sait que Senghor au début des années 60, a obtenu cette distinction», analyse le Pr Sankharé qui rappelle par ailleurs que le chef de l’Etat n’a même pas participé à la cérémonie d’ouverture de l’Année Senghor. «Le jour où cela était prévu, il y a eu durant la période une cérémonie religieuse concernant Gaïndé Fatma, et le chef de l’Etat a préféré se rendre à la cérémonie de commémoration de ce chef religieux, au détriment de la cérémonie d’ouverture de l’Année Senghor. Et tout le monde sait que ce Gaindé Fatma a été l’adversaire de Senghor», fustige Sankaré, comme pour révéler que le Président avait simplement choisi le clan de l’adversaire de Senghor au moment où tous les Sénégalais l’attendaient pour un vibrant hommage au Père de la Nation sénégalaise.

D’ailleurs, le Pr Sankaré, revenant sur les vrais motifs qui ont conduit à l’échec de l’Année Senghor, a servi la version du Pr Iba Der Thiam, qu’il aurait abordé et qui lui a simplement notifié que Senghor n’est pas le seul Sénégalais qu’il faut célébrer. Oumar Sankharé rapporte la confession de son ami Iba Der : «Nous avons fait suffisamment pour Sen-ghor et il y a d’autres aussi à l’instar de Blaise Diagne, Galandou Diouf, Lamine Guèye, Cheick Anta Diop, Birago Diop, Mamadou Dia qu’il faut aussi célébrer.” Oumar Sankharé poursuit qu’en plus de ces genres de raisonnement développé dans les rangs du régime de Wade et qui ont participé à la médiocrité de la célébration de l’Année Senghor, s’ajoute également, une autre certitude des autorités sénégalaises : «Le Président Abdou Diouf qui a été l’acteur de la désenghorisation, souhaite maintenant se faire racheter en tant que Secrétaire général de l’Oif. Et par conséquent le Sénégal sous le régime de Wade, ne doit pas servir d’abri pour qu’il fasse son mea-culpa et réussir à grande échelle sa formule de commémoration de l’Année Senghor.» Rivalité politique, quand tu nous tiens !

En tout état de cause, même si tous les intellectuels sénégalais, hommes et femmes de lettres interpellés sur la question, reconnaissent que le Sé-négal a sabordé la célébration de l’Année Senghor, Oumar Ndao, enseignant à la Faculté des Lettres de l’Université Cheikh Anta Diop, par ailleurs dramaturge et membre de la commission qui a rendu hommage à Senghor lors de son décès en 2001, affirme qu’il est tout faux de penser que la mauvaise célébration de l’année Senghor au Sénégal est une faute du ministère de la Culture ou de l’Etat. Pour lui, chaque Sénégalais a sa part de responsabilité dans cet échec avoué par tous.

Une position que semble partager le poète Amadou Lamine Sall, et fervent disciple de Senghor, qui attribue, quant à lui, cet échec à l’absence de budget adéquat au ministère de la Culture, pour fêter de manière grandiose l’événement. «Au Sénégal, cette commémoration fut modeste, frustrante mais à chaque fois forte et sincère. Plus que des moyens, c’est le manque d’organisation, de communication et de concertation, qui a manqué. Tout le monde atten-dait tout de l’Etat. Le ministre de la Culture a regretté l’absence de budget qu’il a trouvé à son installation», a indiqué le Président de la Mapi, qui aurait souhaité qu’on nomme un Commissaire de l’Année Senghor et cela aurait permis une bonne organisation. Car si cela n’a pas réussi, c’est parce que «la commémoration a été confinée au ministère de la Culture qui n’a pas eu les moyens budgétaires attendus pour faire face aux centaines de demandes qui arrivaient. D’où cet échec patent». Selon Amadou Lamine Sall, «la volonté politique était là, mais les moyens n’étaient pas là. Mais ce qu’il convient aujourd’hui de retenir, c’est que nous avons tous célébré Senghor dans nos cœurs».

2007, ANNEE SENGHOR ?

Pour certaines personnes, à l’instar de Falillou Ndiaye, nouveau doyen de la Faculté des Lettres de l’Ucad, et coordonnateur des conférences de la Fondation Léopold S. Senghor, le chef de l’Etat avait promis en avril dernier, lors de son discours à la Nation, qu’il allait vraiment dérouler le tapis rouge au défunt Président Sénghor, dont l’œuvre et la pensée devraient revitaliser, réarmer la Nation, la jeunesse et les populations, en ces temps de disettes chroniques, et de désespérance. Malheureusement, «Le Sénégal a fêté l’année Senghor sur la pointe des pieds», soutient M. Ndiaye. Mais il n’est jamais trop tard pour bien faire, de l’avis de ce disciple de Senghor, qui pense que c’est à l’honneur du chef de l’Etat et du gouvernement de saisir d’autres occasions pour rectifier le tir. Car, comme le fait remarquer Amadou Lamine Sall, «la célébration de Senghor ne finit pas en fin décembre, même si c’est en fin décembre que finit le centenaire».

En effet, «Senghor, même si on ne le fête pas, il se fête lui même. Car son œuvre poétique, sa pensée, font que Senghor sera toujours fêté à chaque fois. Et il n’y a rien à rattraper. Il faut continuer à le fêter pour que Senghor soit mieux lu, mieux connu et pour que son héritage politique puisse aujourd’hui servir à notre pays, au moment où nous allons vers des élections législatives et présidentielle», estime Sall.

Un avis que ne partage pas pleinement le Pr Oumar Sankaré, qui ne partageant pas tout à fait la formule de l’Eglise sénégalaise, qu’il qualifie de «réductrice», loue cependant son initiative de célébrer à son tour Senghor en 2007.

C’est à la suite d’une messe de Requiem, célébrée le 20 décembre dernier, sous le sceau de l’oecuménisme, et qui a permis aux Chrétiens comme aux Musulmans de prier pour le repos de l’âme du président poète, que l’archevêque de Dakar, Mgr Théodore Adrien Sarr, chargé de l’Enseignement privé catholique au sein de la Conférence épiscopale, a annoncé que du 20 décembre 2006 au 20 décembre 2007, l’année Léopold Sédar Senghor sera célébrée par l’Enseignement privé catholique au niveau de tous les diocèses du pays. Une décision critiquée déjà de part et d’autre, mais qui selon Mgr Théodore Adrien Sarr est «une volonté largement partagée avec les responsables diocésains de célébrer Senghor, qui fait partie aujourd’hui du Patrimoine universel de l’humanité». Ainsi cette nouvelle année Senghor, permettra de l’avis de l’archevêque de Dakar de non seulement sauver de l’oubli ce qui n’a pas été fait sur Senghor, mais surtout de véritablement proposer son exemple aux générations nouvelles.

«La personnalité de Léopold Sédar Senghor, sa vie et son oeuvre, l’Africain noir, le catholique, le poète et le président qu’il fut, doivent être présentés en exemple aux enfants et aux jeunes Africains», a soutenu Mgr Sarr.

De plus cette décision fera l’objet de célébrations par les différents évêques des diocèses du Sénégal. Et c’est pour cette raison que déjà, Mgr Théodore Adrien Sarr exhorte les enseignants à faire preuve de créativité et d’imagination, afin de donner à l’année 2007, «année senghor pour l’Eglise du Sénégal », un contenu efficient, pour la formation des enfants. Et c’est dans ce sens que sera également tenue en mars 2007, un colloque international, organisé conjointement par deux universités américaines et l’Ucad. Colloque qui de l’avis du Pr Oumar Ndao permettra de comparer Senghor et Birago Diop, qui sont tous les deux nés en 1906.  



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