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SENEGAL : Enfants en danger : Les enfants de la rue

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SENEGAL : Enfants en danger : Les enfants de la rue
SAINT-LOUIS, le 16 juin (IRIN) - Assise sur un canapé, entourée de ses enfants, petits enfants, neveux et nièces, Awa Cheikh Sow, tente en vain de fixer son regard sur l’écran de télévision.

A intervalles réguliers, elle détourne son regard et le pose avec tendresse sur le jeune homme assis à même le sol, dans le coin gauche de la pièce de cette petite maison de Saint-Louis du Sénégal, l’ancienne capitale coloniale de l’Afrique occidentale.

Vingt heures auparavant, son fils prodige était revenu à la maison.

« J’ai beaucoup pleuré hier », déclare cette une femme frêle, prématurément vieillie par la maladie et le travail. « J’étais tellement contente de retrouver mon fils ».

A ces paroles, Alé, son fils, un jeune homme au regard timide, incline la tête, comme pour mieux se remémorer la scène de la veille qui semble encore irréelle.

Cela faisait plus d’un an et demi qu’elle n’avait pas revu Alé et personne ne savait où il se trouvait jusqu’à son retour. Il était rentré, accompagné de trois jeunes hommes travaillant à Village Pilote, une ONG qui cherche à réinsérer les enfants des rues en milieu familial.

« On t’a cherché partout où on nous avait dit qu’on t’avait aperçu. Je pensais que tu étais dans la région de Touba et je comptais [m’y] rendre pour aller te chercher », s’était exclamé son grand frère qui, se trouvant vers les trois hommes, lança : « Merci pour ce que vous faite, c’est vraiment extraordinaire ».

« On oblige jamais un jeune à rentrer chez lui », explique Shérif Makhfou Ndiaye, de Village Pilote. « Mais lorsqu’il dit être prêt, on programme son retour.», ajoute-t-il.

« Mais du coté des familles, ce n’est pas facile ; on ne sait jamais à quoi s’attendre. Il y a des parents qui n’en ont rien à faire. D’autres sont méfiants car ils pensent qu’on va leur demander quelque chose. Mais je leur explique qu’on est là uniquement dans l’intérêt de leur enfant et la raison pour laquelle on le ramène ».

La rue comme solution pour échapper aux violences

Alé a commencé à fuguer à cause de son frère aîné chez qui il vivait depuis la mort de son père. Sa mère étant partie vivre à Saint-Louis, Alé est resté au village pour aider son frère à travailler dans les champs de riz.

« Lorsqu’il rentrait et qu’il nous voyait, moi, mes amis et mes frères, en train de jouer au lieu de travailler dans les champs, il nous battait », explique Alé. A chaque fois, il se réfugiait à Saint-Louis, dans la petite maison blanche de sa mère. Mais elle le ramenait systématiquement.

En 2004, il a décida de partir loin et d’aller rejoindre les rangs des dizaines de millions d’enfants des rues qu’on compte dans le monde. Selon un rapport de l’UNICEF intitulé « La situation des enfants dans le monde en 2006 », il est impossible de déterminer de façon précise le nombre d’enfants des rues.
Enfants mendiants, heureux d'avoir un repas




Comme la plupart de ces enfants, Alé a très vite appris à être mobile. Ainsi, après sa fugue, il monta à bord d’un « car rapide », un de ces vieux cars de transport jaunes et bleus qui sillonnent le pays, et se rendit dans la ville de Touba, à 169 km de Saint-Louis. Et comme il était sans le sou, il régla la course en cédant sa montre au chauffeur.

C’est au cours de sa première nuit à Touba, alors qu’il tentait de trouver un endroit ou dormir, qu’il a rencontré les quatre compagnons qui lui ont appris à mendier et à voler des volailles qu’il revendait ensuite. Pendant trois mois, ils allaient devenir sa seule famille.

Plus tard, il est parti avec trois d’entre eux pour se fixer à 190 km plus loin, à Pikine, une banlieue dakaroise, où, comme tous les enfants dans sa situation, il mendiait et revendait le sucre, le riz, les gâteaux, les arachides qu’on lui donnait en aumône. La nuit, ils dormaient sous les camions garés dans une station-service.

Alé et ses compagnons d’infortune revendaient tout ce qu’ils recevaient dans une porcherie longeant une voie de chemin de fer. Plusieurs familles bissau-guinéennes y vivaient, au milieu des ordures et des cochons qu’elles élevaient

« Après, on partait au vidéoclub, et toute la journée, nous regardions des films de Jean-Claude Van Dam ou de Jet Li, mon acteur préféré », raconte Alé.

Sauvé des dangers de la rue


En février 2005, Alé intégrait le refuge où, pendant plus d’un an, il vécu avec une quinzaine d’enfants âgés de 8 à 15 ans, la plupart provenant de milieux ruraux, et ayant fui les écoles coraniques dans lesquelles leurs parents les avaient placés.

Depuis qu’il a quitté la rue, Alé n’a revu qu’un seul de ses anciens camarades, à l’occasion d’un match de football organisé par le refuge et auquel participaient les enfants du quartier et ceux de la rue. Il l’a mis en contact avec les animateurs pour qu’il intègre le refuge, mais depuis ce jour, il a disparu.

« Il traînait avec des jeunes qui sniffaient de la colle et avaient une mauvaise influence sur lui. Je ne l’ai plus revu ».

Alé se rappelle qu’il a été conduit au refuge par un des éducateurs du refuge à la suite d’une bagarre de rue.

« Je m’étais battu avec un jeune qui m’avait blessé à la lèvre. Il est parti chercher un couteau et Mamadou [l’un des éducateurs du refuge] est arrivé et m’a ramené au refuge. Le jeune nous a suivi jusque là, le couteau à la main. Mamadou l’a chassé et depuis, je n’ai pas quitté le refuge ».
Les enfants de la rue sont souvent confrontés à la drogue, à la violence et aux abus sexuels



Tout comme les abus sexuels et la drogue, la violence est l’un des nombreux dangers auxquels sont confrontés quotidiennement les enfants de la rue.

« Je n’ai jamais été victime d’agression sexuelle, mais j’ai déjà rencontré des jeunes à qui c’est arrivé », raconte Alé, qui selon Shérif, est l’un des rares enfants du refuge à n’avoir ni subi, ni perpétré ce genre d’abus.

Aujourd’hui, Alé qui a suivi des cours d’alphabétisation à Village Pilote et une formation de boulanger envisage de continuer ce métier à Saint Louis, ou de devenir sculpteur, comme son frère.

« Sans le Village Pilote, je serais encore dans la rue. Je snifferais de la colle, je volerais, je serais dans une prison pour mineur, ou peut être même que je serais mort », affirme t-il, en lançant un regard à sa mère, avant de la rejoindre sur le canapé.


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