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SERVICES CHIRURGIE À LE DANTEC ET DANS LES RÉGIONS : LA VÉTUSTÉ DU MATERIEL EST PRÉOCCUPANTE

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SERVICES CHIRURGIE À LE DANTEC ET DANS LES RÉGIONS : LA VÉTUSTÉ DU MATERIEL EST PRÉOCCUPANTE

Le service de chirurgie générale de l’hôpital Aristide Le Dantec a réalisé 3.287 interventions chirurgicales en 2006. Le nombre de malades opérés cache le désarmement de ce fleuron de la médecine sénégalaise et chantre de la formation des chirurgiens en Afrique.

Situé au fond de l’hôpital Aristide Le Dantec et près de l’Institut national de lutte contre le cancer, le bâtiment du bloc de chirurgie générale peint en couleur jaune de l’extérieur a reçu plusieurs cures de jouvence. Un retapage aujourd’hui rattrapé par le temps. « Les locaux du bloc opératoire ne sont plus adaptés. Nous avons rénové les bâtiments avec l’aide de la coopération japonaise en 1995 suite à un projet que le professeur Adrien Diop et moi avions ficelé », indique le Pr Cheikh Tidiane Touré, chef du service chirurgie de l’hôpital Le Dantec. Les salles d’opération et celles des urgences ne sont pas dans la même section du bâtiment.

De la salle des opérations réglées, on emprunte le couloir où l’on voit des patients assis sur les bancs avec leur carnet, après le détour, on entre dans la zone d’opération des urgences. Les matériaux hors circuit sont dans le couloir. Une lampe scialytique abîmée est placée à l’entrée de la salle 6. A l’intérieur et au-dessus des lampes scialytiques, la peinture du plafond est râpée par les suintements de l’eau. « Durant l’hivernage, nous sommes obligés de fermer certaines salles parce que l’eau pénètre. Notre activité est considérablement réduite », révèle le Pr Touré.

En face de la salle de réveil des opérés et au fond d’une pièce, deux machines utilisées dans la stérilisation couvertes de poussière sont rouillées, elles sont entreposées avec leurs accessoires avec d’autres tas hétéroclites de matériels.

Le décor témoigne de la vétusté du matériel du service de chirurgie générale qui est aussi un centre de formation.

Le scope, appareil servant à mesurer le rythme du cœur, les respirateurs, les aspirateurs, la lame de bistouri électrique, les tables d’opérations, confesse le professeur, sont vieux et font défaut. « L’équipement est mort depuis 1993. Ce qui réduit notre système de fonctionnement », confie le membre de l’Académie française de chirurgie, le Pr Cheikh Tidiane Touré.

Sur les 4 salles d’opération réglée, les spécialistes sont à l’œuvre uniquement à la salle I en ce mercredi 4 juin aux environs de 11 heures. Les trois autres salles sont fermées. A la salle de stérilisation, un homme en blouse verte s’évertue à nettoyer les lieux où sont positionnées trois autoclaves en forme d’armoire et reluisant sous les effets de la lumière. Ce sont des matériels essentiels pour la réalisation de tout acte chirurgical, mais un seul est fonctionnel.

« C’est une seule autoclave qui fonctionne, l’une a des problèmes de chaudière, l’autre n’a pas de carte mémoire depuis 6 mois. En cas de panne, on est obligé de revenir à une méthode qui est aujourd’hui dépassée », a laissé entendre l’infirmier d’Etat, Mamadou Dabo. Le service souffre d’un déficit de personnel, une vraie ironie du sort. Car, la plupart des chirurgiens des pays d’Afrique y sont formés ainsi que les paramédicaux sénégalais. Le sous-équipement du plateau technique, l’insuffisance des ressources humaines cachent pourtant les résultats satisfaisants obtenus par le professeur Touré et son équipe.

Du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2006, le service de chirurgie générale de l’hôpital Aristide Le Dantec a réalisé 3.287 opérations. Soit le cumul des interventions de l’hôpital Principal et de l’ex-Cto, selon le Pr Touré qui fait savoir que ce chiffre n’a rien à voir avec les opérations en urologie, pédiatrie, entre autre.

ACTIVITES CHIRURGICALES DANS LES REGIONS : Radiographie d’une spécialité mal en point

La fréquence des ruptures de consommables, l’insuffisance de chirurgiens, des agents de soutien et de médecins anesthésistes, la panne des autoclaves, des respirateurs sont des problèmes à résoudre pour permettre un fonctionnement correct des services de chirurgie dans les régions.

L’activité chirurgicale dans les établissements de Santé de l’intérieur du pays est suspendue à plusieurs contraintes. A l’hôpital Amadou Sakhir Mbaye de Louga, le service de réanimation et les deux salles d’opération sur les trois ne sont pas fonctionnels, lance le médecin qui faisait la présentation lors de l’Assemblée générale de l’association des chirurgiens du Sénégal. Pour l’hôpital de Saint-Louis, qui a réalisé 2.384 interventions en 2007, le sous-équipement du service de réanimation, l’insuffisance de médecins-anesthésistes, la récurrence de la panne du respirateur à ventilation contrôlée et de l’amplificateur de brillance sont les handicaps aux activités chirurgicales.

« Le programme de l’activité chirurgicale est réduit. L’attente des patients est devenue longue », explique le médecin chargé de présenter les activités de la chirurgie de l’hôpital de Saint-Louis.

A l’hôpital régional de Tambacounda, le service de chirurgie fonctionne au ralenti à cause des ruptures chroniques de gaz, de l’insuffisance des chirurgiens, de la vétusté des salles d’opération, entraînant des perturbations du programme chirurgical.

Selon le chirurgien Sogo Millogo, sur 1353 opérations réalisées en 2006, 719 sont des interventions d’urgences. « Nous n’avons pas une équipe pour faire des césariennes, nous manquons d’intrants ce qui perturbe des programmes réglés depuis des mois. Le personnel se résout de plus en plus à faire des chirurgies d’urgence plutôt que de faire de la chirurgie réglée », a révélé le docteur Sogo Millogo de l’hôpital régional de Tambacounda. La situation à l’hôpital de Kaolack n’est guère reluisante. Le service de chirurgie ne compte qu’un médecin anesthésiste et deux chirurgiens généralistes qui ont réalisé 1.516 interventions chirurgicales en 2007. Le docteur Mouhamed Soh Bâ a soulevé l’usure des instruments, la non-qualification des agents de soutien et surtout le problème de stérilisation des instruments. « Il y a une panne fréquente du respirateur, la rupture en consommables et un bas niveau du personnel de soutien », fait remarquer Mouhamed Soh Bâ.

A Kolda, on dénombre deux chirurgiens spécialistes, un chirurgien obstétrical et un chirurgien ophtalmologiste. La conséquence : certains chirurgiens sont obligés parfois d’intervenir dans des domaines qui ne sont pas de leur compétence ou de référer les malades vers Ziguinchor ou Dakar. « Hormis la chirurgie obstétricale et en cataracte, nous n’avons pas d’autres chirurgiens spécialisés, un chirurgien généraliste pour un hôpital qui a une vocation sous-régionale, cela pose problème. Les matériels ne sont pas renouvelés, des autoclaves tombent en panne, ce qui nous oblige à faire des évacuations », explique le docteur Charles Diatta. A l’hôpital Heinrich Lübke de Diourbel, il faut régler dans l’urgence le problème de l’étanchéité des portes des blocs opératoires et de défaut de stérilisation. « Nous sommes confrontés aux problèmes de rupture en consommables. Il y a aussi l’étanchéité des portes du bloc opératoire et le défaut de stérilisation », a énuméré le docteur Abdou Karim Diop. A la différence des hôpitaux précités, celui de Thiès fonctionne normalement, selon le docteur Malick Mbaye. On y dénombre 4 salles d’opération et un ratio de deux chirurgiens par salle.

Donc, dans l’ensemble, l’activité chirurgicale traîne de graves problèmes dans les régions. Ce qui appelle des solutions d’urgence.

ABDOURAHMANE DIA, VICE-DOYEN DE LA FACULTE DE MEDECINE DE L’UCAD : « Il est temps d’encourager les jeunes à faire la chirurgie »

Abdourahmane Dia, vice-doyen de la Faculté de Médecine, de Pharmacie et d’Odontostomatologie de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (Ucad), est un professeur titulaire des universités. Il fait partie de l’équipe professorale responsable de la formation des étudiants et des médecins en chirurgie. Le chef du service de chirurgie pédiatrique de l’hôpital Aristide Le Dantec exprime ses inquiétudes sur le nombre insignifiant de spécialistes et des praticiens sénégalais en cours de spécialisation.

Faites-nous l’historique de la formation des chirurgiens au Sénégal...

Jusque dans les années 1970, la formation des chirurgiens au Sénégal était assurée par le concours de recrutement des internes des hôpitaux. C’était un concours particulièrement difficile. C’était la seule voie pour pouvoir accéder à la spécialisation jusqu’en 1970. Ce n’est qu’en 1975 que, pour la première fois, on a ouvert un Certificat de spécialisation (Cs), de spécialité chirurgicale en ophtalmologie. C’est avec le Cs qu’a démarré la formation de chirurgien. Après, il y a eu d’autres Cs qui ont suivi, comme celui de chirurgie générale, de gynécologie obstétrique, le Cs orl, le Cs d’urologie, le Cs d’orthopédie traumatologie, le Cs de neurochirurgie, le Cs de pédiatrie. Actuellement, il y a deux possibilités de pouvoir accéder à la spécialisation en chirurgie. C’est soit par le concours de l’internat, soit par la voie de Cs.

Que faudra-t-il faire pour augmenter le nombre de chirurgiens au Sénégal ?

Il faut augmenter le nombre de spécialistes, parce qu’il est nettement insuffisant aussi bien dans les régions qu’au niveau du cycle de formation. Ce sont surtout les étrangers qui embrassent cette carrière. La limite objective est, entre autre, le manque ou le peu de bourses octroyées aux médecins ou aux étudiants désirant embrasser la chirurgie. Dans les régions, il y a au maximum un spécialiste. C’est rare que l’on en trouve deux dans la même discipline. Il y a même des spécialistes qui ne sont pas des Sénégalais, c’est dire que le besoin existe.

Pour renverser cette tendance, il faut d’abord aimer ce difficile métier, relever le niveau de rémunération des spécialistes. Parce que jusque-là, la spécialisation n’est pas prise en compte par la Fonction publique comme on le voudrait. Il faudra donner le maximum de bourses à ceux qui veulent embrasser cette formation et aussi renforcer les supports pédagogiques, les infrastructures hospitalières et surtout les services de chirurgie qui sont appelés à accueillir les étudiants.

Est-ce qu’il n’est pas nécessaire de donner une nouvelle orientation à la formation ?

Il faut revoir la formation, parce qu’il y a de nouvelles données liées au développement de l’Internet, de la télémédecine, des ressources humaines. Le nombre d’étudiants a considérablement augmenté. Il faut en tenir compte. Il faut pouvoir s’arrimer sur ce qui se fait sur le plan international avec l’avènement du système Lmd (Licence, master, doctorat). On va faire ce qu’on appelle le concours national classant, il faut revoir la manière de former les spécialistes. Aujourd’hui, il y a 276 étudiants sénégalais en spécialisation sur un ensemble de 1.147 étudiants en spécialisation en chirurgie au niveau de la Faculté de Médecine, de Pharmacie et d’Odontostomatologie. On est donc très loin du compte. Il est temps d’encourager les jeunes à venir embrasser cette spécialité, même si c’est difficile. Il faut mettre les moyens, je pense que ça pourra aller. Il y a un partenariat qui est en train d’être lié avec le ministère de la Santé pour soutenir davantage les jeunes qui veulent faire la chirurgie. C’est aussi la promesse ferme du ministre de l’Education de s’impliquer de façon beaucoup plus soutenue dans l’encadrement des étudiants dans les stages hospitaliers, puisqu’il ne faut pas oublier que les médecins universitaires relèvent de l’Education nationale. De ce point de vue, c’est ce secteur qui doit apporter sa contribution à l’amélioration des stages des étudiants dans les hôpitaux. Actuellement, il y a un nouveau souffle qui est en train d’envahir les autorités ministérielles et même au niveau du rectorat, dans la formation pratique.

Les évacuations à l’étranger sont-elles en baisse ?

Le nombre d’évacuations est en baisse. Il faut savoir qu’au niveau des services chirurgicaux, tout ce qui se fait en Occident peut se faire dans nos hôpitaux universitaires. Les ressources humaines existent. Ce qui fait souvent défaut, c’est le plateau technique, les infrastructures et les équipements nécessaires, pour faire certaines interventions. Sinon, les gens formés sont capables de prendre en charge les pathologies qui font très souvent objet d’évacuation vers l’étranger. Il faut enrichir et moderniser le plateau technique pour qu’on arrive à prendre en charge entièrement certaines pathologies qui nécessitent une évacuation vers l’extérieur. Il faut dire aussi que certains préfèrent, pour des raisons tout à fait personnelles, aller se faire traiter à l’extérieur.

CHIRURGIE PLASTIQUE ET RECONSTRUCTIVE : Un chirurgien pour 12 millions de Sénégalais

Le nombre de chirurgiens au Sénégal est insuffisant. Ils sont 150 pour les 12 millions de Sénégalais. Mais, l’effectif le plus effarant, c’est celui des chirurgiens spécialisés en plastique et en reconstruction. « Certaines spécialités pourtant utiles sont quasi-inexistantes, c’est le cas de la chirurgie plastique et reconstructive : 1 seul spécialiste pour les 12 millions de Sénégalais. Ce type de formation doit s’acquérir à l’étranger. L’Etat doit offrir des bourses de formation pour atteindre une masse critique de spécialistes », a indiqué le Pr Cheikh Tidiane Touré dans un texte rendu public lors de l’Assemblée générale de l’association des chirurgiens du Sénégal



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