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Situation actuelle de l’école : Une véritable destruction

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Situation actuelle de l’école : Une véritable destruction
Qualifier de véritable destruction ce qu’on est en train de faire subir à notre système éducatif, n’est pas un excès de langage. En effet, les débrayages systématiques auxquels les enseignants du moyen secondaire se livrent, ne peuvent manquer d’avoir des effets dévastateurs sur le niveau des élèves. Ces milliers d’adolescents, déversés ainsi dans la rue, ne sont pas seulement sevrés d’enseignements précieux. Dans leur tête, sont aussi installées les images négatives d’acteurs constamment en querelle dans un espace où doivent régner la sérénité et l’entente autour de l’essentiel. Cela est d’autant plus choquant que, pendant ce temps, on fait des dépenses de prestige pour éblouir, pour assouvir sa soif d’affirmer partout et à tout prix sa puissance. En cette période de crise où l’argent est partout plus que nécessaire, on peut aisément comprendre la rage des enseignants devant ce qu’on peut appeler le manque de considération de l’Etat à leur égard. D’autant que, pour une énième fois, ils se sont rendus à des négociations dans l’espoir, une fois pour toute, de pacifier l’espace scolaire depuis si longtemps déjà bien malmené ! La défaillance de l’Etat pour des raisons d’insuffisance de trésorerie, ne pouvait manquer de pousser les enseignants à faire usage de l’arme ultime du boycott des cours.

Une arme ultime, mais dévastatrice

Arme ultime, mais arme redoutable, dévastatrice, aux conséquences incalculables. Les enseignants ont été, sans certainement le vouloir, entraînés dans une logique de confrontation, logique où hélas, n’entre pas seulement en jeu le besoin légitime d’être en possession de son dû, mais aussi, peut-être, la soif de se venger, de montrer eux aussi leur force. Le sentiment de l’humiliation peut pousser, si on n’y prend garde, à des actes regrettables et déplorables ! Ces ‘coups’ des enseignants contre l’Etat sont hélas d’abord subis par les apprenants et les parents. Il faut aussi affirmer et regretter que ces actions soient menées par des collectifs où les plus influents ne sont pas toujours les plus conscients, les plus responsables.

D’autant que des comportements pernicieux ne manquent pas d’entacher fortement ces débrayages. En effet, si certains enseignants, au sortir des Ag, ont la mort dans l’âme, et restent longtemps parfois dans les locaux de l’école qu’ils ne peuvent abandonner sans peine, d’autres s’en donnent à cœur joie, n’assistent même pas aux réunions, pressés qu’ils sont d’aller vaquer à leurs affaires. Beaucoup d’entre eux ne se gênent pas du tout d’aller donner des cours dans le privé ou à domicile. Cela ne peut manquer de se poser un problème de déontologie, d’éthique. Cette lutte, si elle tire en longueur, ne pourra manquer de ternir l’image des enseignants devant les parents qui se soucient avant tout de l’avenir de leurs enfants, et aussi devant des apprenants qui ne manqueront certainement pas d’envier leurs camarades du privé qu’ils sont parfois tentés de faire sortir.

Personne ne peut nier que l’Etat a la plus grande part de responsabilité dans cette situation plus que grave. Mais demain, devant les conséquences fâcheuses qui résulteront de cette lutte, l’Etat sera-t-il le seul responsable ? A la longue, après l’ardeur des premiers jours, que voit-on ? Certains, surtout ceux qui tiennent des classes d’examen, se souciant de ces futurs candidats, retournent dans les classes, conscients qu’ils sont de la complexité de la situation. Ce qui les anime, au point de les amener à ‘défaillir’, c’est moins la peur de la sanction devant un Etat qui, à force de manquer à sa parole, n’a plus d’autorité, que la responsabilité toujours présente de l’enseignant face à ses élèves. Tout au long de ma longue carrière d’enseignant, j’ai toujours donné mon opinion sur les questions de l’école. L’école, un secteur essentiel, fondamental car elle a en charge le capital le plus précieux : la ressource humaine. Hélas, dans ce pays, au rythme où vont les choses, il y a de quoi s’inquiéter sérieusement pour l’avenir de notre jeunesse, de la nation entière !

Des maux chroniques

Au-delà de ces faits immédiats qui alimentent l’actualité brûlante, il y a d’autres faits durables, qui se propagent, se développent et qui sont en train de détruire systématiquement notre système éducatif. Ici également, l’Etat est plus que responsable. Les enseignants ont, eux aussi, une grande part de responsabilité !

* Il y a, tout d’abord, le niveau des élèves en français. Cette langue qui, non seulement, est le véhicule de tous les enseignements, mais constitue en même temps le support incontournable de nos valeurs dans nos rapports avec les autres et dans le monde. Les cours que je dispense toujours dans cette langue, m’ont permis de me rendre compte du degré effroyable qu’a atteint la faiblesse de nos élèves en français ! Une véritable côte d’alerte est atteinte. Nos pauvres enfants, dans leur immense majorité, ne parlent plus français. Ils ne s’en donnent même plus la peine ! Ils ne peuvent pas (et ce n’est pas leur faute !). En effet, rien dans leur environnement ne milite pour une incitation saine à l’utilisation du français. Tout au contraire, on assiste à un véritable laisser-aller. Dans l’espace où on parlait au moins le français, il y a eu l’invasion des langues maternelles. On assiste à un véritable laisser-aller, avec l’emploi de ces langues en plein cours.

C’est le comble quand la plupart des enseignants vous baragouinent un français pas des meilleurs… Pour beaucoup d’élèves, l’usage de la phrase nominale est systématique : ‘Monsieur, craie’ pour dire ‘Monsieur, donnez-moi de la craie’. La ponctuation, les accents, ils ne connaissent pas !. Certains n’écrivent plus et balancent sans aucune application des lettres mal formées, qu’on a beaucoup de peine à lire ! La suppression de l’épreuve classique de dictée dans les conditions actuelles s’impose. La faire est un pur gâchis de papier et de temps. Là aussi, la responsabilité de certains enseignants est pleine et entière : on ne fait pas assez de devoirs et, dans ces derniers, on se soucie peu des fautes, et en général, les devoirs sont plus notés que corrigés. Il peut arriver que des élèves dépités devant des notes plus que catastrophiques, déchirent leur copie, en classe, parfois devant le professeur impuissant. A ce niveau il faut avoir des craintes sérieuses et se demander qui, parmi ces élèves, seront capables, demain, d’être la relève des écrivains actuels. Grave question qu’il faut avoir le courage et surtout la responsabilité de poser. Pendant que, dans le même temps, on ne peut manquer d’être frappé par la prolifération d’artistes chanteurs, danseurs, de lutteur !

* Il faut aussi parler de cet autre mal qui précarise les conditions d’études dans certains lycées et collèges où les effectifs pléthoriques, si nuisibles à la qualité des enseignements, sont favorisés par le recasement massif (sous plusieurs formes) par des chefs d’établissement avec la complicité ou le laxisme de certaines autorités académiques. Sans compter ces établissements d’enseignement privé de type nouveau, constitués de Gie d’enseignants en pleine activité réfugiés derrière des retraités ou des non fonctionnaires. L’Etat les connaît bien, mais se contente de balancer des textes à leur encontre sans rien faire. Une circulaire n’a de valeur que si elle est appliquée. A force d’humaniser les textes, on a fini par les tuer.

* Que dire enfin des cours dans les établissements privés ? Si on ne peut l’interdire, car l’enseignement privé surtout laïc en a besoin, il est grand temps qu’on le réglemente. Leur rentabilité pousse certains à en prendre plus que de raison et alors bonjour les dégâts pour la qualité des enseignements. Aussi bien pour le public que le privé. Combien d’établissements de ce type sont administrés par des gens qui ne remplissent pas les critères académiques ou pédagogiques. Et pourtant, on les laisse fonctionner! Un système éducatif viable, ce n’est pas seulement des moyens matériels et humains, c’est aussi un Etat de droit, une gouvernance fondée sur l’équité à tous les niveaux et surtout la transparence.

Pour toutes ces raisons, notre école est plus que malade. Et encore une fois, l’Etat est plus que responsable! Les parents d’élèves sont, eux aussi, responsables. Dans cette situation de l’école où eux et leurs enfants sont les plus grands perdants, ils n’ont pas l’attitude adéquate qui pourrait les rendre aptes à constituer le troisième pôle qui leur permettrait, tout au moins d’équilibrer les forces en présence et de peser de tout leur poids lors des négociations dans la recherche des meilleures solutions pour l’avenir de nos enfants. Les Ape devraient proliférer dans le pays avec à leur tête des personnes motivées, bien au fait des véritables enjeux de l’éducation. Les parents d’élèves, sans être des contrôleurs ni des inspecteurs, ont le droit et même le devoir d’avoir leur mot à dire dans l’éducation de leurs enfants.

Il est dangereux et frustrant de réduire les problèmes de l’école à des questions de règlement de dettes. J’ai toujours défendu l’opinion que les enseignants sont les premiers défenseurs de l’école. A ce titre, ils sont, qu’ils le veuillent ou non, les gardiens des valeurs cardinales d’honnêteté, d’engagement et de solidarité dont notre pays, notre jeunesse a si besoin.

L’enseignant a ce grand privilège et cette redoutable mission de formater des consciences, de tracer des voies à des jeunes. La société, l’Etat leur doivent considération. Ils ont besoin d’assez de moyens pour accomplir ce sacerdoce. Mais les moyens les plus efficaces, les plus sûrs sont ceux qu’on s’est évertué à conquérir soi-même au prix d’efforts perpétuels pour chaque jour davantage améliorer son propre sort et celui des autres. Devant cet Etat qui, à force de promettre, a atteint ses limites, il faut des analyses plus pertinentes, des solutions moins mécaniques, plus posées Pour terminer, je ne peux manquer de lancer une pique aux enseignants libéraux dont j’aimerais bien connaître les états d’âme lors des Ag. Parce que ces défaillances à tous les niveaux de l’Etat, ne sont que le fait de la mal gouvernance qui ne peut manquer de gagner notre système éducatif. Si on veut guérir véritablement un mal, la ‘sagesse’, la vraie, veut qu’on s’attaque à la racine.

Babacar BARRY - Enseignant retraité à Meckhé

babacar_barry@yahoofr



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