MADRID (AFP) - Gare d'Atocha, dernière station pour Mamadou Diallo, clandestin des Canaries Mamadou Diallo est arrivé en mai à Ténérife, après une traversée d'une dizaine de jours. Trois mois après, il attend, non loin de la gare d'Atocha à Madrid, l'arrivée des fourgonnettes venues chercher au hasard des clandestins pour travailler dans les chantiers de la capitale.
6h30 du matin. Le grand Sénégalais de 31 ans, habillé d'un pantalon et d'une veste en jean, vient de s'installer sur un banc en pierre, comme quelques dizaines d'autres habitués de l'étrange Bourse à l'emploi installée face à la gare tous les jours ouvrables, à l'aube.
Ce Dakarois arrivé en Espagne par l'archipel des Canaries, comme plus de 18.000 autres clandestins depuis le début de l'année, a marqué d'une croix mentale chaque étape de son voyage.
Le 28 avril, raconte-t-il, il a quitté le Sénégal à bord d'une embarcation avec environ 70 personnes, pour une longue traversée.
A bord, ils n'ont pas manqué de nourriture, mais "la mer était très dure de temps en temps parce qu'il y avait beaucoup de vent", dit-il en agitant les bras, avant d'ajouter que "Dieu est grand" et que tous sont arrivés en bonne santé.
Avant, ce ferrailleur avait "travaillé petit à petit" pour économiser les 700.000 francs CFA (environ 1.000 euros) nécessaires au voyage et "tenter sa chance".
"On est arrivés à Ténérife le 8 mai et après, on a été transférés dans un centre (de rétention dans l'île voisine de) Fuerteventura, pendant 13 jours, puis nous avons été transférés (en avion) à Malaga" (Andalousie, sud).
"Après dix jours, ils nous ont libérés et je suis venu rejoindre mon grand-frère" à Madrid, poursuit Mamadou Diallo en regardant le flot de voitures qui commence à emplir les artères de la capitale, où 16% des 3,2 millions d'habitants sont étrangers.
"Avant de partir, j'ai demandé des renseignements, et on m'a dit: +avant d'avoir la 'tarjeta' (carte de résidence) tu vas souffrir+, mais j'ai préféré venir".
"Depuis qu'on est arrivés ici, on n'a pas de travail. C'est dur", poursuit-il, évoquant les petits emplois trouvés de temps à autre dans la construction, payés "40 ou 35 euros" la journée, soit tout juste le smic horaire espagnol.
Un peu plus tôt, une camionnette siglée d'une entreprise de construction est venue chercher deux Maliens, Coulibali et Traore, arrivés en 2002 et 2004.
Une fourgonnette blanche et une voiture rouge l'ont suivie, où se sont engouffrés une dizaine d'Africains et de Latino-américains.
Presque aucune parole n'a été échangée entre conducteurs espagnols et travailleurs immigrés.
Non loin de là, le Péruvien Pedro, titulaire d'un diplôme en ingénierie électrique qui rêvait d'un doctorat à la Sorbonne, décrit la précarité des sans-papiers.
"Certains (employeurs) payent, d'autres pas. Et tu ne peux pas te plaindre. Auprès de qui ?", explique le clandestin, qui a gagné 600 euros depuis début août, trois fois son salaire péruvien, un peu moins que d'habitude car en ce mois d'août les chantiers tournent au ralenti.
"Si quelqu'un tombe d'un échafaudage, on te soigne, on te donne un peu d'argent mais tu n'as rien qui te couvre pendant que tu es arrêté".
Le conducteur de la voiture rouge où se sont installés deux Africains a accepté de donner son téléphone.
Contacté, il assure que l'entreprise pour laquelle il travaille n'emploie pas de clandestins, contrairement à d'autres entreprises, car 20% de l'économie espagnole serait souterraine, selon des études nationale et européenne.
"Ce matin, il y en a un qui est monté et on croyait qu'on le connaissait car vous savez, ils se ressemblent tous", dit-il sans hésiter. "Mais quand on a vu qu'il n'avait pas de papiers valables, je l'ai ramené", assure-t-il.
A 8h00, Mamadou Diallo attendait toujours de se voir offrir un de ces emplois précaires.
"On patiente, Dieu est grand!", a dit pour la deuxième fois ce père de deux enfants, avant de s'assoupir sur son banc.
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