[Retro-2019] Talibés enchainés à Ndiagne : Une opinion publique déchainée

Le 23 novembre 2019, Ndiagne, un village situé à quelques kilomètres de Koki se retrouve brusquement projeté devant l'opinion, celle des réseaux sociaux en particulier. Cette terre méconnue du grand public a vu son nom trainé dans la boue. A l'origine, une histoire de "jenguë" (enchaînement d'enfants talibés).

L'acteur principal a pour nom Serigne Khadim Guèye, un maître coranique "coupable" d'avoir enchaîné des talibés récalcitrants, en accord avec leurs parents. En un temps record, le religieux devenu tristement célèbre a vu sa réputation vaciller, écornée par des Sénégalais qui ne connaissent pas ces pratiques pourtant anciennes dans les daaras. Sur les réseaux sociaux comme dans les journaux, il est surnommé le monstre de Ndiagne. Les termes les plus dévalorisants sont utilisés pour le désigner.

Mais Serigne Khadim Guèye n'aura pas affaire uniquement à l'opinion. Il devra également faire face à la justice, puisque le maitre coranique sera arrêté et placé sous mandat de dépôt. Une arrestation qui a divisé l'opinion publique sénégalaise.

En effet, une bonne partie de l'opinion, jusqu'ici silencieuse, va désormais prendre la parole. C'est le temps de la contre-offensive. Des maîtres coraniques, des prêcheurs, des "produits du daaras" comme l'homme d'affaires Serigne Mboup manifestent leur solidarité à Serigne Khadim Guèye. A l'heure tour, ils dénoncent une tentative de diabolisation de l'enseignement coranique. Certains déclarent même que l'Etat du Sénégal fait la promotion de l'homosexualité et essaie de diaboliser l'éducation religieuse.

Le jour du procès, le procureur requiert deux mois ferme contre le maitre coranique. Le tribunal sera saccagé par les soutiens d'Oustaz Khadim. Des voix dont celle de l'Ums s'élèvent pour condamner l'acte. Certains précisaient même qu'il s'agissait d'un procès contre un maitre coranique et non contre les daaras.

Mais c'était sans compter avec l'arrivée d'un soutien de taille, en l'occurrence Serigne Mountakha Mbacké, le khalife général des mourides. Le patriarche de Touba avait déclaré, à la veille du verdict, qu'il suivait personnellement le dossier. "J'attends l'issue du procès pour pouvoir décliner la posture que nous allons adopter", avait déclaré Serigne Mountakha Mbacké. Le Khalife général des mourides avait dans la foulée, réitéré son engagement d'œuvrer pour l'intérêt des écoles coraniques.

Il a déclaré également : "Nous sommes dans un pays composé à 95% musulmans. On ne peut pas accepter certaines choses". Par ailleurs, il promet de convier tous les dignitaires religieux de Touba pour faire des propositions.

"Nous savons qu'il s'agit d'une question de législation. Soit, les autorités acceptent nos propositions, soit elles changent leur constitution", avait assuré le patriarche.

Finalement, le juge du tribunal des flagrants délits de Louga n'a pas suivi la "réquisition de feu" du maître des poursuites. Il a plutôt condamné Khadim Guèye et ses codétenus à une peine deux ans assortis de sursis. D'où le qualificatif "verdict d'apaisement".