Tout comme les bus et autres cars rapides, les taxis clandos font partie du décor du transport de la banlieue. Néologisme tiré du diminutif de l’adjectif clandestin, cette désignation s’applique à une catégorie de véhicules de transport en commun peints en blanc, avec lisérés verts. Ayant pour sphère d’évolution la banlieue, le clando n’est pas reconnu par la législation ; il n’est que toléré. Nous sommes allés à la rencontre de ces chauffeurs qui disent mener une vie de galériens.
Les taxis clandos sont les as du transport de banlieue. La rentabilité dicte leurs stratégies de conduite. Comme nous avons pu nous en rendre compte, en montant à bord de l’un d’eux du Cdeps de Guédiawaye, à destination de Pikine. Le taxi qui fait quotidiennement l’itinéraire Pikine Tally Bou Mack-Corniche-Pikine avait fait le plein à l’aller. Au retour, il a préféré ne pas s’inscrire sur la liste des taxis en partance pour Pikine, préférant se fier à la chance. Dans ce cas précis, il peut arriver que le chauffeur fasse tout le retour sans le moindre passager. Comme c’est le cas d’ailleurs avec ce chauffeur qui, interpellé sur cet état de fait, répond tout de go. « C’est la fin du mois, à chaque fois c’est ainsi », se répète-t-il. Et malgré cette situation bien connue de son patron, ce dernier ne tolère guère qu’Ibrahima Faye rentre sans le versement du jour. « Quelles que soient les difficultés de la journée, tu es tenu de t’acquitter du versement quotidien », dit-il. C’est la raison pour laquelle, Ibrahima Faye fait des pieds et des mains pour trouver les sept mille francs Cfa qu’il est tenu de verser quotidiennement. Cependant, il arrive des jours où il gagne beaucoup plus que ce montant. « Si c’est le cas, je remets au patron le versement quotidien et j’empoche le reste », avoue le bonhomme.
Un gisement de contraventions diverses
Ils sont la cible des agents de la circulation routière qui trouvent toujours un prétexte pour les verbaliser, car ces véhicules ne sont que tolérés. A la différence des autres véhicules de transport, le clando tombe immanquablement, à chaque rotation, sous le coup d’une contravention pour une chose ou une autre. Tous les clandos ou presque s’acquittent de la patente annuelle, d’une vignette ainsi que de la taxe municipale appelée « diouty ». Par contre, rares sont ceux qui s’acquittent de la vignette bleue imposée aux clandos. La cherté de cette taxe et le comportement des préposés à la circulation, peu regardants sur cette pièce font que peu de clandos en disposent. Dans la même veine, les trois bandes verte qui devraient figurer sur tous les clandos ne sont presque plus visibles nulle part dans le parc. II est rarissime de voir un clando ainsi identifiable. De sorte que le policier n’a qu’à exiger la vignette bleue ou les bandes vertes pour disposer d’un motif valable de verbalisation du conducteur. D’où la vulnérabilité, par rapport au policier de la circulation, du chauffeur au volant de son clando. « Pour ces raisons précitées, le policier qui vous arrête dispose de facto un motif pour te sanctionner », répète Macoumba.
Vétusté et absence de confort
Le parc « clandos » de Dakar regorge de guimbardes et autres tacots bons pour la ferraille. Rares sont d’ailleurs les véhicules qui présentent un peu de confort. Ils sont répartis dans une trentaine de garages sporadiquement implantés dans la région, desservant deux localités extrêmes reliées par un axe routier. A titre d’exemple, l’inexistence d’une voie bitumée entre Thiaroye et Guédiawaye fait que les clandos, sont les seuls, avec les charrettes à tractions équine, à assurer le transport des personnes entre les deux localités. Cependant, même s’il fait figure de moyen de transport moderne comme tous les autres, les clandos sont occupés, pour la plupart, par des jeunes qui n’ont pas encore la possibilité de conduire les moyens de transport en commun usuels, cars rapides, ndiaga Ndiaye, etc. Avec le transport clando, le chauffeur est tenu de faire un itinéraire conventionnel, connu du passager, à la grande différence du taximan qui peut emprunter n’importe quel itinéraire pourvu que le client arrive à destination le plus vite. Selon beaucoup de chauffeurs de clandos interrogés, conduire un taxi rapporte également plus, parce que la zone d’opération du taxi est beaucoup plus vaste que celle du taxi clando. C’est l’avis de Macoumba chef du garage des clandos de Thiaroye Gare, qui révèle qu’à la différence du taxi, le clando n’a pas le droit de circuler en ville ; il a un itinéraire précis à emprunter obligatoirement, faute de quoi, le chauffeur risque de s’attirer les foudres du client. Exceptées les heures d’affluence au cours desquelles certains chauffeurs de clando préfèrent le maraudage, le chauffeur s’inscrit au garage sur une liste et attend son tour. Il démarre une fois qu’il a fait le plein de clients. Parfois, il peut attendre longtemps avant que n’arrive son tour. Cependant, le chauffeur propriétaire de son clando est mieux loti que le chauffeur recruté par un employeur. Dans le premier cas, il travaille à sa guise, sans la moindre pression. C’est-à-dire qu’il est libre de recourir à un « sirouman » (suppléant officieux) tout en veillant au bon entretien du véhicule.
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