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Monday 01 September, 2025
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Transition écologique : pourquoi le Sénégal reste en marge des financements climatiques mondiaux

Auteur: Aicha Fall

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Alors que les bouleversements climatiques affectent de plus en plus durement son territoire, le Sénégal peine à capter les flux financiers internationaux indispensables à la mise en œuvre de sa transition écologique. Inondations récurrentes, érosion côtière, salinisation des terres agricoles et stress hydrique menacent la stabilité sociale et économique du pays, pourtant peu émetteur de gaz à effet de serre. Ces vulnérabilités sont clairement identifiées dans sa Contribution déterminée au niveau national (CDN) révisée en 2020. Pourtant, les financements peinent à suivre.
L’Afrique dans son ensemble ne reçoit qu’environ 3 % des financements climatiques mondiaux, selon le Climate Policy Initiative (CPI), bien loin des quelque 250 milliards de dollars par an jugés nécessaires d’ici 2030. Entre 2016 et 2021, le Sénégal n’a pu mobiliser qu’environ 300 millions de dollars auprès des fonds multilatéraux comme le Fonds vert pour le climat (GCF) ou le Fonds pour l’environnement mondial (FEM), selon la Climate Funds Update. Ce montant reste dérisoire au regard des investissements attendus dans les secteurs clés de l’économie : énergie propre, agriculture résiliente, mobilité durable, assainissement ou encore gestion des ressources en eau.
Les obstacles sont nombreux. La structuration des projets climatiques exige une rigueur technique, une viabilité financière et des mécanismes de gouvernance exigeants que peu d’acteurs publics et privés au Sénégal sont en mesure de satisfaire. De nombreuses collectivités locales et agences sectorielles manquent encore d’expertise en ingénierie financière, en évaluation d’impact ou en suivi environnemental, ce qui rend difficile l’accès direct aux financements. Par ailleurs, l’écosystème institutionnel demeure morcelé, avec une coordination insuffisante entre les ministères, les opérateurs nationaux, les ONG et le secteur privé.
S’y ajoute une carence persistante d’intermédiaires financiers agréés au niveau national. Aucune banque sénégalaise n’est actuellement accréditée auprès des grands fonds climatiques, ce qui empêche le pays de bénéficier de décaissements directs et rapides. En l’absence d’un ancrage local fort dans la chaîne de financement, les ressources transitent par des opérateurs internationaux, au prix de lenteurs, de surcoûts et d’un affaiblissement du contrôle stratégique.
Quelques initiatives récentes témoignent néanmoins d’une volonté de renversement de tendance. Le Sénégal a intégré la Climate Investment Platform, une initiative conjointe du PNUD, du Fonds vert pour le climat et de l’Agence internationale de l’énergie visant à soutenir les pays en développement dans l’élaboration de projets bancables. La BOAD, quant à elle, a accru son engagement en faveur des infrastructures vertes au Sénégal, notamment dans l’assainissement urbain et les énergies renouvelables.
Mais pour passer d’une logique d’expérimentation à une dynamique structurée, le pays devra encore renforcer ses capacités techniques, harmoniser ses instances de gouvernance climatique, et innover sur les instruments financiers. Le recours aux obligations vertes, aux partenariats public-privé à visée environnementale ou encore aux garanties souveraines adossées à des projets à impact pourraient contribuer à attirer davantage de capitaux.
Le Sénégal a fait le choix de réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 30 % d’ici 2030, tout en consolidant une croissance inclusive. Il lui reste à démontrer, face aux bailleurs internationaux, sa capacité à traduire cette ambition dans des projets crédibles, rigoureusement construits et capables de transformer durablement son modèle de développement.
Auteur: Aicha Fall

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